
il reparoît vers l ’entrée , où il forme un ruiffeau
qui va non loin de là fe jeter dans le Rhône. Ce
torrent a été reconnu comme la fuite d’ un courant
d’eau fouterraine, depuis qu’un curé du village
de lu Balme eft parvenu jufqu’ à la fource avec plufieurs
de fes amis, & s’efi affuré, après une navigation
d’une lieu e , que cette fource réfidôi:
dans une ouverture ronde & fpacieufe d’où l’eau
fortoit à gros bouillons. Pour peu qu’ on examine
la marche de ces eaux fouterraines , il eft aifé de
fe convaincre que cette grotte & toutes les excavations
qui l’accompagnent 3 font l’ouvrage de ces
eaux.
Balme (la),montagne fère, arrondiffement de Grdeun odbéplea,r teàm treonist dlieeul’eIs- fduud n-eofrtd d-en ocredt-teef vt ialule .f,uEdll-ef uodf-foreu uefnte, dp’eunntee liineculien uéne qbuoiasr.t de longueur, & qui eft toute couverte de
Balme ( l a ) , montagne du département du
Léman, arrondiffement de Genève, canton de
Saint-Julien, à une lieue un quart au midi de Cru-
fcille, à trois lieues nord-oueft d’Annecy, & cinq
lieues fud-oueft de Genève. Dans l’ intérieur de
cette montagne eft une grotte connue fous le nom
de Grotte de Balme , élevée de deux cents toifes
au deflus du lac de Genève. Elle pénètre dans la
profondeur par une ouverture ou canal fi tortueux
oc fi é tro it, qu’on ne s’y engage qu’ avec peine.
On penfe avec raifon que la formation de cette
grotte eft due primitivement à une fente verticale
qui a donné paffage aux eaux , lefquelles l’ont arrondie
& augmentée. Les parois de cette grotte,
irrégulières, tortueufes, parfemées de cavités ,
font une fuite inconteftable & manifefte de l’action
des eaux qui y circulent.
Balme du Dauphiné. Cette grotte eft fituée
à fept lieues de Lyon , neuf de Grenoble , entre
le village d’Amblerieux & celui de Sallettes : elle
dépend du village de la Balme, qui en a tiré fon
nom; elle eft creufée irrégulièrement dans le maf-
fif d’une montagne à couches horizontales de pierres
calcaires , fort élevée & qui s’étend fort loin.
On y entre par une falle prefque carrée, extrêmement
vafte, dont le fol eft affez applani jufqu’à
la moitié de fa longueur, qui eft creufée à un niveau
fix pieds plus bas, & femée de morceaux de
pierVes qui femblent des décombres détachés de
la voûte.
Elle, eft ouverte dans toute fa hauteur & fa
largeur par une arcade d’environ neuf toifes de
largeur, fur dix ou douze de hauteur j ce qui fait
qu’elle eft très-éclairée.
Au fond de cette falle eft une autre cavité qui
peut avoir environ cinq toifes de largeur, fur huit
de hauteur, & qui conduit dans une galerie percée
à travers le maffif intérieur de la montagne.
Elle eft embarraffie, dans fa partie Supérieure, par
des rochers qui font faillie, & qui obligent de fe
baiffer en quelques endroits.
Lorfqu’on a marché quelque tems on arrive fur
le vrai fol de la grotte, dans une falle affez grande,
où l’on trouve deux galeries , l’une à droite &
l’autre à gauche, qui aboutiffent à plufieurs pièces
de différentes grandeurs & de diverfes formes,
lefquelles communiquent les unes aux autres. C eft
dans ces Souterrains que fe forment, en plus ou
moins grande quantité, des criftallifations infiniment
variées, & quant à leur couleur & leur
tranfparence , & quant àTeurs formes.
Cependant, laiffant à part les figures bizarres ,
on trouve que ces criftaux repréfentent particuliérement
des colonnes & des piliers de groffeurs d ifférentes
& de diverfes hauteurs, dont les uns s é-
lèvent du fol & vont atteindre les plafonds des
voûtes, & les, autres font attachés & fufpendus
en forme de cul-de-lampe, & font étendus plus
ou moins près du fol. 11 y a de ces colonnes qui
ont jufqu’a huit ou neuf pieds de longueur , fur
trois à quatre pieds de diamètre, tandis que d autres,.
aufli minces que des baguettes, & qui fe prolongent
depuis la voûte jufqu’ au fol ^femblent autant
de piliers qui foutiennent la voûte.
Quelques-unes de ces bafes de colonnes, ébauchées
fur le fol des falles de la grotte, reffemblent,
par leur forme hémifphérique , par leur p o li,
leur blancheur ou leur tranfparence, à des mamelons
dont le bout eft toujours humeété de gouttes
d’eau qui , tombant de la voû te , & s accumulant
par une fuite de couches, donnent une idee de ce
que les naturaliftes appellent fialagmites ou bafes
de colonnes. Ce font ces bafes qui, par des progrès
infenfibles, vont rencontrer les culs-de-lampe, &
forment avec eux des colonnes entières.
Ce qu’ il y a enfuite de plus étonnant, ce font
des cuvettes où l’eau fe raffemble, & forme des
nappes & des cafcades qui franchiffent les bords
de ces* cuvettes, tous guillochés finguliérement.
L ’eau, en fe retirant de certaines parties de ces
cuvettes criftallifées , y laiffe fouvent un fédiment
très-fin , dont les grains font pour la plupart des
criftaux très-brillans. Il y en a qui font revêtus
d’ une croûte terne & blanchâtre 3 auffi le peuple
leur a-t-il donné le nom de pralines. |
Les perfonnes inftruites ne fe bornent pas a contempler
ces différens réfultats du travail de 1 eau,
qui tend à remplir les vides de ces galeries fou-
terraines; elles s’occupent auffi à faire en détail
l’examen des divers matériaux qui font entres dans
la compofition des couches de la montagne. On
y trouve des fuites de coquilles & d adroites
. rayonnées, qui font rangés par ordre , & qui annoncent
d’une manière bien intereffante les depots
de ,1a mer, & les dépouilles des animaux
qu’elle nourriffoit dans fon fein lorfque le maffif
de la montagne fe formoit fans interruption dans
fon baflin.
Tous ces détails inftruéfcifs fe trouvent dans les
galeries de la grotte qui font à droite,-dans la
galerie qui eft à gauche, & qu’on peut appeler
celle du Lac parce qu’on y voit un amas d’ eau qui
dans fon origine a tout an plus un pied de profondeur.
Les gei s du pays lui ont donné le nom de lac
quoique l’eau n’y Toit pas dormante, & qu’au
contraire elle y coule avec affez de rapidité comme
un petit torrent fouterrain. On voit venir cette
eau d’ une rue dont on ignore la profondeur. Quant
à fa largeur , elle eft d’environ fix pieds elle'
paroît avoir été creufée de. manière à fervir de lit
au torrent, qui auflîtôt fe perd fous terre, & ,
après avoir parcouru toute la longueur des falles
encombrées de la grotte , reparoît vers l’entrée,
& forme pour lors un ruiffeau qui paffe vers l’ancienne
abbaye de Sellettes, 8c fe jette dans le
Rhône, qui eft fort voifin de l’entrée.
C e ruiffeau , à en juger par fon l i t , eft affez
confidérable II eft aifé d’imaginer qu’étant formé
par le torrent dont on a parlé, & par le concours
des filets d'eau qui circulent de tous côtés dans
les falles & les galeries de la grotte, il doit être
réduit à un petit volume d’eau pendant l’été ; mais
que dans l’hiver, & après des pluies abondantes,
il devient confidérable.
Je n’entrerai pas dans un plus grand détail fur
l’origine de ce ruiffeau, que je confidère comme
une fource dont les eaux ont contribué dans une .
première époque à former les excavations des j
différentes falles & des galeries de la gro tte , &
qui certainement, à juger de l ’étendue de ces excavations
& des premiers réfervoirs qu’elles oc- ,
cupoient, ont dû être fort abondantes. C ’eft ainfi
<îue j’envifage les premières opérations de la nature
dans l’approfondiffement des grottes en général,
8c dans la partie de ce travail qui doit autant
intéreffer les naturaliftes, que les criftallifations
& leurs formes bizarres.
Je diftingue donc dans la Balme de Sallettes deux
époques bien cara&érifées ; la première , celle où
l’eau delà fource du ruiffeau dont nous trouvons les
reftes, a été affez abondante pour fe former de
grands réfervoirs dans le fein de la montagne, & ces
réfervoirs font'les différentes galeries que nous y
trouvons actuellement. Ileftà croire qu’une grande
partie de ces réfervoirs fouterrains a été mile à
découvert par l’ excavation & le travail des eaux
courantes du Rhône , & c’eft ce qui a diminué en
grande partie les eaux de la fource j q u i, s’étant
trouvées difperfées en grande partie par petits filets,
ont contribué à déterminer la fécondé époque,
c’eft-à-dire, la formation des criftaux, foit
de ftalaétites, foit de ftalagrçntes, qui tendent >
chaque jour à remplir les vides de la première
époque.
C ’eft auffi d’après ces vues que. j’ai vifité & décrit,
non-feulement cette grotte , mais encore
toutes celles dont j’ ai fait mention dans ce Dictionnaire
, & d’après lefquelles j’ ai formé la théorie
de ce qui concerne le travail de la nature, 8c
dCont j’ai donné l’expofition aux articles Grotte, averne, &c.
Je finis parobferver que, dans plufieurs de ces
grottes, il eft furvenu des changemens affez confi-
rables pour avoir fait difparoître toute eau courante,
& n’avoir laifféque les feuls filets d'eau qui
traverfent les voûtes , & qui continuent le travail,
des criftaux dans certaines parties de ces fouterrains,
qui partout ailleurs font à fec.
La grotte dont nous venons de donner une def-
cription eft, fuivant un naturalifte d’une certaine
célébrité, un desmonumens les plus frappans qui
atteftenc le féjour de la mer fur cette partie de
notre continent. Il ajoute même que tout y prouve
que la formation & l’exiftence de cette grotte eft
fort antérieure au defféchement de la partie du
globe que nous habitons, & à la retraite de l’Océan.
Voici ce qu’il nous difoit dans un Mémoire
qu’il a préfenté à l’Académie royale des fciences
en 1776.
« La grotte de la Balme en Dauphiné eft ouverte
ou creufée dans une pierre calcaire grife,
extrêmement dure, qui fait feu avec l’acier trempé
, & qui répand une forte odeur de foie de
foufr.e lorfqu’on la brife. Cette pierre calcaire eft
diftribuée par lits , dont les uns renferment des
débris de coquillages, d’autres des rangées de
madrépores, qui font tous placés fur leur pédicule.
Ils y forment des groupes confiderables, qui
font de la fftus belle confervation. Les efpèces les
plus communes font les fungites & les cerveaux
de Neptune. On trouve au centre de ces blocs de
madrépores lorfqu’on les détache, des criftallifations
quartzeufes, & autour des criftaux calcaires.
C ’eft furtout dans les petites cavités des
parties fupérieures de la grotte, que ces productions
de là mer font les plus abondantes. Elles y
font entaffées les unes fur les autres , mais au milieu
de la pierre calcaire. Ces corps marins pa-
roiffent attachés fur la voûte comme fur les parties
des parois de la grotte. L’eau qui circule à la
furface de ces parois,- entraînant la matière qui
les enveloppe, les a mis à découvert, & elles pa-
roiffent, fuivant le naturalifte, dans cet é ta t, différentes
des foffiles qui font partie des couches. «
Telle eft l’expofition des faits que notre obfer-
vateur met en avant dans fon Mémoire, & voici
les conféquences qu’il en tire. Il lui femble, dit-il,
que ces faits ne permettent pas de douter que
l’exiftence de cette grotte ne foit plus ancienne
que celle des autres, qui doivent leur formation
à des torrens intérieurs & à des éboulemens qui
font poftérieurs au defféchement de notre continent;
qu’elle a été long-tems fous les eaux de
la mer, & quelle a fervi d’ habitation à prefque
tous les animaux marins ; que les madrépores s’y
font formés & raffemblés comme ils fe raffemblent
journellement fur les rochers du bord de la mer.
Il fallait qu’ ils y fuffent en très-grande quantité ,