
que dans la mer produire des aterriflemens , ces
bancs, ces barres qu’on trouve à l’embouchure des
grands fleuves.
Les rochers les plus durs, les granits, ne réfif-
tent point aux intempéries des faifons. Leur fuper-
ficie fe dénature , fe décompofe fouvent de manière
à diftribuer leurs débris aux pieds des pics
graniteux: l’eau pénètre dans les fentes des granits,
& la gelée fépare deux élémens mal joints St mal
unis. Si les blocs fe trouvent placés fur une pente
qui en favorife le tranfport par les eaux, les plus
gros font bientôt réduits à de petits noyaux. Quels
changemens ne doit pas avoir opérés cette marche
de l’agent infatigable de la nature dans les hautes
montagnes ! Si l’on defcend enfuite dans des
régions moins élevées, on trouvera le même fyf-
tème & la même marche de la nature. Tout fe
détruit plus ou moins. Les montagnes fournifl'ent
continuellement aux plaines j aufli n’eft-ce que
fur les hauteurs , de quelque degré qu’elles foient,
qu’on retrouve les matériaux qui ont fervi & fervent
aux remblais de plufieurs efpèces que la nature
opère journellement. C ’eft entre ces magasins
primitifs & ces dépôts modernes , que l’obfer-
vateur doit fe mettre chaque jour pour juger de
l’immenfité des dégradations St des tranfportsj en
un mot, des déplacemenns produits par l’eau, qui'
eft l ’organifateur général.
Pour être en état d apprécier au jufte la dégradation
des montagnes.y ii faut être en état de déterminer
ce qui peut appartenir à leur composition
, enfuite confidérer tous les agens qui ont
concouru à l’approfondiflement des vallées & à la
réparation desmaffes, jufqu’à une certaine profondeur.
C ’ eft d’après ces notions préliminaires,
qu’on fuivrale progrès & l’étendue des altérations
que les formes primitives des montagnes ont pu
éprouver depuis les époques les plus éloignées, St
qu'elles éprouvent chaque jour par les torrens &
par la chute des eaux pluviales. Il Té fut te de toutes
cescaufes, des enlévemens confidérables de
matériaux dont une partie eft tranfportée au loin,
& dont l’autre fert à combler les vallées.
II faut bien diftinguer enfuite une vallée qui s’ébauche
ou qui s’approfondit par le travail des eaux
torrentielles, d’une autre vallée qui fe comble par
l’abaiffement des fommets & Péboulement des
croupes. Cette diftinétion étant une fois admife,
il eft aifé d’ indiquer la marche des deux fortes de
délimitions qu’on ne peut bien apprécier qu’au-
tant qu’on peut reconnoîrre les changemens qui
arrivent à des formes qu’on ne peut faifir} car
comment peut-on faifir l’ordre des effets St des
canfes fi l’on ne peut marquer les limites de leur
a&ion fucceffive?
Dégradation des montagnes du Dauphiné.
Comme c’eft aux eaux que la dégradation des
montagnes eft principalement due , il convient, à
ce qu’on penfe, de rappeler ic i, en finiflant ce qui
regarde les eaux du Dauphiné , les effets deftruc-
teurs qu’elles occafionnent fur les montagnes.
Il y a long-teins que l’on a écrit que les montagnes
fe dégradent, que leurs fommets s’abaiffent
peu à peu. On a calculé cette dégradation, & il y
a même des auteurs qui n’ont pas craint de déterminer
le tems qui étoit néceffaire pour que les
montagnes fufiTent anéanties, & que la Terre devînt
plate, femblables à ceux qui, d’après un calcul
fait fur le tems que des boulets de fer rougis
St pénétrés de feu font à fe refroidir, ont déterminé
le tems qu’ il falloit à la Terre pour avoir
perdu toute fa chaleur, & être ainfi inhabitable.
Nous n’entrerons pas dans de femblables calculs.
Les données fur lesquelles on a établi cc-s calculs ne
font pas affez fûres pour qu’on en puifle conclure
quelque chofe de pofitif, qui ait même quelque
degre de certitude. On a calculé d’après des faits
peu confiâtes : on i.’avoit point la hauteur des montagnes
qui ont fervi à établir ces calculs, St ce
n’eft que d’après une tradition vulgaire, que l’ on
a tiré les conclurions que l’on a données. L’on n’a
point fait attention à la nature des matières donc
ces montagnes étoient compofées, confédération
importante & qui devoit néceffairement entrer pour
beaucoup dans ces calculs. Une montagne de fable
perdra beaucoup plus facilement dans toutes les
dimenfions , que des montagnes qui feroient compofées
de matières dures St bien liées entr’eifes.
Une montagne dont les rochers feront à bancs horizontaux
, fe dégradera beaucoup plus difficilement
que cellesqui auront des rochers plus ou moins
inclinés à l'horizon , ou qui approcheront plus ou
moins de la perpendiculaire. L’eau pénétrera bien
plus facilement entre les bancs de ces derniers rochers,
qu’entre les bancs des rochers horizontaux
: ceux-ci préfentent à l’eau de grandes fur-
faces fur lefquelles elle coule aifément, & o ’a pas
le tems de pénétrer , au lieu que l’eau s’infinue
avec facilité entre les bancs des rochers inclinés.
Ceux-ci préfentent à l’eau des efpèces de canaux
dans lefquels elle peut, fans beaucoup de difficulté
, s’infinuer & filtrer j enfuite l’eau, en fe gelant
& fe dégelant alternativement, agit avec force
contre les parois de ces bancs , les écarte les uns
des autres , les fait éclate r} en forte que desmaffes
confidérables fe détachent peu à peu des montagnes
, s’écroulent St tombent dans les vallées. Ce$
éboulemens font d’au:ant plus prompts, que kS
rochers font d’une matière plus tendre St plus facile
à être pénétrée par l’eau : s’ils font de fchifte
ou de mauvaife ardoife , la deftr.uition en fera
plus prompte que fi ces rochers étoient de quartz,
de granit, de grès, St en général de pierre dure
St peu fufceptible d’être pénétrée par l’eau. Si le$
fchiftes font en partie calcaires, la pénétration enf
fera encore plus prompte.
Toutes ces confédérations auxquelles on n’ a fait
aucune attention en calculant la dégradation dd
D E G
montagnes , doivent faire fentir combien les conduirons
qu’on a tirées de ces calculs doivent être
peu 'fûres, St combien elles méritent peu le cas
que certains philofophes en ont fait. On fent bien
que, dans les conduirons qu’on tire de femblables
calculs , on ne doit prendre jamais que 1 état
moyen , & mettre les rélultacs au plus b as } mais
peut-on même être fûr de cet état dès qu on n a
aucune certitude des données qu’on a employées,
St fur lefquelles on a établi le calcul ? Ce dont on
eft certain , c ’eft que les montagnes fe dégradent
& que leurs fommets s’abaifient : ce font des veritas
auxquelles on ne peut fe refufer, furtout lorr
qu’on a un peu parcouru les hautes montagnes. Ce
ne font donc point ces vérités qu on veut combattre
ic i, mais feulement ce qu’on a conclu au
fujet du tems nécelfaire pour que la Terre devint
plate & unie. - t
Les Anciens ne nous ont rien laine de certarn
fur la hauteur que les montagnes avoient de leur
tems, & il y a trop peu de tems que les Modernes
fe font appliqués à déterminer exactement la hauteur
de quelques-unes, pour qu on puifle en conclure
le tems néceffaire à la dégradation entière des
montagnes} conciufionquileroitencore hafardéé,
puifqu'on auroic conclu d’ un fait particulier au
général, Sc qu’une montagne, compofée de matières
faciles à dégrader, peut être voifine d'une
autre qui le fera de fubftances ou les eau les de la
dégradation ne peuvent rien ou prefque rien pendant
des fiècles multipliés.
Si l5on veut laiflèr à la poftérité des moyens de la
mettre en état de s’éclairer, à ce fujet, d une manière
plus confiante, il ne peut être que très-utile
de déterminer, par des mefures exaôtes, de combien
les montagnes font actuellement élevées au
deflus du niveau de la mer, St de quelle nature
font les matières qui entrent dans leur compon-
tion. C ’ eft au phyficien , à l’ aftronoms ou au géographe
à conflater le premier point, & au miné-
ralogifte à établir le fécond. Or» s eft paiticulie-
rement appliqué à ce dernier oojet en parcourant
les montagnes du Dauphiné pour en reconnoitre
la minéralogie} on a en même tems porte fon attention
aux effets que les eaux produifent dans des
montagnes de cette province. Il a femble qu on en
a peu vu où ces effets aient été plus terribles St
plus effrayans , furtout dans les vallées qui font
bordées des montagnes les plus élevées- Le Dauphiné
renferme, dans une grande partie de fon
étendue , de ces fortes de montagnes : non-feu-
ltment celles qui font de granits ou de fchiftes font
confidérablement élevées, mais les montagnes calcaires
ne le cèdent pas fouvent à celles;-ci.Onpourvoit
peut-être même avancer qu’ il n’y a pas de province
en France, qui renferme des montagnes de
cette nature, qui furpafient ou qui égalent en hauteur
celles du Dauphiné.
De toutes parts l’on obferve des marques de
dégradation : les vallées font remplies-de cailloux
D E L S o 5
i plus ou moins arrondis, félon l’éloignement où ils
! font des montagnes d’où ils font tombés : les ruit-
I féaux, les rivières, les torrens en entraînent dans
leurs cours ; les pentes des montagnes font cou-*
vertes de matériaux expofes aux courans d eau,
qui les portent dans les vallées, dans les rivières
& dans les torrens . D’après l’examen de ces effets,
on ne peut dilçonvenir des changemens confidéra-
blesqueles montagnes du Dauphiné doivent éprouver
dans leurs formes St dans leur hauteur.
DEINSE, petite ville du departement de l’Ef-
c-aut, à trois lieues d’Oudenarde. Elle a dans fon
enceinte vinge-huit fabriques de genièvre , une
favonnerie, dix fabriques d’amidon, neuf tuileries
où l’on emploie l’argile des environs. La Lis coupe
en deux cette ville.
DELEMONT, ville du département du Haut-
Rhin» à trois lieues & derme !ud-oueft de Laufu-n.
Cette v ille, qui faifoit parcie de la ci-devant principauté
de Porentruy, dans le Saltzgau, elt ornée
de beaucoup de fontaines , dont les baflins bien
ouverts alimentent plufieurs courans^ d eau vive,-
qui ferpentent dans les rues , les afiainiffent, & y
entretiennent la propreté St la fraîcheur. Delemont,
au pied de laquelle coule la Birfe, eft fituee'au
confluent de cette rivière St de la Sorne, fur le
penchant d’une colline qui domine line vallee
étroite, laquelle s’ouvre devant elle. Ses habitans
s’adonnent à la culture de préférence aux arts mécaniques.
11 y a un fous-infpeiteur des forêts.
DELENS ( Mont ). Cette maffe montueufe,
canton d’Oifans , département de 1 Ifère, eft une
dés plus hautes de cette contrée des Alpes du Dauphiné.
Situé à fix myriamètres -de Grenoble , cet
énorme mont, compofé de fchifte & de granit,
eft couvert d’un glacier, dont la furface, unie
comme une table , a deux myriametres de longueur
fur environ deux kilomètres de largeur. L épaif-
feur de cet amas de glace fait qu’elle fe prolonge
fiir fes bords, St s’étend vers les parties înlériéures
où les pentes favorifent cette defeente. C ’eft autour
de ce glacier que fe trouvent des prairies-, des
coupures approfondies par les torrens , des rochers
fendus St crevafles , au point que le fond
des gorges St des vallées étroites de la Grave St
de Saint-Chriftophe font à deux mille deux cents,
mètres de profondeur au deffous de la furface du
elaeier. J _ , , , r
Le village ou hameau du Mont Delens, place fur
une des croupes de cette montagne , eft élevé de
treize cents mètres au deflus du niveau de la mer.
Le glacier, élevé à trois mille neuf cents mètres
au deflus du même niveau, s’étend à plus de trois
lieues du nord au fud, jufqu au Lantaret, a la Be-
rarde & à Valouife, confins du Briançonnois, departement
des Hautes-Alpes. G eft au bas de ce
Elaeier, parmi les gazons ou peloufes, que fe truu-
G g g g i