
fo r te , agitée comme le font les vagues qui fe bri-
fent contre des rochers. La marée monte, dans ce
canal refïerré , à vingt-un pieds. On a examiné cette
rivière à foixante-dix lieues de l ’entrée, latitude
61 degrés 50 m ., long. 210 degrés, & on a trouvé
fes bords plats, marécageux, avec quelques bois
çlair-femés jufqu’à ce qu’ils approchent du pied des
grandes montagnes. Vers le nord, cette rivière fe
divife en deux grands bras ou peut-être en deux
rivières diftinétes: le bras qui eft à l’e fl, s’appelle
Retourné: la première elt large d’une lieue , & navigable
pour les plus grands vaiffeaux, jufqu’à l'endroit
où on l’a remontée. L’eau y étoit toujours
faumâtre.
D’après ces détails , on eft porté à croire que
cette rivière a un très-long cours, & qu’elle peut
devenir dans la fuite d’ un grand ufage pour la navigation
intérieure de çes contrées. Il eft même
certain que dès à préfent il s’y fait quelque commerce
, car on a trouvé qu’ ic i, comme dans le
détroit du Prince-Guillaume 3 les Indiens pofîedoient
des grains de verre & de grands couteaux de manufacture
angloife , que la compagnie de la baie
d ’Hudfon envoie tons les ans pourfervirenéchange
de pelleteries avec les naturels, qui viennent de
très-loin dansi’oueft. Le trafic fe fait par les tribus.
intermédiaires.
Depuis la rivière Retourné jufqu’à la partie la ‘
plus voifine de la baie d’Hudfon, il y a ƒ ƒ degrés l
ou environ feize cents miiles j mais de la partie la
plus occidentale du lac Araparhefcow, qui eft intermédiaire
, il n’y a que 16 degrés ou environ
fept cent cinquante milles. Il ne fe décharge d’autre
eau de ce vafte la c , que celles qui coulent dans
la baie d’Hudfon. C e qu’on fait d’ailleurs fur les
lacs & les rivières n’eft ni allez exaét ni aflez détaillé
pour en rien conclure fur la facilité de ces
communications.
Les habitans des bords de la rivière de Cook different
très-peu de ceux du détroit du Prince-Guillaume
} ils ont des chiens, les premiers qu’on ait
vus fur ces côtes > des loutres de mer , des martres
, des lièvres blancs & une abondante provi-
fion de faumons & d’holibut.
COQUILLES FOSSILES. Les coquilles font une
des matières les plus abondantes que nous trouvions
fur la lurface de la Terre & dans fon fein,
jufqu’aux plus grandes profondeurs où il a été ouvert.
De toutes les parties des animaux qui peuplent
la Terre & les eaux , fi l’on en excepte l’émail des
dents, les coquilles font celles qui fe confervent le
plus long-tems après la mort de l’animal. Lorf-
qu'elles en font féparées, elles acquièrent fouvent
dans le fein de la Terre un nouveau degré de foii-
dité par des infiltrations qui leur donnent la dureté
des pierres ou même des filex , au milieu defquels
ces coquilles fe trouvent ; de forte que leur dureté
doit égaler celles des bancs de rochers dont elles
font partie : on a même remarqué qu’au milieu de
la deftnnStron de ces bancs fouvent les fragmens
de coquilles fe retrouvoient dans leurs débris de
manière à montrer encore leur ancienne organilà-
tion & une grande partie de leur forme.
Cependant on ne pourront pas conclure de ces
faits, que la plupart des coquilles qui ont exifté depuis
que les animaux à coquilles ont eu v ie , exiftent
encore aujourd’hui à peu près fous la même forme.
On trouve, il eft vrai, des coquilles dans un grand
nombre de contrées : on les voit difperfées dans les
plaines & à la furfa.ee de la T e r re , ou réunies par
bancs très-étendus & très-fuivis, & même fort
profonds > mais la plus grande partie aété détruite &
réduite en petits fragmens qui compofent des couches
fort épaiflès, & qui font réunies par un gluten
plus ou moins abondant & plus ou moins dur. On
les trouve ainfi par lits entiers dans toutes les carrières
, & même je ferai voir à 1 article G ra in des
p ier r es, qu’ il dépend parfaitement de la formeque
prennent les fragmens les plus petits des coquilles
qui ont fourni la matière de ces pierres. On les re,-
connoit même dans les marbres avec les madrépores
de toute efpèce.
En effet, lans fortir de l’Europe, la France,
l ’Angleterre,l’Allemagne, l’ Italie,fourniffent des
couches & des amas immenfes, & à une très-
grande diftançe de la mer. Les environs de Paris
nous préfentent des carrières inépuifàbles depierres
propres à bâtir, qui paroiffent uniquement com-
polées de coquilles ou de leurs débris. En général,
il y a tout lieu de croire que toutes les terres &
pierres calcaires, c’eft-à-dire, qui font propres à fe
changer en chaux par l’aétion du feu , comme les
marbres coquillers ou autres, les pierres de taille
à gros grain , les autres pierres calcaires molles &
à grain fin, font des produits du règne animal, &
doivent leur origine à des coquilles qui ont été plus
ou moins détruites & décompofées dans le fein de
la Terre.
Ces couches immenfes de coquilles foffiles font
toujours parallèles à l’horizon , & fouvent il y en
a plusieurs qui font féparées Iss unes des autres par
des lits intermédiaires de terre ou de fable. 11 ne
paroit pas, comme je l’ ai déjà d it , qu’elles {biens
jetées au hafard & répandues fur les diverfes parties
de nos continens, puifqu’elles fe trouvent dif-
tribuées par familles, compoféês conftamment des
mêmes efpèces. Les animaux qui les habitoient &
fe multiplioient, paroiffent avoir ainfi vécu en fo-
ciété a p=u près dans les mêmes parages.
Une chofe digne de remarque, c’ eft que, fui-
vant les obfervations des meilleurs naturaliftes, un
grand nombre des coquilles & des corps marins qui
fe trouvent au milieu de nos continens, ne font
pas de nos mers. Leurs analogues vivans ne fe rencontrent
guère que dans les mers des Indes & des
pays chauds. Quelques individus qui font de tous
les parages, & que l’on trouve avec ces coquilles,
ne prouvent rien contre cette obfervation générale
: il y en a même plufieurs donc les analogues
vivans
vivans nous font abfolumenc inconnus: telles font
les cornes d’ammon, les bélemnjtes, les anomies
& les ortccératites. Il en eft de même de beaucoup
de plantes, de bois, d’offemens d’animaux & de
quadrupèdes qui fe trouvent enfouis dans la terre,
& q ui, ayant été fournis par les continens qui
fervoient de bords aux anciennes mers, ne paroiffent.
pas plus appartenir à nos climats, que les co-
quilles.fojfiles aux climats; de nos mers.
On avoit déjà remarqué, dans l'antiquité la
plus reculée, que la Terre renférmoit un très-
grand nombre de corps marins : cela donna lieu de
penfer, à plufieurs philofophes, que la Terre avoir
autrefois été un fond de mer. Hérodote obferva
les coquilles qui fe trouvoient dans certaines montagnes
de l'Egypte, &c foupçonna que la mer avoit
abandonné; ces contrées. Mais que. ee fentiment
eût été a fiez univerfel parmi des philofophes an-:
tiens, il n’en fut pas moins.oublié par la fuitej
car les obfervations d’hiftoire, naturelle qui.au-
roient pu F entretenir par-mi nous, furent entièrement
négligées dans les fiècles d’ignorance qui
fuccédèren-t. Quand on commença, ces obferva-:
tions, les favans à qui la philofophie péripatéticienne
& les fubtilités de l’ÈCole avoient fait adopter
une façon de raifonner fort bizarre, prétendirent
que :les coquilles & autres fojftles, dépouilles,
des animaux marins qui étoient renfermées dans
le fein de la Te r re , av.oient été formées par une
force plaftique (v is plaftica) ou par une femence
univerfellement répandue: d’où l’on voit qu’ils ne
regardoient les coquilles & les autres corps marins
fcjfiles que comme des jeux de la nature, fans faire i
attention à la parfaite reffemblance qui fe trouvoit
entre ces mêmes corps tirés de l’intérieur de la
Terre , & d ’autres corps que l’ on avoit tirés de la
mer. On fentit cependant qu’il y avoit beaucoup
de corps fojjilesauxquels on ne pouvoit attribuer
çètte formation, parce que l’on y remarquoit clairement
une ftrudiure organique : de là vint, par
exemple , l’opinion de quelques auteurs, qui ont
regardé les offemens fojjiles que l’on trouve dans
plufieurs endroits de la T e r re , cçmme ayant appartenu
aux Géans dont parle l’Ecriture. Cependant
un peu de connoiflance dans l’anatomie auroit
fuffi pour les convaincre comme nous avons été
convaincus par nosanatomiftes, que ces effemens
avoient appartenu à des poiffons ou à des quadrupèdes
, & non à des hommes. Ces prétendues forces
plaftiques & ces explications , quelqu’abfurdes
qu’elles fuffent, ont trouvé des partifans, parmi
lefquels on peut compter Lifter, Langius & beaucoup
d’autres naturaliftes éclairés d’ ailleurs. C e pendant
, dès le feizième fièçle, plufieurs favans,
à la tête defquels on.doit mettre Palifli, & à la
fuite Fracaftor, confidérant avec attention les-co-
quilles fojfiles:, trouvèrent qu’elles avoient une reffemblance
fi parfaite aveç celles qu’on tiroîc de la
mer, qu’ ils ne doutèrent plus que ce ne fût la mer
çlle-même qui les eût apportées fur nos continens;
! Gêogriaphie-Phyfique. Tome III,
& comme on ne voyoit point de caufe plus vrai-
femblable de ce phénomène que le déluge univerfel,.
on regarda cette cataftrophe comme ayant
répandu fur notre Globe les corps marins qui s'y •
trouvent.
Burner, en fuivant le fyftème de Defcartes, prétendit
expliquer comment cette grande révolution
s’étoit fa ite , & d’où étoit provenue l’immenfe
quantité d’eau qui produifit l’inondation générale.
Mais l'hypothèfe de Burnet, en rendant rai fon de
la manière dont le déluge avoit pu fe faire, n’expli- ;
quoit pas, à beaucoup près, comment il avoit pu :
entraîner les corps marins que nous trouvons, non-
feulement fur la T e r re , mais même diftribués régulièrement
au milieu des couches. Woodward
crut remédier & fuppléer à ce qui manquait à la
théorie de Burnet, par une idée qui ne s’accorde
point malheureufemenc avec les. obferva tionsque-
d’on;a .eu occafion de faire depuis qu’il a publié'
fon ouvrage. Il prétendit que toutes les fubftances
non organifées du Globe avoient été parfaitement
délayées & diffames par les eaux du déluge uni--'
vetfel, & qu’ au contraire les fubftances organifées
qui s’y trouvoient après avoir été pendant
quelque tems fufpendues dans ces eaux, s’étoient
affaifiées, & enfin précipitées chacune en rai fon;
de leur pefanteur fpécifique. Cette bizarre hypo-
thèfe fut adoptée par un grand nombre de natura-
liftês, & entr’autres par.Schenchzer : cependant il
eft difficile de concevoir par quelle raifon les eaux
du déluge auroient eu la puiffance de délayer tous
les autres corps, même les plus durs , excepté
ceux qui étoient organifés : outre cela , comment
imaginer que le tems de la durée du déluge ait
fuffi pour détremper une maffe telle que le Globe
de la Terre , au point que le prétend Woodward?
D’ailleurs, l’obfervation nous prouve que les corps
marins n’ont point été jetés au hafard dans les,lieux
où nous les trouvons, puifqu’ il y a des efpèces de
coquilles qui fe trouvent conftamment raffemblées
i les unes avec les autres. Outre cela, cès corps ne fe
trouvent pas difpofés fuivant leur pefanteur fpécifique
, car/ouvent on rencontre dans des couches
; voifines de la fuperficie de la Terre des corps marins
d’une pefanteur beaucoup plus grande que
ceux qui font placés, dans les couches plus profondes,
& même des corps fort pefans fe trouvent
Ô uefois mêlés avec d’autres qui font beaucoup
égers} enfin, comment peut-on, dans l’hy-
pothèfe que nous réfutons, expliquer la diftir.c-
tion & la féparation des couches au milieu de cette
confufîon de tant de fubfiances qui ont.dû prendre
leur arrangement par des dépôts fuivis & non
interrompus.
- Nous devons dire cependant que plufieurs naturaliftes
qui n’ont pas adopté les fyfièmes de
Burnet & de Woodward fur la caufe & les effets
du déluge, n’ ont pas laiffé de regarder ce déluge
comme le grand moyen dont l’Auteur de la nature
s’étoit feryi pour introduire les productions mari-
P PP