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vers , n’ont expliqué les faits de la nature que
fuivant leur imagination, n’ont pu donner que
dans des écarts abfurdes. Il n’ en eft pas de même
quand on ne confulte que la nature fur les ouvra- i
ges de la nature, & qu’on s’en tient à l'obferva- 1
tion févère & rigoureufe. Ovide eft bien plus fage,
quand il dit ailleurs que les eaux courantes ont
approfondi les vallées â la furface dés plaines,
& que les fo ti r c es forties du fein de la Terre ont
donné naiffance aux fleuves.
Quodque fuit campus vàllem decurjus aquarum
Fecit, .& antiquis tàm multa tremoribus Orbis
Flumina profiliunt.
C o n s t it u t io n in t é r ie u r e d u G l o b e .,.
Je viens de décrire les principales inégalités qui
fe montrent à la fupei ficie de la Terre. Je vais pré-
fenter maintenant les différentes difpofitions des
fubftances qui conftituent les parties de fa maffe,
où nous avons pu pénétrer.
Ces parties font peu confidérables, par rapport'
au tout. Quand nous aurions fouillé une lieue en
profondeur dans chaque partie oppofée du Globe,
nous ne connoïtrions que la quinze centième partie
de fon épaiffeur. O r , il s’en faut beaucoup que nos
recherches aient pu pénétrer même, jufqu’à la cinquième
ou fixième partie d’une lieue. Ainfi il faudra
, malgré nous, nous contenter de bien peu d.e
chofe fur l 'épaiffeur voifine de la fuperficie., qui
doit être fufceptible du plus grand & du plus profond
détail.
J’ai dit ci-deffus que tes difpofitions indiquées
dans la maffe Hz le foîide de la Terre font bien
plus anciennes que les inégalités de la fuperficie j
ce qui doit être reçu comme un axiome fort fimple,
fort aifé à faifir. Le travail qui nous repréfente
aujourd’hui, fur un bloc de marbre, la figure & les
traits d’Alexandre, ainfi que l’ accident qui lui au-
roit mutilé le nez ou un bra$, font des faits beaucoup
plus récens que ceux auxquels le marbre
doit la difpofition de fes veines & l’arrangement
de fes parties intérieures & la compofition de chacune
de fes parties. Il en eft de l ’intérieur de la
Terre & de fes inégalités, comme des formes delà
fuperficie. Les chaînes de montagnes, les ramifications
des vallées & touteslesinégalitésdenoscon-
tinens, qui font les traits de notre G lobe, ont été
fculptés dans une maffe qui avoit une difpofition
intérieure dans fon tout & dans- chacune de fes
parties, bien plus ancienne que tousles événemens,
que tous les accidens qui l’ont tronquée & mutilée,
Hz qui ont produit les différentes fituations préfentes
de fa fuperficie. On doit bien fentir, après
tout ce que j’ ai ait ci-deffus, que pour avoir une
idée jufte des montagnes il faut les confidérer
comme des parties d’ une ancienne maffe, qui font
reliées en relief, & enfuite des vallées comme des
filions creufés dans la maffe , & qu’une feule caufe
a produit ces deux effets > & cet agent, c’eft l’eau.
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C ’ eft ainfl que le fculpteur, pour faire enfler une
draperie , ne fait que fouiller dans le marbre les
plis qui doivent la faire valoir.
Les eaux courantes de la Marne, defcendant
dans les premiers tems des fommets de Langres
pour fe précipiter dans les baffins inférieurs, a
formé les vallées des environs de Meaux, & du
déblai de ces vallées font réfultées les montagnes ou
collines, dont nous avons examiné les différentes formes.
La grande éruption des eaux du Nil a formé les
côtes efcarpées dont l ’afpeél étonne tous les voyageurs
: ce font ces côtes efcarpées qui forment la
vallée profonde du Nil. Les eaux qui ont approfondi
la vallée du Danube, qui ont fait enfler le
Pont-Etixin, & tranché le détroit de Conflanti-
nople, en produifant ces excavations énormes aux
dépens du fein de la Terre , ont détaché de même
les côtes élevées & les montagnes affreufes de ce
paffage fameux. Les terrains qui rempliffoient les
vides de ces vallées , réuniffoient à ces anciennes
époques ces croupes aujourd’ hui féparées, & ils
étoient, comme ces maffes, de même nature & de
même conflruétion intérieure.
Pour connoïtre, autant qu’ il fera poflible, cette
maffe ancienne dont les eaux courantes ont ouvert
une partie & même fillonné toute la furface, c’efl:
donc dans le fein des montagnes qui en font les
reftes & les vertiges, qu’il faudroit faire des recherches
avec grands frais & de grands travaux. Mais
les carrières & les mines déjà ouvertes pour les
befoins des fociétés, nous ont épargné ces peines
prelqu'en tous lieux j outre c e la , nous pouvons
mettre à profit les avances que nous fait la nature
lorfqu’elle nous préfehte dans les flancs efcarpés
des vallées, la coupe de ces terrains tranchés.
Nous y appercevons des bancs & des lits remarquables
par leur pofition générale & par leur
nature particulière* Ils font régulièrement conf-
truits les uns îur les autres dans une étendue fi
confidérable, qu’elle règne fous des provinces entières,
malgré les grandes vallées qui les féparent,
malgré les montagnes qui les couvrent.
Ces bancs varient entr eux dans leur épaiffeur :
fouvent elle eft de plufieurs pieds ; fouvent auffi
ce font moins des bancs que des feuillets très-
minces, dont le nombre eft confidérable & l’épaif-
feur infenfible. Mais pour chaque banc i’épaiffeur
eft prefque toujours la même, dans telle étendue
qu’il puiffe régner. On voit le fommet des montagnes
conftruit ainfi par bancs, & leur bafe dans
la plus grande profondeur des mines & des carrières
eft auffi conftruite de la même manière. Ils
j font quelquefois défunis, brifés, culbutés & hors
j de leur pofition naturelle, plus ordinairement dans
i les montagnes élevées que dans les fouterrains
j profonds. Tel eft en général ce qui concerné leurs
i difpofitions : voici enfuite ce que l'on peut con-
! noïtre de leur nature.
j Autant la pofition de ces bancs eft-elîe uniforme
& fimple dans certaines contrées du Globe, au-
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tant difparoît^elle dans d’autres, où fuccèdent des
fentes de defliccation dans certaines maffes grani-
teufes : tantôt cès bancs font compofés d’amas confus
de pierres & de pierrailles & de cailloux brifés,
comme en certains marbres j tantôt de fables & de
menus graviers, comme les pierres à grain; tantôt
de fablons & de criftaux très fins, comme les
roches vives & les grès ; tantôt d’une matière
douce & terreufe, comme les pierres tendres & les
craies; tantôt enfin, de limons, de glaife, de
fables & de fablons, qui ont confervé leur ancienne
nature fans fe pétrifier. Quelquefois dans le même
banc on trouve l’amas informe de tous ces décombres
; mais ce qui nous étonne le plus, c’eft
qu’au milieu de ces différentes matières molles ou :
folides fe trouvent compris & renfermés les débris
de tout ce que les genres animal & végétal pro-
duifent naturellement fur la terre & dans les mers ,
des parties d’animaux terreftres, fouvent des animaux
entiers, des poiffons & des coquillages fans
nombre, des arbres & des arbriffeaux, même les
plantes les plus tendres de nos landes & de nos
marais. Rien furtout n’y domine avec plus de pro-
fufion que les productions marines, ëz nos conti-
nens, plus riches en cela que la mer même, nous
ont fait connoîcre plus d’ êtres de cet élément, que
nous n’en avons connu jufqu'à préfent dans l ’Océan
tout entier ; phénomène admirable, autant ignoré &
même négligé de l’antiquité, qu il eft généralement
renommé & recherché par les favans naturaliftes
de nos jours. Je dois cependant remarquer qu’Hé-
rodote, Pline & Ovide en ont dit quelque chofe,
mais peu de chofe d’inftruétif.
- Les Académiciens qui ont été au Pérou, n’ y:
ayant trouvé que peu ou point de coquillages
foffïles, il en étoit réfulté un doute fur l’univer-
falité de ce phénomène.Il eft vrai que,dans ce
pays, tout y paroït, furtout dans les montagnes,
.être l’ouvrage du feu. Effeélivement, la fuperficie
des terrains, jufqu’à une grande profondeur, n y
montre que des couches produites par les éruptions
des volcans. .Néanmoins, dans les ravines
profondes, l’on y voit le fol naturel de la contrée
formé, comme partout ailleurs, de lits & de bancs
de pierres qui n’ont pu être que l’ouvragedé l’eau ,
quoiqu’on les trouve' brifés & bouleverfés en des
endroits ; qu’en d’autres on les trouve calcinés,
quelquefois pendant plufieurs lieues de longueur.
M. Bouguer, dans fon Traité• de la figure de la
Terre y a bien reconnu que les énormes débris qui
étoient fous les couches produites par les volcans,
dévoient avoir une autre époque. Du refte,.ileft
très-certain qu’ il y a des coquilles dans les cordillères
comme dans la plupart des montagnes du
Globe : plufieurs voyageurs en ont parlé. Je vais
citer plufieurs paffages tirés d’ un Traité de métallurgie,
fait par.A'phon.fe Barba-, curé du Potofi.
« A quatre lieues des mines de Saint-Chriftophe 1
d’Ochocolla eft un la c, près duquel eft une veine f
-de pierres judaïques,, page La mine , qui |
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eft fur le chemin du Potofi à la vallée d’Oro-
nefta, montre une variété de figures tracées fur
les pierres. Barba annonce qu’il y en a quelques-
unes fur lefquelles on voit des coquilles de toutes
grandeurs, dont les unes font marquées par une •
partie concave, & les autres par leur partie convexe
, avec tous les linéamens de leurs moindres
traits, très-bien exprimés. L^endroit dont il parle
eft fitué au milieu de la terre ferme, & la plus
montagneufe du Pérou, page 64.
Tout ce que nous avons dit jufqu’à préfent
prouve que cette merveille embraffoit la plus grande
partie des plaines & des montagnes, & qu’à l’exception
des contrées qui renferment ce que j’ai nommé
C ancienne T erre y il n’y avoit pas le plus petit coin de
la Terre habitable dontla mer n’ai t formé les matériaux,
& où enfin elle n’ait féjourné pendant tout
le tems néceffaire à cette longue opération. C e
font les réfultats & les conféquences les plus juf-
tes où le progrès de nos connoifiances & l’art de
voir & d’obferver nous aient amené après avoir
bien long tems combattu contre les préjugés de
l’ignorance & de la fuperftition.
De toutes les idées que l’on avoit eues à ce fujet,
! la plus fenfée étoit celle qui regardoit ces tréfors de
; la mer comme les effets. & les fuites de tempêtes
accidentelles qui les avoient, jetés & abandonnés
par quelque défordre partager fur les continens où
nous les trouvons. Mais ces coquilles ayant été
découvertes dans la marte des montagnes & fur
leurs fommets,: comme dans les carrières les plus
profondes, ont prouvé que le féjour des eaux de
la mer avoit été fixe & confiant fur nos terres,
comme il l’eft préfentement dans les baffins qu’elles
occupent; que c’ eft pendant un féjour pareil que
les bancs de la Terre & tout ce qu’ils renferment
ont été confirmes fucceflivement les uns après les
autres, & régulièrement placés les uns fur les autres,
comme nous les obfervons. Rien ne repréfente
dans la maffe de la Terre & dans la difpofition
de fes bancs, la confufion & le défordre
d’ un accident paffager & particulier : tout y eft
' général & uniforme ; tout y- eft auffi régulier que
les afiifes d’un rempart. Les efpèces marines font
d’ailleurs, cantonnées, les unes dans un lieu, & les
autres dans un autre. Ici c’eft un banc de buccins;
ailleurs ce font des huîtres qui dominent. Dans
une contrée, ce font des ourfins qui font les plus
nombreux, ou des légions de petites cornes d’anv-
mon lenticulaires ; & dans une autre, ce font des
forêts de madrépores, de coraux & autres, ouvrages
des plus petits infeétes de la mer. La fécondé
chaîne de montagnes que décrit M. de Sauvages
dans fon Mémoire, n’eft prefque compofée que de
tellines, & fa principale remarque eft que, dans
prefque toutes, les valves font deux à deux , les
unes ouvertes & les autres fermées, de façon que
•les unes.;& .lés autres, fe joignent toujours à l'endroit
;de la charnière: d’où il conclut, avec rai-
foïlj.que les coquillages n’ont pas paffé par degrés