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170 N O U V E A U X VÓ Y A G E S ' A U X l'S L Ë S
C H A F I T R E XXVI.
Fojage de lAuteur de la Guadeloupe k la Martinique.
Defcri^îion des IJIes des Saintes.
;E m'embarquai le Dimanche
troifiéme Juin fur les cinq
heures du foir. Nous mouillâmes
aux Saintes avant minuit.
J'ai déjà dit qu'on de-'
vroitplûtôt les appeller les Saints que
k s Saintes, car leur nom Efpagnol cft
. Los Santos^ parce que les Efpagnolsles
découvrirent le joUr de la Touilaint -,
& c'eft du jour de la découverte que
la plupart des noms ont été pris ,
comme la Floride à caufe qu'elle fut
découverte le jour de Pafques Fleuries,
laDominique, Sainte Croix, les Vierges
& autres lieux de l'Amérique. Je
m'apperçûs dans ce petit trffjet que
nôtre barque étoit pefante & mauraife
voiliere, mais il étoit trop tard. Le
maître avoit quelques baies de cotton
à prendre aux Saintes, avec des volailles,
des p o i s d u mil, ce qui nous
obligea de nous y arrêter tout le Lundi
6c la plus grande partie du Mardi.
Moniieur Auger avoit eu la bonté de
faire mettre dans la barque des proviiions
pour mon voyage qui ne me furent
pas inutiles. Je me fis mettre à
terre dès qu'il fut jour. J'allai faluer
k Pere Lucien Carme, qui étoit Curé
de ces deux Ifles. L'Eglife & la maifon
du Curé font dans l'Iile qui eft fous
lèvent, qu'on appelle à caufe de cela,
Ttrre de la 1 erre de bas, comme celle qui eft
dZ'ift"" nomme la Terre de haut.
des Sain- Ce Religieux me reçut fort civilement,
6c me pria d'accepter fa maifon pendant
que ma barque feroit mouillée.
Je fus dire la MeiTe.. L'Eglife eft toute
de bois petite & aiTez propre. La
xnaifon du Curé «e confiftoit qu'en
tes.
deux petites chambres, une cuifine S:
un autre petit bâtiment. Le terreia
qui étoit aux environs fuffifoit pour
faire un alTez beau jardin ^ mais foit
que ce Religieux n'aimât pas le jardinage,
foit pour d'autres raifons, il
le laiiîbit en friche, ce qui lui attiroii
une infinité de mouiHques 6c de
maringouins. Je le priai en déjeunant
de me faire voir les beautez de fon
Ifle. Nous employâmes une bonne parrie
du jour à cette promenade, 6c nous
fîmes le tour de l'Ifle autant qu'il fe
peut faire, car on ne peut pas e faire
exaftement j elle peut avoir autant que
l'on peut juger trois lieuës de tour. La
terre de haut me parut plus grande.
L'Ifle qui eft entre les deux eft petit
6c inhabité. Il fert à former le port
qui eft bon, grand, aiTez.feur 6c profond.
Il y a dans ces deux Mes de
bonne terre dans les revers des mornes
6c dans les fonds. Les fommets des
mornes, quoique pierreux, ne laiflent
pas d'être aiTez couverts de bois. Le cmw
manioc, les patates, les pois,. le cotton, ''i'«*
le tabac 6c les volailles y viennent en'"'^"'
perfeftion. H y a beaucoup de chevres
ou cabrites, particulièrement fur
l'Iflet. Ils nourriflent auffi bon noinbre
de cochons. Tant que durent les
graines fauvages ils font fears de ne
pas manquer de ramiers, de perroquets
6c de perriques. Dans les autres temsils
ont les tourterelles, l'es grives 6c lesoilèaux
de mer en abondance. La pêche
y eft très-bonne, 6c l'on trouve
dans les rochers beaucoup de coquillages,
d'écrevifles de mer, de homars,
de poupars 5c de congres. Ils ont auiTii
quel-
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE.
!Î/j. quelques bêtes à cornes quoiqu'en petit
nombre, parce qu'ils n'ont pas aflez
de terrein pour les nourrir. L'air y eft
bon 6c afîèz frais, parce que >ces petites
Mes étant au milieu de la mer,
on y joiiit toujours du vent de quelque
côté qu'il vienne, ce qui fuffit dans
toutes nos Mes pour n'être jamais fort
incommodé de la chaleur. Outre le
port qui eft entre les trois Mes, il y a
à la terre de bas deux ances fort jolies,
dont le fond eft de fable où l'on peut
moiiiller 6c débarquer fort commodément.
On les appelle l'ance du grand 6c
du petit figuier.
Nous fûmes voir le Capitaine de Milice_
de ces Mes -, ily eft comme délégué
du Gouverneur de la Guadeloupe de qui
ces Ifles dépendent auflî-bien qUe la
Giande-terre6cla Defirade. Il nous re-.
eût fort bien 6c m'offrit tout cequidépeiidoit
de lui. Je le priai de faire enforte
que nôtre barque fut expediée le plus
promptement qu'il feroit poffible afin
de pouvoir être à la Martinique le jour
de la Pentecôte.
Le, Curé le pria à fouper avec le
maître de la barque. Ce Capitaine
nous dit qu'il pouvoir compter fur quatre
vingt-dix hommes, vieux, jeunes,
blancs, bruns 6c noirs, bien armez, 6c
en état de faire le coup de fufil, 6c de
deffendre l'Me 6c les barques qui y viennent
moiiiller. Il nous dit aulfi que les
habitans n'étoient pas riches, mais qu'ils
vivoient commodement, 6c qu'avec leur
petit commerce de cotton, de legumes
de tabac 6c'de volailles, ils amaflbient
de l'a-rpnt dont l'Ifle étoit afl'ez bien
pourvûë. Je couchai chez le Pere Cul'e.
Le lendemain après la Mefle, je fus
voir l'endroit où l'équipage d'un vaiffcau
François qui s'étoit brûlé dans le
havre de peur de totaber entre les mains
des Aiiglois , avoix foutenu un fiege
1 7 1
mkii.
contre les équipages de trois vaiiTeaux
Anglois, 6c avoit donné letemsàMonfieur
du Lion pour lors Gouverneur de
la Guadeloupe, de k venir délivrer, 6c
de prendre, prifonniers ceux qui ksaffiegeoient.
Le Pere du Tertre rapporte le
fait dans le quatrième tome de fonHiftoire.
Ce pofte eft naturellement fortifié, 8c
pour peu qu'on y travaillât, il feroit
impoilibk de le forcer , pourvû que
ceux qui y feroient euflênt des munitions
de guerre 6c de bouche. Il n'y a
qu'une chofe defagreable dans ces Mes,
c'eft ledeffautd' eau douce. Les habitans
ont à la vérité deux ou trois petites fources
qui leur donnent de l'eau fufiîfamment
pour boire i mais elles tariflenc
pour peu que la fecherelTe foit plus gran.
de qu'à l'ordinaire, 6c ils font réduits à
conferver l'eau de pluye dans des ton^
neaux, des jarres 6c autres vaiiTeaux, 6c
dans des trous faits en terre ou elle fe
corronipt aifément. f e m'étonnai de
leur négligence à faire des citernes,-; vû
qu'ils ont la chaux, k fable 6c les-pierres
à difcretion, 6c je.ne fus point fa^
tisfait de la raifon qu'ils m'en donnèrent,
que l'eau renfermée dans les citernes
contraétoit l'odeur & le goût de la
chaux. Car quand cela arriveroit au
commencement qu'elles font faites j il
eft certain que cette mauvaife qualité
fe difliperoit peu à peu, 6c que le li.
mon que l'eau porte toûjours avec elle
tapifl'eroit pour ainfi dire, ôc feroit une
croûte fur e fond & fur ks côtez de
la citerne qui empècheroit l'eau de
contracter aucun mauvais goût , parce
qu'elle ne les toucheroit pas immédiatement.
Je leur dis mon fentiment, 6c
je leur fis voir qu'il y avoit plus d'entêtement
6c de negligence dans cela que
de veritable raifon > puiique quand même
l'eau contraétermc quelque mau*
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