n’y paiïe aucune rivière, fi ce n’eft celles qui fe
portent vers Villeroc & Ville rs, où il y en a une
fort poiflonneufe. C'eft là que commence une
nouvelle plaine, qui a bien trois lieues de longueur}
fur deux de largeur , & d’un terrain à peu
près égal à celui du Perthois. Cette plaine eft baignée
d’ un côté par cette petite rivière qui coule
au pied des coteaux crayeux de Montmorency &
deRofnay, & de l’autre par la rivière d’Aube, depuis
Beaulieu jufqu’à Dieuville. Cette plaine s’étend
jufqu’ à Chalette où la Voire fe réunit-à
l’Aube. Cette plaine eft bordée , d’un côté feulement
, par la colline de Brienne.
La haute Champagne eft terminée par là Brie ,
qui commence à Sézanne. C ’eft une chofe allez
fingulière 3 que, dans la ville même de Sézanne,
où finit la Champagne & où commence la Brie ,
certaines caves font creufées en partie dans la craie
& en partie dans le grès, qui s’ étend enfuite dans
cette province. Ce grès, comme celui d’Étampes,
ne contient point de coquilles, au lieu que celui
d’Herblay en eft parfemé : elles y font très-bien
confervées en fubftance, Couvent même avec leur
vernis naturel , & quelquefois avec leur couleur.
On voit fur cette ligne la limite de la craie, comme
on l’ a déjà remarqué, mais le commencement d’un
autre ordre de chofes, où fe trouvent, non-feulement
les grès, mais encore les pierres calcaires
dures, les marnes & enfin les meulières à laSuperficie.
Telle eft la conftitution du- fol de la Brie,
qui confine avec la Champagne que je viens de faire
cormoître , en préfentant des mafîî.fs plutôt que
de petits détails mefquins, découfus, & qui ren-
droient les descriptions d’hiftoire naturelle comme
des amas de faits confus & véritablement plus
propres à furcharger la mémoire, qu’à éclairer
l'elprit; enfin, qui ne montrent aucunement les
réfultats fimples des opérations fitcceflives de la
nature, tels que la géographie-phyfique doit s’attacher
à en faire l’étude & le rapprochement
avant que nous puiflîons les offrir avec le fecours
dés Cartes.
Contrée crayeufe de la Champagne.
La contrée crayeufe de la Champagne commence
au fud de Troy es, & fe termine un peu au-delà
de Rhétel. Elle forme une tare irrégulière fur la
furface de cette province, qui a plus de quarante
lieues de longueur du fud au nord, & communément
dix à douze lieues de largeur de l’ eft à
l’ûueft. La figure de ce maffif, qu'on peut voir fur
la-planche qu’on eu à tracée, n'a point, dans fes
plus grandes ditflénfionSj-un certain rapport avec
la diréétion du cours des rivières qui le traverfent,
pour nous faire croire• ou'il ait pu en être autrefois
l’ouvrage 8é le-dépoty car il s’étend du nord
aû fud , & c'eft au'côfitraire du fùd-eft au nord-
oueft que ce maffif eft obliquement traverfé par
l ’Aifne, là Retourne, la Suippe, la Veffe 3 la
Marne, l ’Aube & la Seine ; en forte que le cours
de toutes ces rivières paroît être accidentel, &
poftérieur à la conftrudlion & à la difpofition dé
ce grand amas de craie. Celles de nos rivières qui
y prennent leurs fources, ne font pas auffi confi-
dérables que celles dont l’origine eft au-delà ; mais
toutes généralement ont des vallées fort approfondies,
où tous les chocs alternatifs des eaux'
courantes, imprimés le long de leur cours, fe
diftinguent fort aifément 5 ce qui prouve que tout
cè maffif de craie eft d’une conftruélion bien antérieure
à l’aêtion de ces eaux qui y ont creufé
les vallées de ces rivières. On peut être pleinement
convaincu de cet effet des torrens lorfqu’on
obferve le long de la vallée de la Marne, & fur-
tout dans les plaines de Brou & de Chelles, au
milieu des dépôts de fables, de grèves & des
autres débris apportés par cette rivière, & dans
des lieux dont la hauteur excède de beaucoup le
niveau des plus grands débordemens, des morceaux
de craie arrondis, depuis la groffeur d’ une
noifette jufqu’ à celle d’un oeuf," & parfaitement
femblables à ceux qu’on trouve aufli, & en plus
grand nombre, dans les fablières des environs de
Châlons, où les crues actuelles ne peuvent plus
arriver. J’ajouterois aufli parmi les matériaux qui
prouvent également les tranfports des eaux courantes
de la Marne , les graviers plats calcaires qui
font originaires des contrées à l’eft de la craie, &
qui font fortabondans dans les dépôts de la Marne,
comme dans ceux de la Seine.
Tout ceci prouve, 1®. que ces graviers & ces
pelottes de craie, difperfés au milieu des autres
matières des dépôts du cours inférieur de la Marné,
ne peuvent provenir que des anciens torrens qui
ont coupé les maflifs de la contrée crayeufe de la
Champagne, ainfi que de la bande calcaire à grain
fin qui eft au deffus à 1 e ft, & qui a fourni les
graviers plats 5 i ° . que la nature & la folidité du
maflif de cette contrée étoient dès-lors ce qu’elles
font aujourd’hui} 30. qu’elie ne doit point fa conr-
truélion au palfage des eaux courantes auxquelles
ont fuccédé nos rivières d’aujourd’ hui, & qui ont
creufé les vallées} & réciproquement, que ces
vallées n’ont point été les effets des mêmes caufes
qui ont tonné l’ancien dépôt de la craie, comme
le penfent les phyficiens qui ont prétendu que nos
vallées font les veftiges du féjour des mers, &
doivent leur origine aux courans marins qui au-
roient charrié & nivelé autrefois les matériaux
dont nos contrées de la Marne font formées. Si les
courans imaginaires que ces phyficiens ont conçus,
avoir charrié des matières qu’ils écartoient & dépotaient
à droite & à. gauche de leurs lits , &:
avoir élevé les revers de> la cuve de nos vallées,,
euffent é té , par un tel mécanifme, capables de.
conftruire nos terrains■ depuis le plus profond de
leur maffe jnfqu’ à leur fuperficie, & de figurer
en même tems cette fuperficie telle qu’elle- eft
aujourd'hui, la nature de ces terrains & leur plan
devroie.nt en conféquence avoir un rapport fen-
fible avec la direction de nos vallées que ces phyficiens
prennent pour les traces de ces courans
conftruéteurs} & ce maflif de craie qui conftitue
une grande partie de la ci-devant province de
Champagne, devroit être difpofé, dans fa longueur
, fuivant la direction de nos rivières. O r ,
puifque les phénomènes répondent fi peu à l’hy-
pothèfe moderne, il eft inconteftable que l’ on ne
peut plus raifonnablement regarder ces vallées
comme l’ouvrage du féjour des anciennes mers &
"de leurs courans.
Les difpofitions des contrées qui environnent
la craie font de plus connoître que toute la partie
de la Champagne où cette craie domine-, a été
autrefois, en tout ou en partie, recouverte de lits
& de' bancs compofés de matériaux d’une autre
nature, & furtout de pierres .meulières qui font
d ’une grande dureté. On en trouve, fur certains
plateaux élevés, des morceaux épars & de volumes
différens.: ainfi l’on peut croire que le maflif
de craie étoiç couvert autrefois de ces bancs
fuivis , qui ont difparu par la deftruéhon de la
bafe. Ce qui confirme cette opinion, ce font des
efpèces de pyramides ifolées dont les parties -inférieures
font de craie , pendant que leur fommet
eft entièrement compofé de ces bancs de pierres
dures. --
La montagne de Rheims, qui forme, ainfi qu’ on
peut le voir fur la Carte, une grande faillie;en
escarpement des deux côtés de la Marné & -de la
Ve fie , eft conftruite de même , à fa partie Supérieure
> d ’une efpèce de pierre qui diffère de la
craie, & qui tend à prendre la dureté de la meulière.
Il femble que cette faillie s’avançoit autrefois
beaucoup p! us qu’elle ne fait actuellement,
tant vers Rheims que vers Châlons & la fourcè
de la V c fle , S^récouvroit par conféquent toute
cette bafe crayeufe qui eft préfentement à découvert
: on voit par-là que la craie s’abaiffe. en
général, & s’enfonce lous la bordure occidentale.
Du côté de Vitry , c ’eft tout le contraire } car il -
paroît que le maflif crayeux s’étend oi t fur les
contrées du Perthois, & conftituoit le fol primitif
des plaines, où l’on ne trouve plus aujourd’hui,
depuis la deftruétion de ce maflif par la Marne &
la Saulx , fous de la terre végétale excellente, que
de grands amas de gtèves plates calcaires & de
fables dépotes par ces rivières.
L’afpeit des efcat pemens qui dominent aux environs
de V itry , où les coteaux font entièrement
de craie 3 & aux environs de la montagne de
Rheims , où les fommets font de pierre dure, fait
voir en même tems que la difpofition primitive &
générale des maflifs de la Champagne e^. affujettiê
à cet arrangement qui fait que les bancs plongent
vers l’oueft, & fe relèvent vers l’ eft , fous un
degré d’ inclinaifon plus grand que la pente du
cours des rivières & des vallées qui les tra-verfent.
On doit croire que, dans les premiers tems 1 les.
mafles de fa craie , du côté de l’eft, ont préfenré
aux eaux courantes leurs extrémités & leurs flancs
élevés, par où elles font venues les attaquer pour
les détruire lorfqu’elles ébauehoient les vallées.
Cette difpofition des bancs & des couches qui
fe montrent à découvert en Champagne , n’eft pas
particulière à cette grande contrée : il eft à croire
qu’elle eft générale partout ailleurs, furtout dans
les contrées cireonvoifines, à partir du fommet qui
fert de point de partage aux eaux, &\qui fe trouve
placé à côté des fources de la Marne, de l’Aube,
de la Seine & de l’Yonne} en forte que la plupart
de nos rivières ne roulent point leurs eaux, comme
on pourro.it le .croire, fur la furface des bancs qui
fervent de fond de-cuve aux vallées 3xmis'fox l’extrémité
fupérieure de plufieurs de ces bancs -plus
inclinés que leur lit vers l'Océan, .
Par une fuite de cette difpofition -qui #ft pfos
ancienne que la marche des :eayx courantesÔc
qui appartient au tems .de la e.onftm6b;on desiroaf-
fifs, les torrens étant de fcendus .des - Commets-de
Langres fur la Champagne, ;& ayant pris , .dans le
Perthois, le banc de craie fur fon extrémité., l’ont
fait reculer, en le démoliffant, jufqu'au-delà de
Vitry-le-Français, où l’on voit aujourd'hui tes
efcarpemens qui inveftiffenc, du côté de l ’oueft,
toute cette contrée q u i, par cette• defonction,
eft devenue beaucosup plus baffe qu’elie ne 1 etoit.,
& qui , par cet événement, y a b.èaucoup- plus
gagné.que perdu, puifque l’ancienrwaffif;du,Per-
thoïs ne pouvoit offrir qu-un fol ftérfle, àu jieu
qu’après cette dt^métion* le fond, qui eft encore
de craie, a été recouvert de dépôts qui rendent
cette plaine un des meilleurs pays delà contrée.
Je pourrois faire v o ir , en parcourant les rives
orientales du maflif crayeux de la Champagne=, que
tous les débouchés des autres civières*(font dans
le même cas que le Perthois & les. .environs de
; Vitry-, car dans la v.alléè de l’Aube comme dans
celle de la Seine , aux endroits où les torrens ont
pénétré pour y fillonner leurs lits , on voit qu’après
avoir démoli les craies qui ' s’ oppofoient à
leur paffage, ils ont laiffé de nouveaux & de meite
leurs dépôts. C’eft aiflft îque là Seine l’a fait vers
Bréviande iufqu’à Troyes & au-delà , & que
l’Aube l’a fait également depuis Montmorency Sz
Chalette jufqu’à Arcy , ;& l ’Aifne depuis le finage
d’Amaghe en defcendant vers Rhétel & beaucoup
au-delà.
Pour fortir enfuite de la contrée crayeufe, les
torrens , en continuant leur marche & leurs defe
truétions , n’ont pas toujours améliore le fond de-
leurs-vallées, quoiqu’ils aient gaffez, étendu leurs
bons dépôts for celui de la craie. Ils n ont pas fait
partout un fi heureux échanger car la même difpofition
des bancs inclinés à l’oueft & découverts
a i’e ft, qui avoit occafionné la deflrudtion du mauvais
fol ,occafionnap vers les côtes occidentales,
; la deftfuétion desbons terrains qui s’ y montroient
plus, élevés que la craie qui s’y cachoit fous leurs'