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N O U V E A U X VOY
Roy nous donna à fouper. Depuis qu'il
étoit revenu fur fon habitation, nous
foupions tous les jours enfemble ,
un jour chez lui & un jour chez moi.
Je pris ce moyen comme le plus propre
pour m'infinuer dans fon efprit, &
le faire revenir peu à peu de la prévention
où il étoit né, £c où il avoit été
élevé contre la Religion & fes Miniftres.
J'étois édifié ck fon exaftitude à
obliger fes efclaves à affifter aux Prières,
à la Mefle, au Catéchifmei il les
exhortoit fouvent à s'approcher des Sacremens,
& fon habitation étoit fan5
contredit une des mieux réglées de route
ma Paroiffe. Je la propofois fort
fouvent pour exemple aux autres, il
venoit lui-même très-régulièrement à
la Prédication j ilaififtoit aux Catéchifmesque
je faifois aux enfansj Sc quand
nous étions enfemble il me propofoit
fes doutes que je lui éclairciflbis autant
que ma capacité le pouvoit permettre.
Avec toutes 'ces bonnes difpolîtions,
A G E S A U X ISLES
j e n'ai pû avoir le plaifir de le v&îr
Catholique; il eft vrai qu'il m'avoüoit
quelquefois qu'il étoit ébranlé, qu'il
cntrevoyoit la vérité , & qu'il efperoit
que Dieu la lui decouvriroit avant fa
mortî il n'a point été trompé, il me
témoigna qu'il vouloit retourner en
Languedoc & achever fes jours avec le
refte de fa famille j il traitta de fon habitation
avec les fleurs Hue & Maraud,
& étant arrivé à Bordeaux il tomba
malade. Dès qu'il fe fentit mal, il envoya
chercher le Curé de la Paroiflc
fit entre íes mains une nouvelle abjuration,
fè reconcilia à l'Eglife, reçût
tous les Sac remens, & mourut avec
les fentimens d'un veritable Enfant de
l'Eglife. Ses amis qui fçavoient quelle
part je prenois à tout ce qui le regardoit,
me manderent fa mort & fa
converfion: fi j'appris la premiere de
ces nouvelles avec douleur, la fecondc
me donna une joye infinie.
C H A P I T R E XV I I L
f.
Des Scorpions, Serpens, Vers dePatmiJtes-, du bais k ennyvrer-, desdiffe'
rentes efpeces de Palmijies de leurs Choux.
,E Mercredi 2. Juin les Charjentiers
démolirent la vieileEglife,
pour employer les
matériaux à l'agrandiiTement
qu'on avoit projetté à une
xa pi- maifon, un d'eux fut piqué par un Scorgaeure
pion j Cela me fit peur, parce que je
j-j-Qy^jj qy'ijj étoient auiîT dangereux
aux Mes qu'ils le font en Europe, mais
fdnt on m'aiTura le contraire, & j'en vis
Jange- l'expericnce, car le bras du cnafpen-
7/?« piqué n'enfla pas tant,
que s'il avoit été piqué d'une Guefpej
oniê contenta d'y mettre une compreffc
avec de l'eau-de vie, cek ne l'empêcha
point du tout de travailler; il
m'afllira que la douleur qu'il fentoit étoit
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fort médiocre, Scie foi r il me fit voir Ton
bras tout à fait defenflé & fans douleur.
Ce fut dans la même femaine qu'on
trouva un Serpent de fix à fept pieds
de long dans mon poulaillier j mon Nègre
y étoit entré au point du jour pour
tafter les poules, en vit une qui étoit
morte avec les ailes étendues, & remarqua
qu'il manquoit quclqués poulets,
ilvintaulfi-tôt m'en avertir, ajou^
tant qu'infailliblement ily avoit un Servent
dans le poulaillier, parce que les voailles
en étoient forties toutes épouventées,
& avec un empreflèment qui ne
leur étoit pas ordinaire. Quandle foleil
fut levé on vit le Serpent qui étoit louv
e , c'eil-a-dire, plié & roulé en un
coin
F R A N C O I S E S D
5p4. coifl avec la tête levée. Je le faluai d'un
coup de fufil qui lui mit la tête en naor-
^¡"fûr ceaux, après quoi mon Negre le tira
il Sir- dans la cour, je lui fis ouvrir le venfi
»'- tre, on y trouva quatre petits poulets
qu'il avoit avalez. Ces oifeaux fe fentant
piquez ouvrent les ailes en expirant,
& fe roidifleot en cette fîtuation,
de forte qu'il feroit impoffible au Serpent
de les avaller, s'il attendoit qu'ils
fe fuflent refroidis en cet étar. Les poulets
qui étoient tous jeunes & prefque
fans force, n'avoient pû faire la même
chofe. Le Serpent ne mâche ni ne coupe
point cequ'ilmange, il l'avalletout
entier, s'il peut envenir à bout. Quand
il a tué un animal avec fon venin, il le
prend par la tête & le fucce jufqu'à ce
qu'il l'ait englouti. Ilneparoîtpasqu'il
digere ce qu'il a dans le ventre, il y
demeure tant qu'il fe foit entièrement
corrompu Se putrifié, & pendant ce
tems-là le Serpent refte endormi.
On eut toutes les peines du monde
lé foir à faire rentrer les volailles dans
le poulaillier;, elles venoient jufqu'à la
porte regardoient dedans, & puis fe
retiroient toutes effrayées, comme fi
elles euflent encore vû le Serpent qui y
^ avoit été la nuit pi écédente: Jenepouvois
comprendre par où cette bête etoic
entrée, eu égard à fa groiTeur, car elle
étoit groflè comme le bas de la jambe.
On foupçonna enfin qu'elle étoit entrée
V par une petite ouverture qui fe fermoit
avec une planche où il y avoit unecharnicre.
Cetce ouverture fervoit à faire
entrer les volailles, les unes après les
autres, quand on les compte le foir.
; Qyoiquela tête fut toute brifée, mon
Negre ne laiiTa pas d'achever de la couper
& de l'enterrer fort avant en terre,
i de crainte que quelqu'un venant à mari
cher defllis, ne fe picquât & ne fe mit
en danger d'y trouver encore du venin.
E L ' AME R i a U E . 13 ?
Un de mes charpentiers tîralagraif- 1694.
fequi étoitdians le corps du Serpent tn.Graifs
aflêz bonne quantité j & m'enfeigna à
la conferver dans un flacon bien bou- ^^"'âbll
ché, & m'afllira qu'il n'y avoit rien de poar les
meilleur pour les douleurs froides, hjouj^r$
flatiqueSc autres femblables incommo-''"'^ '
ditez; on la fait fondre fur une aflîett
e , après quoi on y mefle de l'efprit de
vin ou de bonne eau-de-vié, enfuite on
frotte la partie affligée avec des linges
chaux pour ouvrir les pores, & on l'oint
avec cette graiflê ainfi diflbute. J'ai éprouvd
ce remede fur moi-même & fur
d'autres, & toujours avec un heureux
fucces. Cette gràifle eft blanche, ferme
& n'a aucune màuvaife odeur ;
elle fe confêrve auflï fans fe corrompre,
fans qu'on y apporte aucune précaution.
L e Jeudi 10. Juin je portai le faint
Sacrement en Proceflîon autour de k
favanne ou l'Eglife eft fituée j laCGfn>
pagnie d'Infanterie du quartier fous les
armes marchoit à là tête, les Officiers
6c le drapeau étant en leurs pôftes j le
tambour battant. Les habitàns qui é*
toient dans la cavaleriê fflârchôiént aU
tour du faint Sacrement. Nous trouVâ'-
mes trois Repofoirs très-pfôpres. Quoique
Monfieur du Roy nê fut pas Catholique,
il ne laiiTa pa§ d'ên faire fiiifë
un devant fa porte, fort bien éclairé,
& de faite tirer des boëtes. Jè fus fort
fatisfait de la dévotion de iïies Pàidiffiens
qui communièrent en giattd hofflbre.
Je donnai à dîner àUx principaux»
Après Vêpres j'allai fouper dhcz Monfieur
Michel, âvec prefque toUs ceux
qui avoient dîné chez iîiôi j iiôUS f
couchâmes.
L e lendemain nôuS fîmes enriyvrei
la grande riviere, à près de mille pai
au defTus de fon embouchure. NôUs y
prîmes quantité de beaux poifleilsj èc
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