
de la Beauce. Il eft borné, au feptentrion, par le
ci-devant Mantois & le Hurepoix ; au levant, par
le Gâtinois 8c l’Orléanois ; au midi , par l’Orléa-
nois proprement dit 8c par le Dunois j au couchant
, par le Perche-Gouet & le Timèrais. C ’é»
toit le principal des ti ois petits pays î 8c ce que
nous avons dit des produ&ions de ce dernier,
convient particuliérement au pays Char train. Cette
grande contrée n’a prefque pas de bois 5 mais elle
e f t , de toutes celles de la France, la plus abondante
en blé.
Le pays Chartrain a environ feize lieues dans fa
plus grande longueur du levant au couchant, &
environ treize lieues dans fa plus grande largeur
du feptentrion au midi. Il tft arrofé par l’Eure, la
Voife & TOzane. 11 y a dans fon territoire un
canal ou aqueduc connu fous le nom d'aqueduc de
Maintenon 3 qui eft dépendant de la rivière d'Eure,
vis-à-vis Pontgouin, & au même courant d’eau
près de Maintenon. Ce travail fut entrepris fous
Louis Xl V , dans l’intention de conduire des eaux
à VerlaiUes ; mais il a été abandonné malgré -les
grands moyens qu’ il offroit, 8c qu'il offre toujours
pour alimenter d’eau cette grande ville. Le pays
Chartrain fait partie aujourd’hui du département
d’Eure & Loire.
CH A R TR E S , v ille, chef-lieu de département,
d’arrondiffement 8c de canton du département
d’Eure & L o ire, fur l’Eure, dans un territoire
très-fertile. Chartres étoit la ville principale de la
Beauce , 8c en particulier du pays Chartrain dont
nous venons de donner la* notice. Les druides y
tenoient leurs affemblées. Elle étoit la capitale des
Carnutes, peuples les plus puiffans de la Gaule
celtique. L’induftrie de cette ville confifte en fabriques
d’étoffes de laine, de bas au tricot 8c
bonneterie. On fait de ces objets un grand commerce
, ainfî que des grains 8c foins que le territoire
produit en abondance.
Dans le faubourg Saint-Maurice il y a une fontaine
dont l’eau a une vertu fouveraine contre les
affrétions chroniques , 8c près des remparts de
cette ville, dans une prairie, on voit couler, en
plufieurs endroits, des eaux minérales ferrugi-
neufes. Lorfque ces eaux-font nouvellement for-
ties de leur fource, elles ont la propriété d’extraire
la teinture de noix de gale ; mais dès qu’elles
ont féjourné à l’air &r dépofé , elles perdent cette
propriété. On leur attribue, dans toute leur force,
une verni défopilative : elles font par conféquent
très-bien indiquées, d’après l’opinion des médecins
, contre la jauniffe, la cachéxie 8c autres
affections chroniques.
CHARTREUSE ( la G rande ), près de Grenoble
, département de l'Ilere. Le chemin qui
conduit de Grenoble à la grande Chartreufe Ce
nomme le Sapé. C e chemin, depuis fon entrée
dans les montagnes un peu au aeffus de Saint-
Laurent-du-Pont jufqu’à la grande Chartreufe, dans
la longueur de près de trois fortes lieues, étoit
beau 8c bien entretenu par ces Religieux. Il eft
prefque partout coupé dans les rochers qui forment,
en beaucoup d’endroits, une demi-voûte
au deflus du chemin, mais trop baffe pour que les
voitures puiffent y palier: Les ponts de pierres de
taille, les murs de fouté.nement, les aqueducs &
autres ouvrages faits pour conferver les chemins,
étonnent autant que la finguiarité du pays. Cette
belle route eft le réfultat de cinq à fix cents ans
de travail 8c d’induftrie. Le chemin fuit les bords
les détours d’un torrent qti’on nomme le Guyer3
qui prend fa fource près la grande Chartreufe, 8c
va palier au pont de Bon-Voifin. Cette rivière,
très-difficile à contenir , eft ruineufe en réparations;
elle emporte fouvent, par fa rapidité, toutes
les éclufes. Les montagnes qui la bordçnt des deux
côtés , font très-hautes, très-efcarpées, & forment
une gorge fort étroite. En plufieurs endroits
le paffage fe trouve tellement ferré entre des murs
à pics & des précipices cffrayans par leur profondeur
, qu’une feule compagnie pourroit y arrêter
une armee. Cependant le pays paroît beaucoup
moins fauvage que plufieurs autres parties du ci-
devant Dauphiné, tels que les bords de la Romanche,,
8c le refte de la. petite route de Grenoble
à Briançon : là toutes les montagnes font en ruines,
8c tout eft hériffé de leurs horribles débris. Celles
de la grande Chartreufe font couvertes de bois de
toutes parts : les chênes, les fayards, -les fapins ,
font les feules efpèces qu’on.y rencontre, entremêlées
d’une grande quantité de bbis blancs. Ces
bois , que les Religieux entretenoient 8c ména-
geoient avec beaucoup de foins., fervent à con-
ferver leurs montagnes, en empêchant la chut.e
des terres &c desTochers.
On pourroit conferver de même une grande
partie du Haut-Dauphiné, où on ne voit que des
ruines 8c des débris immenfes partout où les bois
ont manqué. Les nombreux troupeaux de chèvres
que l’on nourrit en Dauphiné contribuent beaucoup
à la ruine des bois , qui fera bientôt fuivie
de celie des montagnes. On ne rencontre point de
chèvres dans les vaftes domaines de la Chartreufe,
8c les bois y font dans le meilleur état. Un autre
moyen que les Chartreux employoient pour conferver
les terres produélives fur les per.chans rapides
de ces montagnes, confiftoit à.partager les
eaux fur les hauteurs, à leur ménager différent
écoulemens par des rigoles creufées dans des bancs
de pierres dures, avant qu’elles euffent acquis allez
de volume pour ne pouvoir plus être gouvernées.
Ils empêchoient, par cet artifice, la formation des
ravines profondes, 8c le déchiuffement des rochers.
La terre féconde & les jeunes arbres qui
n’ont poinrfncore affez d’attache ne font point
entraînés, au fond des précipices, par les pluies
d’orages ni par les fonces des neiges : les eaux qui
fe précipitent en cafcades fur des bancs de rochers
I .n'y
n’y font que des dégradations peu fenfibles, 8c
toutes les terres font en fûrete. ( Voye1 Varticle
"C ulture des Montagnes. )
Çes obfervations importantes 8c les conféquen-
ces qu’on doit en tirer pourroient être utiles dans
beaucoup d’endroits du Dauphiné, qui deviendront
dans la fuite tout-à-fait déferts fi l’on n’y
met ordre. Après avoir paffé cinq à lix mois enfe-
velis fous la neige dans leurs cabanes, les habitans
de ces pays fauvages font fouvent expofés à voir
leurs cultures couvertes d’ un déluge de pierres
que les eaux entraînent du haut des montagnes,
8c ces pierres en éclats font quelquefois accompagnées
ou fuivies par des maffes énormes de
rochers; en forte que non-feulement quelques
habitations, mais des villages entiers font abandonnés
lorfque ces accidens arrivent. I! n’auroit
pas été difficile de les prévenir, mais alors il eft
împoffible d’ y remédier.
Tout le pays qu’on nomme montagnes de la
Chartreufe, depuis Saint-Laurent-du-Pont jufqu’à
leurs fommets, qui en font éloignés de quatre lieues,
ne préfente de tous côtés que des malles énormes
de pierres calcaires , coupées, en quelques en-!-
droits, par des bancs de fcniftes. Il en eft de même
du revers de ces montagnes qui bordent le vallon
de l’Ifère : on n’y trouve que des pierres calcaires,
8c les fchiftes qu’on y rencontre, font effervef-
cence avec les acides.. Les montagnes que l’on
traverfe entre Saint-Étienne 8c Saint-Lanrent-du-
Pont, en allant de Voiron à la grande Chartreufe 3
ne préfentent de même que des rochers calcaires
d’ une grande hauteur : ces rochers font partout
divifes en différentes couches, quelquefois horizontales,
mais auffi fouvent inclinées fur toutes
fortes de dirè&ions.
Dans l ’étendue des poffeffions vaftes de la Chartreufe
on y faifoit exploiter trois mines de fer, deux
à la montagne de Janieux, dont une eft une forte
de maillot, 8c l’autre une terre jaunâtre affez pe-
fante , de couleur d’ocre ; la troifîème eft à la
montagne de Bouvines. Ces trois filons, dont la
gangue ne Dit point effervefcence avec l’efprit de
nitre, font épontés par des bancs de pierres calcaires.
La gueufe qu’on en tire,donne un fer très-
doux, mais il n’eft point propre à faire de l’acier.
On n’y emploie pour fondant que le tu f , fans
aucun mélange d’argile. On fond la mine avec le
charbon dç bois dur, c’eft-à-dire, de chêne ou
de fayard ; mais pour forger le fer, on n’emploie
que le charbon de fapin, qui convient mieux à la
forge, en ce qu’ il eft gras 8c réfineux. On obferve
que les charbons des bois qui croiffent fur des
rochers calcaires, font beaucoup plus propres à
traiter le fe r , que ceux des bois qui pouffent fur
les granits 8c autres pierres de même nature.
Quoi qu’ il en foit, les fers de la grande Chartreufe
font d’ une excellente qualité, & il n’ en fort
pas de meilleurs des autres forges de l’Empire.
L’expérience a fait connoître aux Frères qui gou-
Géographie-Phyfique. Tome HT
’ ’ vernoient ces ufinës, que la qualité du charbon
influe beaucoup fur celle du fer ; que le charbon
des jeunes arbres n’eft point propre à donner une
bonne fonte, & que le charbon n’a ces qualités
requifes que lorfque les arbres ont plus de vingt-
cinq ans. Gette obfervation peut être importante,
8c mériteroit qu’on en fît une fuite d’expériences
pour conftater les différens effets des charbons fur
les mines. Cette recherche tendroit à améliorer
les forges de l’ Empire , qui prefque partout font
conduites au hafard, 8c fort négligées faute de
connoifiances, tant fur la nature des mines 8c de
leurs gangues, que fur la nature des fondans qui
leur conviennent, 8c fur le choix des charbons
qu’ il faut employer pour les fondre 8c pour les
forger.
La grande Chartreufe eft très-remarquable par fa
pofition dans un défert qui autrefois étoit pref-
qu’inacceffible ; elle eft encore aujourd’ hui fort
éloignée de toute habitation. Cette maifon eft
fituée dans un vallon fauvage , dominé par des
montagnes & des. rochers efcarpés du côté du
midi. Autrefois l’habitation des Chartreux étoit
établie dans un lieu plus élevé, à plus d’ une demi-
lieue de marche dé fon emplacement adtuel ; mais
elle étoit alors enfevelie fous les neiges pendant
plus de huit mois de l’année, dans un lieu qu’on
nomme Saint-Bruno , peu éloigné des cimes des
montagnes ; elle eft à préfent dans un climat un
peu plus doux , fur un terrain moins efcarpé 8c
plus agréable à tous égards. Une des raifons principales
qui détermina ces Solitaires à changer le
lieu de leur habitation, fut la chute continuelle
des rochers. Ces maffes énormes ont plufieurs fois
renverfé leurs cellules, & 'plufieurs Religieux en
ont étp écrafés.
On ne pouvôit qu’être émerveillé du coup-d’oeil
8c de la furprife agréable qu’offroit cette maifon ,
dont les bâti mens formoienc i’enfemble d’une petite
ville au débouché des gorges qui y conduifent.
Elle nourrifloit près de quinze cents hommes. La
finguiarité du lieu 8c fa célébrité attiroient tous
les ans, pendant fept à huit mois, un concours
d’étrangers , de toutes nations 8c de tout éta t, au.
nombre d’environ -dix-mille perfonnes.
La hauteur de ce lieu , fuivanc les obfervations
faites fur un baromètre qui donne pour hauteur"
moyenne 24 pouces 11 lignes, eft de cinq cent
deux toifes deux tiers d’élévation au deflus du
niveau de la mer.
CH A R T R E U V E , village du département de
l’ Aifne, arrondiflèment de Soiffons, canton de
Braifne. Il y a près de cet endroit une fontaine
pétrifiante ; elle a une chute de trente pieds de
hauteur, 8c s’ eft formé elle-même un lit très-épais,
compofé des parties pierreufes qu’ elle charrie.
C H A S N A Y , village du département de la
Nièvre , arrondiffemeiit de C o fn e , canton de la
D d d