
on ne trouve que des dépôts horizontaux très-peu
épais; ce qu’on rencontre affez Couvent. De toutes
ces confédérations je conclus q ue , le long des
bords de l’ancienne mer, quoique les eaux fuffent
de niveau, & que les dépôts aient été fort abon-
dans, la furface des dépôts ne fe trouve pas.de
niveau. D’ailleurs, depuis la retraite de la mer, on
ne peut fe perfuader que ce niveau fe foit confervé
le long de tous ces anciens dépôts, quand même
il auroit exifté.
Je conclus enfin de tout c e c i, que les niveaux
pris dans les vues d’établir quelque compâraifon
entre la hauteur relative des dépôts de l’ancienne
mer 8c de la furface de l’ancienne terre, n’avan-
ceroient pas beaucoup la théorie des grands phénomènes
du Globe; qu’ ainfi l’on doit s’attacher à des
caractères qui foient indépendans des niveaux.
Il y adroit auffi la différence des niveaux depuis
le centre des contjnens à couches horizontales,
-jufqu’aux bords de la mer actuelle; mais quoique
ces niveaux n’appriflent rien de bien précis;, •&
qu’ on ne puiffe en tirer aucune conféquence relative
à l’étendue de la retraite de la mer & à la découverte
des continens, foit fucceffive, foit rapide,
cependant on doit tenter de déterminer quelques
rapports de niveau entre les limités de l’ancienne
terre 8c le niveau de la mer aCtuelle*..
- Dans l ’examen des phénomènes de la moyenne
terre les nivellemens n’apporteroient pas plus de
lumière. Ces phénomènes le préfentent à toutes
fortes de niveaux, 8c bailleurs l’inclinaifon & le
déplacement des mafles annoncent la difficulté de
remonter au niveau primitif de chaque endroit.
Les déplacemens d’un àffemblage couches courb
ées, pliées en tout Cens, font très-confidérables
& de plufieurs centaines de toifes : il n’y a donc
que l’étendue des maffifs qu’on puilfe déterminer
Jurement par leurs limites, & enfin leur pofition
relative.
Il y a des mafles de couches inclinées fur le fom-
met des Alpes, & depuis ce lommet à tops les dif-
férens degrés d’élévation , jufqu'au niveau de la
mer. Par conféquent les opérations du nivellement
ne pourroient fournir aucune vue générale qu’on
ne puiffe avoir par l ’obfervation détaillée des
maffes.
C o u ch e s in c l in é e s . L’ inclinaifon fi variée 8c
fi remarquable des couches tant de terrés que de
pierres, a donné lieu à un grand nombre de conjectures
que je me contenterai d’indiquer feulement
ic i, parce que je les crois d’autant moins recevables
, qu’elles ne font fondées fur aucun principe
ni fur des faits bien difcutés.
Un premier principe qu’on doit pofer dans cette
matière, c’eft que tous les grands bancs de terre
ou de pierre n’ont pu être formés que par les eaux,
& de la manière feulement dont les eaux peuvent
agir , e’eft-à-dire, par dépôts. Or, elles n'ont jamais
pu faire leurs dépôts que parallèlement à
leur furface, foit lorfqu‘elles ont été en repos,
fait lorfqu’elles ont été en mouvement. Dans l’état
de tranquillité elles ont arrangé & difpofé par
lits, fur un plan uniforme Sc parallèle à l’horizon ,
les matières, ou produites dans leur fein , ou amenées
du dehors dans leur baflin : comme courantes
& en mouvement, elles ont détruit ces mêmes
dépôts pour les reconftruire ailleurs, fur une pente
qui n’a pu être inclinée au-delà de cinq degrés, 8c
paffé laquelle l’expérience prouve que les grandes
eaux courantes, loin de dépofer, démoliffent 8c
entraînent au loin.
Quelques auteurs ont cru qu’il y avoit des
exceptions à faire à ces principes, 8c ont prétendu
que certaines inégalités du fond de la mer étant
données,, l’eau -, en formant des fédimens fur des
plans inclinés, a pu former des couches parallèles à
ces plans., 8c par conféquent toujours inclinées
comme la première bafe. Ils n’ont pas vu que la
théorie 8c les faits s’oppoloient également à ces
fuppofitions ; car on .peut-s’aflurer par expérience,
que les matières fufpendues dans les eaux tranquilles
font toujours accumulées par lits horizontaux
qui ont rempli d’ abord les parties, les plus
baffes, 8c ainfi de fuite. Dans le baffin de la mer, les
dépouilles des animaux marins ont été diftri buées de
la même manière, tant fur un fond.inégal, que fur
un plan uniforme 8c parallèle à la furface de l’eau.
Quant aux eaux courantes, il doit y avoir des
irrégularités dans les dépôts, occafionnées par les
inégalités du fond fur lequel ces eaux coulent ;
mais outre que ces inégalités difpàroiffent facilement
, ces dépôts ont toujours une tendance à
s’arranger de niveau comme l’eau qui les forme. Il
ne faut pas avoir obfervé pour avoir des doutes à
ce fujet.
Il y auroit encore moins d’ exceptions à faire en
faveur d’un fyftème de matières criflallifées , car
cet état de crifiallifation n’ eft qu’une modification
locale 8c intérieure des fubftances formant les
mêmes dépôts. D ’ailleurs, il eft évident que les
lames criftallines,. infiniment minces, ne peuvent
pas affe&er l’extérieur des maffifs fur une certaine
étendue j elles ne peuvent donc avoir rien de conl-
mun avec une formation auffi uniforme , aufli
étendue que celle des grands bancs, généralement
parallèles entr’eux 8c avec l’horizon. Si le travail
de la criftalliCation peut être eonfidéré comme
ayant concouru à la compofition de ces bancs1,
c’eft uniquement lorfqu’ils ont pris la dureté 8c
la folidité de la pierre ; mais ce travail n’a rien
changé dans leur difpofition primitive. D’ailleurs,
ceux qui font reftés jufqu’à préfent fans être pétrifiés
, ayant confervé la même forme , on ne
peut pas dire que les uns 8c les autres ont .été
criftallifés en forme de bancs. L’obfervation doit
forcer ceux qui ont hafardé ces hypothèfes, à reeon-
noître que, pétrifiés ou non pétrifiés, leur forme
d’ arrangement eft toujours la même, foit à côté;,
foie au deffus les uns des autres. On doit donc en
conclure
conclure que la différence dans le gifement des
couches ne peut provenir ni de la criftallitation ni
de la pétrification, fi toutefois on doit mettre, par
rapport aux bancs de la terre , quelque différence
entre ces deux opérations de la nature»
Un fécond principe auffi inconteftable que le premier,
c’eft que,dans le tems de la formation des
couches, il y a toujours eu quelque circonftance
locale qui ne leur a pas permis d’ être ni parfaitement
homogènes dans toute leur étendue, ni totalement
femblables entr’ elles , en les considérant
de haut en bas, foit quant à la matière, foit quant
aux épaifleurs. On conçoit àifément les raifons de
ces différences qui ont dû avoir lieu dans la formation
primitive des couches, quand même elles
ne feroient pas découvertes aux yeux de tout le
monde par l ’obfervation.
Une circonftance furtout qui ne doit pas être
omifç, 8c qui paroît cependant avoir échappé aux
obfervateurs , ce font les intervalles terreux qui
fervent à la diftinéfion des couches , 8c qui indiquent
néceflairement un dépôt fait par l’eau dans
le paffage d’ une couche à une autre. Or , ces intervalles
terreux qui fuivent régulièrement tous les
bancs, tant ceux qui font horizontaux, que ceux
qui font inclinés, n’ ont certainement rien de commun
avec la criftallifation.
D’ailleurs, il eft aifé de concevoir qu e , pendant
leur féjour fous les eaux de la mer , ces bancs ont
pris une certaine confiftance en fe taffant & fe
comprimant, fuivant la nature, le poids 8c le nombre
des autres bancs fupérieurs qui fe font trouvés
établis fur eux.
Il eft certain enfin que lorfque la mer a par la
fuite abandonné tous ces dépôts à fe c , il en eft
réfulté une nouvelle compreffion , une fuite de
taffemens 8c de deflechemens relatifs à la nature
des matériaux qui étoient entrés dans leur compofition.
Il n'eft donc pas étonnant qu’on trouve quelques
irrégularités dans l’aflemblage 8c la pofition
de ceux de ces bancs qui ont le mieux confervé
leur gifement primordial, 8c qu'aucun d’eux ne foit
parfaitement de niveau fur une certaine étendue.
Teleft l’état naturel 8c primitifdescoücAfj qu’on
peut obferver dans un grand nombre de cantons
de la moyenne terre, 8c j’ ai cru qu’ il étoit important
de partir de ce point avant que de paffer à
l’examen & à la defeription d’un grand nombre
d’autres mafles du même genre 8c de la même date,
qui ont été vifiblement forcées de changer de fitua-
tion & de place par des caufes puiflantes plus ou
moins étendues. Ces affemblages de couches font
même les plus remarquables, tant par leur hauteur
que par leurs formes fingulières 8c par la célébrité
qu’onten géographie les chaînes de montagnes qui
nous les offrent. C ’eft en vifitant ces montagnes
qu’ un obfervateur attentif & exercé peut voir, à
la faveur des faces rompues & efearpées de ces
bancs, leur arrangement intérieur : ce font elles
auffi qui préfentent les gifemens les plus variés ,
Géographie-Phyjique, Tome III•
les plus compliqués, les plus oppofés en apparence
à la loi générale de l’horizontalité des couches marines.
.
Il eft vifible que la figure extérieure de ces
grandes montagnes, telle que je viens de 1 indiquer,
n’a pu bien avoir lieu que depuis la retraite des
eaux de la mer. Il eft vifible auffi que ce font les
eaux courantes à la furface des parties du continent
, abandonnées par la mer, qui ont détruit
l'ordre primitif de la formation des couches dô
leur gifement. Mais ces fortes d’ effets qui nous
occupent aéluellement n’ ont pu fe montrer qu à
la fuite d’ un grand nombre de deftruétions que je
réduis au tracé 8c à l’ excavation de ces tranchées
profondes 5c alongées j en un mot, au creu-
fement des vallées de tous les ordres. ( Voyez
V a l l o n s , V a l l é e s , 8cc.)
Ce font les eaux courantes qui ont fait les grands
vides qu’on trouve dans la moyenne terre, qui ont
arraché 8c emporté toutes les matières qui y manquent,
& qui formoient , avec celles qui reftent,
des maffifs folides 8c continus. Qu'on fuive maintenant
les progrès de l’excavation des vallées,
qu'on fe repréfente la forme des premières cou-
puresdes bancs, la pouflee des terres 8c des pierres
qui fe font trouvées à découvert fur le bord de
ces vallées, les déplacemens qui ont dû s opérer
par le manque d’équilibre qui augmentoit chaque
jou r, 8c dès-lors on fentira qu’ il n’y a pas d incli-
naifon de couches fi étendue,, fi fingulière, qui ne
puiffe s’expliquer 8c fe démontrer aux yeux comme
néceflaire 8c inévitable. Pour peu qu on réuniffe
à ces confédérations celle des différens degrés de
molleffe 8c de folidité, celle des intervalles terreux
qui les féparoient, celle des bafes fehifteufes
•plus ou moins molles qui les foutenoient, on ne
peut douter que le jeu 8c l ’influence de toutes ces
circonftances ne fe montrent vifiblement partout
dans le déplacement des couches, dans leurs courbures
, 8cc.
On voit que tous les dépôts primitivement horizontaux
ont a g i, céd é , réfifté en tout fens à
toutes les hauteurs, à des diftances différentes,
fuivant les lois de la ftatique. Comme ces phénomènes
occupent une place importante dans l’hif-
toirede la Terre , je crois devoir entrer dans quelques
détails néceffaires pour les faire connoître, &
diffiper les incertitudes qu’une^étude vague 8c mi-
nutieufe femble avoir laiffées dans ce fujet.
11 eft confiant d’abord que le Commet a&uel des
montagnes n’eft qu’un refte de l’ancien fond de la
mer , 8c que les plus hautes font celles les moins
dépouillées, excepté celles qui appartiennent à
l’ ancienne terre. Ainfi les plus hautes monta-
. gnes font celles à côté 8e autour defquelles il s’eft
fait de plus grands ravages. 11 en faut dire, à proportion,
autant des moyennes 8c des baffes montagnes
comparées avec leurs voifines, mais tou-
jours dépendantes de la moyenne terre. Ainfi, non-
feulement l’ancien fond de la mer n'exifte plus fur
C i c