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abondance ces fables funefKs, q u i, deflechés, fe
feiffent enlever par le moindre vent, 8c fervent de
minière à toutes les chaînes de dunes qui inondent
les bords de nos côtes.
Enfin quoique les finuo.fités dont nous venons
de parler ne foient pas le feul endroit où la mer
répande^cies fables , qu’elle en forme au contraire I
des depots a fiez confidérables contre la baie de
ces premières dunes, couvertes de différentes ef-
pèces de chiendents marins , & au (fi anciennes
que le rivage , il eft encore certain que ces dunes
donnent moins de prife à l’effort des vents j que
le fécond reflux répare fouvent le dommage que
le premier auroit pu faire, 8c que les fables étrangers
font reportés dans la mer par le retour des
flots.
Ne feroit-il pas pofilble de lier ces dunes par
leurs bafes & de fermer toutes ces finuofités?
Si j à force d’efl'ais ,. on réuflîiïoit à faire germer
la graine de pin fur leurs fommetsj ne pàrvien-
droit-on pas aufiî a la faire réuflir dans leurs réparations
? Pour tout dire en un m o t , fi tout* le
rivage étoit ainfi bordé par des forêts de pins,
dont les racines puffent confolider les fables fur
lefquels ces arbres auroient pris naiffance , les
courans ne feroient-ilspas forcés de charrier alors
dans le baffin de la mer les fables qu’ils dépofent
fans celle fur ces bords ? Ces idées paroïtront
hafardées peut-ê;re , & on pourra objecter d’abord
l’ impoffibilitéde l’exécution,-enfuite l’incertitude
du fuccès en fuppofanc l ’exécution poffible.
L’auteur avoue de bonne foi que lentreprife
qu’il propofe * eft effrayante par les dépenfes
énormes qu’elle femblerott exiger. Mais ne pour- ■
roit-on pas commencer l’ouvrage dans l’ un des
endroits qui occafîonneroic fe moins de frais ? i
Et certes , il n’eft pas de village qui ne fe prêtât
au bien général s’ il y étoit invité par le zèle des !
fuperieurs 8c par l’appât des conceffions de ces
dunes , q u i, dans l’état aétuel, ne peuvent être
d aucun rapport. Si , après les mefures J es plu-s
fïges pour fermer l’une des finuofités qui fourni-
roit la plus grande quantité de fables , le fuccès j
ne répondoit pas à nos efpérances, on n’auroit !
pas à regretter des fommes bien confidérables-, I
&. on n’aurdit tien à fe reprocher. Si le fuccès |
étoit au contraire tel qu’on le defire, la depenfe |
de üeffai, bien appréciée , ferviroic à calculer J
celle de l’ouvrage en entier. La difficulté & les I
travaux immenf&s de cette .entreprife~ne doivent: |
donc pas-être un motif de découragement. Que !
ne doit-on pas efpérer du concert de piufieurs j
bras que des vues faines & qu’une autorité
éclairée faurcient faire mouvoir pour, un objet
mii les touche de fi près-, & qui déjà-leur paroît
de la dernière importance ?
Mais comment faire efpérer le fuccès de ces-
travaux, quand même l’exécution en feroip poffible?
La feule infpeétion des-côtes de oettef portion
de l’Océan, qu-on.nomme h-mer des Bafquesr
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nou*: en donne les affurances les plus décifives en
pareil cas. Les fables ne caufent aucun ravage
fur les terres de ce canton. Ii eft même certain
qu ils ne s’y font jamais répandus, puifque les
couches de falailes qui .bordent le- baffin de la
mer en cet endroit, n’ont aucune analogie avec
les fables que les flots dépofent contre leurs
bafes.
Pourquoi les fables ceffent ils d’être malfai fa ns
fur les cotes de ce rivage? G’ eft qu’ indépendamment
des rochers qu’on y rencontre de diftance
en diftance , 8c dont les angles avancés vont fe
perdre fous les eaux de la mer, chaque colline qui
luit 1 alignement de nos dunes eft liée avec fa voi-.
fine par des terres compactes qui retiennent à leurs
p:eds tous les fables que les courans y dépofent.
Ces fables , ainfi retenus, ne font jamais affez
éloignés des ondes pour fécher bien vice ; 8c
quand même ils auroient le teins de fécher, les
vents n ont plus de prife fur une-plage étroite
8c garantie par de hautes falaifes } fis ne - fau-
roient conléquemment en enlever les fables pour
former des dunes avancées.
Si quelqu’un pouvoir foupçonner que les fables
jetés par la mer fur ectte côte ne font ni auffi légers.
ni auffi abondans que ceux qu’ eUe éhairie fur
les nôtres , il ne faudroit, pour le convaincre du
contraire, que lui préfenter la quantité de bancs
;de labiés qui auroient déjà obftrué f embouchure
dp l’Àdour 8c comblé le port de" Saint-Jean-de-
Luz fi les travaux continuels des ingénieurs à.
cés deux barres ne rendoient les courans du flux
allez violons pour réparer les dégâts que le reflux
ne manque jamais d’y faire. Il relie donc bien
prouvé que fi les fables-ne forment point de
dettes dans ces endroits-,- g’ eft que ces hautes c-rilv
li-nes de terres foiides qui borden't le baffin de la:
mer , fe trouvant liées entr’eiles , ne lai lient aux
fables aucun moyen de s’extravafer. Les mêmes;
effets ne rrianqueroiént donc pas de fe montrer
lur, nos- côtes fi nous étions affez heureux d’y
f pouvoir établir une eaufequi devînt équivalente.
O f , les procèdes que nousn’avqns fait qu’indiquer
plus haut pourvoient la fournir, cetfe eaufe.»
Que l’art fupplée à la nature-', que les difficultés-
de l ’exécution ne fervent fur-tout qu’ à' faire trouver
les moyens de les furmonter!
§. I I . Obferv allons & notes fur les dunes y â-vec des
réflexions'fur ce phénomène naturel.
Les '-dunes, ainfi que nous l’avons déjà dit1, font
des montagnes de fable blanc ÿ criftallin 8c mobile
, amàfté fur les bords de la mer , 8c elles'
lotit menaçantes,-excepté quand dès fables'font
fixés par les racines des- plantes qui ont eu le?
te ms d y croître & de s’y entrelacer à d'enieüre.
Les cotes de France' font coüVferfés dé duhed
depuis Bordeaux juîqu’un peu par-delà Bayonne’j
celles de Normandie , de Flandre 8c de Hollande
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le font auffi depuis le Blanay , qui eft à une lieue
à l’ oueft de Calais, jufqu’au Texel, 8c peut-êcré
beaucoup plus loin.
Dans ces deux pays le fond de la mer eft du
même.fabfecriftallinqui forme les dunes fans aucune
pierre, 8c la plage qui eft entre la dune 8c la mer.
Cette plage, dont une partie eft couverte d’eau
à marée haute , 8c découverte à marée baffe , 8c
que fur les côtes des Pays-Bas on nomme l'efiran,
eft auffi un terrain de pur fable fans pierres.
Ces fables font fouvent agités 8c .amoncelés
par le v en t, 8c furtou-t par les ouragans.
[••.. Tous les jours' des terrains cultives fur Es plages
, au pied des dunes , du côté de la mer ,
font couverts par des-fables que ies ouragans y
apportent : c ’elt ce qui eft arrivé au Cap-Breton,
au deffus de Bayonne. Ce pays, étoit autrefois
fameux par fes vins , qu’on nomme encore vins au
Cap-Breton : cependant, quand je l’ai vifité, il n’y
avoit pas un cep de vigne: tout le vignoble avoit
été couvert de bible, 8c on .çommençoit à fonger
à en planter de nouvelles. C ’étoit au vieux Boucault
, aurre plage femblable, à quelques lieues
du Cap-Breton , vers le nord’,, que fe recueilloit
tout le vin nommé de Cap-Breton, 8c on v
craignoit fans celle de pareilles tempères. Pour
fe garantir des moins fortes , on metcoit des
pailiaffons le long des vignes , du côté de la mer.
•Ils fervoient à garantir en même temps des tempêtes
de fable 8c de l’aétion directe du vent fur
la vigne, qui peut être dangereufe, furtout quand
elle eft en fleur, 8c dans tous les tems pourroit
renverfer les ceps ou les tourmenter.
- On me montra aux vieux Boucault, fur la
plage, des monceaux ou monticules de fable nouvellement
formés par les vents, 8c il étoit évident
que ce n’étoit que par des ouragans ou
vents tournoyans j car une tempête de fab le,
par un vent confiant de mer, auroit élevé ces
fables contre la dune 8c n’ en auroit pas formé ces
monticules i foies. >
Les monticules ou petites dunes; font fujets
à être renverfés par une tempête , comme ils
ont été formés par une tempête , à moins qu’ils
n’aient exilté affez long-tems pour qu’il y foit
cru des plantes dont les racines aient fixé 1e fable.
Quant aux grandes dunes cp\\ forment ces chaînes,
lefquelles bordent une grande longueur de côtes ,
il ne me paroit pas poffible que le vent fes dér
truife. Elles ont été formées par une longue fuite
de fiècles parce que l’inclination des élémens
eft d'y apporter le fable plutôt que de l’emporter ,
8c une tempête momentanée ne peut détruire
l’ ouvrage continu de piufieurs années. D’ailleurs,
un ouragan ne peut pas entourer de tous les côtés
une chaîne de montagnes comme un monticule
ifolé.' Je conçois aifément que les tempêtes , venant
de la mer , apportent du fable contre les dunes
8c les fortifications , mais je conçois difficilement
qu’elles- l’entraînent dahs la.vallee, ■
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Il y a une autre eaufe qui tend à la dégradation
des dunes : ce font les pluies, qui continuellement
entraînent les fables des deux côtés
de la dune , lorfqu’ils ne font pas fixés par les
racines des plantes. On en voit de fu ne fies, effets
du côté du port de la Telle en Guienne, où
depuis quelques années une terre, extrêmement
fertile , derrière une dune, a été enriéremerr
couverte d’un fable ftérile, 8c on craint à la Telle
que les enfablemens ne viennent fucceffivément
jufqu’aux murs de ce bourg. C ’ eft ce qu’on m'a
fait voir en 1776;, 8c dans la même apnée on m’a
dit auffi à Dunkerque, qu’il eft arrivé de femblables
malheurs à de très-bonnes terres, fituées pareillement
derrière la dune.
Au re lie , je me trompe peut-être quand je
dis ablolument qu’il n’y a que les pluies qui dégradent
les dunes, & que le.vent n’y contribue
pas : peut-être les deux élémens y concourent}
mais je ne crois pas me tromper en difant que
communément l’effet du vent eft plutôt de les former
que de les détruire. ■
Je doute , par toutes les raifons que je viens de
dire, qu’aucune dune foit emportée , puifque je
ne crois pas qu’elles pu i lient l'être parla violence
momentanée d’une tempête j 8c quant à l’effet fuc-
celllf, foit du vent, foit des pluies , je. fuis porté à
croire que, dans la fomme des événemens qui arrivent
pendant piufieurs années, il y a plus de lâble
apporré qu'emporté , 8c la dune doit plutôt gagner
que perdre. Je me fonde fur ce que c’eft la mer
qui a formé les dunes. Les vents habituels de la
côte font toujours les mêmes, les marées les
mêmes, le fond ée fable de la mer toujours le
même : ainfi l’effet me femble devoir être 1e même
pendant les fiècles. D’ailleurs, je n’ai point entendu
dire que pareil malheur fût arrivé. J’ai for.-
vent entendu parler de ruptures de digues, mais
jamais de dunes (1 ).
Je conviens cependant qu’on peut oppofer à
mon fentiment un fuffrage d’un bien plus grand
poids } c’éft celui des riverains des côtes ou la dune
n eft pas fort epaifle, qui tous en craignent extrêmement
la rupture, 8c font tous fes ans de. très-
grandes dépenfes pour prévenir c e malheur.
J’ai vu cette crainte à Blankemberg en Flandre,
où réellement les dunes ont très-peii d’épaiffeur.
Elle eft"exceffive en Hollande, 8c a occafionne
les travauximmenfes de Weftcappel, qu’on appelle
digues, 8c donc je crois que le noyau eft une dune
de fable. Ces travaux, renouvelés tous les ans, rui-
( i) Les dunes font l’ouvrage de la nacuré : ce font des
montagnes de fable jetées par la mer fur la côte , & enfuite
amoncelées par les vents ; c’eft l’ouvrage fuccefllf de deux
élémens.. Les digues font l’ouvrage des hommes : ce font
'dés remparts fafticês , èppoles à la mer dans les côtes où il
n’ y a point, de dunes. Dans la Hollande , qui eft une pref-
qu île , la côte de la grande mer eft bordée de dunes, & celle
I du Zuiderzee de digues^ ..