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& dont il feroit fi facile.de reconnoître la nature,
fuiyant les terrains parcourus par toutes les rivières
qui fe jettent à la mer.
D u n e s de s a b l e s dans le département de la
Gironde, arrondiffement de Bordeaux & de l'Ef-
parre, le long de la côte de Médoc. Elles commencent
à fe former dans la partie du fud du baf-
fin d’Arcachon , & fe prolongent au nord jufqu'à
la pointe de Grave, à l'embouchure de la Gironde.
Elles ont deux lieues de lo n g , fur une
demi-lieue.de large , près le baflin d’Arcachon, &
forment une pointe en s’alongeant Vers le nord.
Nous croyons , fuivant les mêmes principes , devoir
remonter jufqu’à l'origine des fables qui
entrent dans la compcfïtion de ces longues buttes
de fables. Les détails circonftanciés que renferme
le Mémoire fuivant, achèveront démontrer tout
ce q ui, dans la nature, concourt a la formation
des dune*.
§• Ier* Sur Vorigine des fables dépofés par la mer fur
fes bords y fur les ravages quils font en avançant
vers les terres y & fur les moyens qu'il feroit poffi'ble
d'employer pour en retarder les fumfies effets.
Beaucoup de naturalistes ont déjà obfervé que
la Terre fe dégradoit chaque jour j que les plaines
fe fillonnoient & fe déchiroienty que les vallées fe
relcvoient y que les coteaux prenoient infenfible-
ment une Surface plane ; que les montagnes mêmes
sabaiffoient. Des obfervations journalières nous
apprennent que-les fortes pluies, les rui(Féaux, les
torrens, les rivières, les grands fleuves forment
des aterriffemens confidérables avec les matières
entraînées par leurs eaux , & tranfportées plus ou
mojns. loin de leur fituation originelle. Ces dépôts
changent néceffairement la partie du globe
qu'ils recouvrent : on les voit combler & défié -
cher des marais autrefois impraticables, fertilifer.
des terrains arides, & rendre fouvent ftériles les
campagnes les plus fécondes. Ces derniers effets
deviennent furtout plus feçfibles à l'embouchure
des grands fleuves, & , pour ne rien dire dans ce
Mémoire d'étranger au fujet que nous nous,Tommes
propofés d'y traiter , c ’eft.principalement aux
embouchures de la Garonne & de l’Ad.our,. que
l'on remarque ces aterriffemens deftru&eurs. Ces
deux fleuves prennent naiffance dans, les monts
Pyrénées. Le cours de la Garonne s'étend dans
l'efpace de plus de foixante lieues 5 elle reçoit dans
Ton lit les eaux de près de quarante rivières,, dont
la plus confidérable eft la Dordogne y & ces rivières
ne fe réunifient dans fon fein qti'ap.rès avoir
parcouru neuf ou dix provinces prefque toutes
montagneufes, & des pays qui abondent en arg
ile s , en fables , en craies, en marnes& en d'au?
très matières aifées à être détrempées & entraînées
par l'eau.
Des quartiers de rochers qui fe détachent des
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Pyrénées, dans la vallée de Saint-Béat, où la Garonne
roule fes premières eaux, & ceux de quelques
torrens don^ elle fe groflit, entraînent avec
eux dans fon li t , lui fourniffent les premiers matériaux
qu’elle dépofe fur fes bords. Ces fragmens
de différentes efpèces de pierre , s'atténuant tous
les jours par l'impreflion du froid & du chaud ,
par celle de l’eau, le plus aétif de tous les ddîul-
vans, par le choc & le frottement concinur) qu'ils
éprouvent à mefure qu'ils s'éloignent de lafource
du fleuve , ces fragmens fe réduifent infenfïbk-
ment en cailloux, en gravier & en fable. Une
opération femblable doit naturellement fe faire
dans le lit de toutes les autres rivières qui viennent
s'unir à la Garonne 5 en forte q ue , quand
même des faits, malhe tir eu fè ment trop certains ,
ne conftateroient pas cette obfervation, il feroit
impoffible de ne pas concevoir que ce fleuve doit
charier dans la mer une très-grande abondance
des matières qu’il entraîne, où dont il fe charge
dans fon cours. On le concevra encore plus facilement
lorfqu'on fe râpe liera que la rivière d’Avance,
ou la Durance, qui entre dans la Garonne prefque
vis-à-vis de Marmande, a fa fource dans les fables
de Durance, & roule fes eaux dans lés plaines fa-j
blonneufes de Couftures ( ce n'eft pas Couftures
près de Meillhan, mais près de Durance ) & de
Cafteljaloux5 que la fource de l'Ali2,0s fort des.
montagnes de fable qui font au-devant de Cafte i-
nau, de même que le C iron , en traverfant les
landes du Bazadois , de- Baulac & de Villan-
drault, entraîne avec lui une prodigieufe quantité
de fables dans le fleuve où il fe dééhargey que la
rivière de Caftres en entraîne confiiérablement
des landes de Tuzan & de Villagrins. Si jamais,
le projet du défrichement des landes avoit lieu, le
haut Villagrins fourniroit une fituation bien favorable
à l’ouverture d'un canal navigable depuis
Caftres jufqu’au. baffin d’Arcachon. On trouve
dans cette partie de la lande, qui eft très-élevée,
des marais très-étendus, qui, dans les plus grandes
féchereffes de l’é t é , confervent plufieurs petits
lacs, lefquels forment un étang affez confidérable
dans les faifons pluvieufes. Le point de partage de
la pente de cette lande, & vers la Garonne, & Vers
l’E yre, eft comme fixé en cette partie au defFous
du château de Saint-Magne, aux lieux appelés la
Hacau & 1?. Ouarcey. La rivière de Caftres y prend
fa fource du côté de la Garonne, & à très-peu de
diftance un autre marais fournit les eaux du ruif*
feau qui pâlie au bas de Béliet, Fous le pont
conftruit fur la grande route de Bayonne , & qui
fe décharge dans l’Eyre. Pour peu de foin qu'on
daignât prendre afin d’encaifler cette rivière depuis
Bé.liet jufqu'à fon .embouchure , il feroit aifé
d'établir une communication bien avantageufe
entre le havre d’Arcachon & la Garonne y c t f t
alors qu'on verrait les landes fe peupler & fe défricher
avec fuccès y que la Jale même, dont la
fource abondante jaillit de deflous une dune dé
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fable y près de Sait t-Médard , ne peut qu'en |
fournir immenfement à la Garonne, qui la reçoit
à deux lieues au deflous de notre port.
Ce qye nous avons dit de la Garonne peut
également s’appliquer à i’Adour , quoiqu'il réunifie
moins de rivières, & qu'il arrofe moins de ;
provinces. Enfin, les grandes landes de Bordeaux,
qu'on peut regarder, comme un des plus grands
aterriffemens de notre Océan, lui rendent infenfi-
biement beaucoup de fables que charient la rivière
de ï'Eyre & plufieurs gros ruiffeaux qui
fe dégorgent directement fur nos côtes , entre
l ’Adour & la Garonne.
La mer , qui reçoit dans fon badin toutes ces
matières de genre & d’efpèces fi differens, ne
rejette fur fa plage qu’ un fable vitrifiable, blanchâtre
ou très-peu coloré , mêlé de paidettes
taiqueufes, prefqu'inEnfiblesJ‘ & de petits grains
noirs, attirable^ à l’aimant. Cette propriété , qui
décèle le fer dans ces derniers, pourroit peut-êcte
nous donner des lumières fur l'origine de nos
mines fuperficielles des landes , dont l'exploitation
s'eft renouvelée de nos jours , aux environs
d'Uza & de Ponteux. Les autres matières gyp7
feufes, calcaires ou crétacées, plus légères &
plus faciles à être difloutes dans l’eau falée, s'y
foutiennent au fil plus long-tems, font portées au
loin dans le fein de la mer, & s’y dépoient en-
fuite dans le tems le plus calme & le plus tranquille.
Ce détail préliminaire eft indifpenfablé pour
faire concevoir à ceux qui n'auroient jamais vu
les bords de l’Océan , comme les côtés Occidentales
de la France fe trouvent prefque partout
, bordées de hautes dunes , c'eft-à-dire , de montagnes
dé fable y car le mot dun ne fignifie que
cela même eri vieux celtique.
Cette abondance de fables, fe montre particuliérement
dans la Guienne:, depuis la pointe du
Pas-de-Grave, à l'embouchure d e là Garonne,
jufqu’à celle d'Anglet & de Biarrits inclufivemenr,
entre Saint-Jean-de-Luz & l’embouchure de l‘A - ‘
ciour. Elle ne vient évidemment que de' la quantité
de matières que ces deux grands fleuves entraînent
dans l’Océan , d’où , après avoir été bal-
lotéés, broyées &r pulvériféts par l ’aétion du roulement
des eaux des; rivières, & furtout par celle
des flots de la mer, elles font rejetées fur fa plage y
où elles forment dts âtërrifl'emens immenfes. L'agitation
perpétuelle des ondes de la mer, la fureur
de fes flots & la force du reflux les pouffent plus
avant hors de fon fein , dans les hautes marées, &
en forment, le long dé fes bords , dés éminences
& bientôt des montagnes que. les vents impétueux
& ce qu?on appelle ouragans ont fuccefiîvement
élevées à des hauteurs prodigieufes. Plufieurs de
cés premières dunes, qui fervent comme de barrière
à la mer , toujours détruites par l’aétion'dès
tempêtes qui les tranfportèrit vers' les terres , &
toujours renouvelées-par le'concours du- reflux &
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des vents, fë nuiltipiient & inondent de fable tous
les cantons qui fe trouvent fut leur paffage.
Il ne fera pas inutile de faire envifager ici les
progrès de ce travail de la nature, alarmant pour
les contrées voifines.
Les ^fables , dépofés par le reflux fur une côte,
prefqu'applatie , ont le teins de fécher avant le
retour d'une fécondé marée, pour peu que les
vents qui y régnent, foient aidés par les rayons du
foleil y alors ces mêmes vents en agitent les grains ,
devenus plus légers & réduits à leurs molécules
primitives par l'évaporation des parties aqueufes
& falines qui les !ioient d’abord en plus grande
mafie y ils les élèvent, les font courir enfuite fur
la plage, & en forment bientôt une efpèce d’ at-
mofphère qui ,- au premier obftacle quelle rencontre,
fe condenfe, s'arrête, & forme elle-même
des éminences confidérables.
- Les nouveaux dépôts fervent de bafe au premier
rang des dunes enrre-coupéts de cols & de
dérroits finueux y ils deviennent comme l ’entrepôt
dont fe forment les fécondes. Celles-ci piocurent
de quoi en élever dè troiftèmes, lesquelles cor.ti-
nùeroient à leur tour de recevoir de fournir des
fables pour en compofer de nouvelles fur la même
ligne, fi la pente du terrain , la variation des
vents ou quelqu’autre caufe, changeant la direc-:
tion de ces courans fableux, ne les forçoient d'aller
porter ailleurs les matières premières de ce trifte
fl iàu.
D’après ces obfervations , il eft facile de concevoir
que_ les fables, rerfés par la mer fur fes
bords , doivent faire des progrès prodigieux en
avançant dans l’ intérieur des tér.res y ils en font
en ètfet de très-confidérables & de très-fenfîbles.
Il n’eft aucun canton des bords de l ’Océan, depuis
l'embouchure de la Garonne jufqu'à celle de
l'Adour, où les dunes de fables n'occupent ail moins
une groffe demi-lieue de largeur; il en eft plufieurs
où elles s'éténdent à une lieue y elles fe répandent
dans quelques endroits à plus de deux lieues du
bord de la mer. Ce font plufieurs chaînes de petites
montagnes qui laiffent entr’elles des vallons
tortueux fi le terrain que ces fables inondent, eft
en pente irrégulière , ou des vallons parallèles fi
le fol n'eft pas incliné. Ces chaînes n’ont pas tou?
jours une direction déterminée : les unes s'étendent
du couchant au levant, les autres du fud-oueftau
nord-eft. Celles-ci ont des fommets prefque aplatis ,
qui forment des plaines élevées d’ une aftlz grande
étendue. Les premières les ont plus aigus, plus ef-
carpés. Elies font fépârées par des ravins très-
s profonds ou par dès efpèces d’entonnoirs & des
| précipices fans iffiie. Leur direétion la plus com-
j mune femblè cependant affe&er de fe porter du
fud-oüeft au nord eft. Les variations qui arrivent à
| cet égard dépendent à la fois & de la variation
| dès vents & de la pente du terrain, & même de
' quelques détroits formés par d’anciennes dunes,
qui'fe diftinguent encôrë fui ces campagnes arides.
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