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166 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
1694, inutiles que cela me caufoir. Je la fis
rapporter à l'habitation, èc je lui défexidis
de prendre aucun médicament
des Ncgres, mais feulement du Chirurgien
de la maifon à qui je la remis en
ui recommandant d'en avoir un loiin
tout particulier.
J e fus averti une nuit qu'il y avoit
dans fa cafe un Negre qui fe mêloit ds
Medecine. J'y fusauffi-tôrdansledeffein
de le faire chât ier , & de le chaiTer.
Mais étant proche de la porte je m'ai--
rêtai pour voir au travers des fentes &
des palmiftes dont la cafe étoit palif-
Cidée , ce qu'on y faifoit. Je vis la
inalade étendue à terre lur une natte.
U n petit marmoufet de terre à peu
près lemblable à celui que j'avois brifé
au Macouba, étoit furunpet i t fiege
au milieu de la cafe, & le Negre prétendu
Medeein étoit à genoux devant
le marmoufet, & fembloit prier avec
beaucoup d'attention. Unpeuaprèsil
prit un coùy j c'eft-à-dire une moitié
de calebaiîe oii il y avoit du feu , il
mit de la gomme deiTus , & encenfa
l'idole. Eixfin après plufieurs encenfemens
& profternations, il s'en approcha
& lui demanda ii la NegreiTe gueriroit
ou non. J'entendis la demande,
mais je n'entendis pas la réponfe. La
Negi-eife qui étoit la partie la plus interreifée,
& quelques Negres qui étoient
plus voiiins que moi, l'entendirent &
fe mirent auffi-tôt à pleurer & à crier.
J'enfonçai h porte dans ce moment ,
& J ' ent r a i , & comme j'avois avec moi
leRaffineur de la maifon, le Commandeur
Negre, & cinq ou fix autres qui
avoient vû & entendu comme moi ce
que je viens de dire , je fis faifir le
forcier , ôc quelques - uns des fpectateurs
qui n'étoient pas de nôtre habitation.
Je pris le marmoufet, l'encenfoir,
le fac Se tout l'attirail, Sc je demandai
à la NegreiTe pourquoi elle
pleuroit ; elle me répondit que le diable
avoit dit qu'elle mouroit dans quatre
jours, & qu'elle avoit entendu la
voix qui étoit fortie de la petite figure.
Les autres Negres aiKrmoient lamêmc
chofe. Je leur dis pour les defabufer
que s'étoit le Negre qui avoit parlé en
contrefiiifant fa voix, & qui fi le diable
eut été là prcfent pour lui répondre,
il l'auroit auiîî averti que j'étois
à la porte pour le prendre. Cependant
je fis attac 1er le forcier , & je lui fis
diftribuer environ trois cens coups de
foiiet qui l'écorcherent depuis les épaules
jufques aux genoux. 11 crioit comme
un defefperé, Ôc nos Negres me demandoient
grace pour lui, mais jeleurdifois
que les forciers ne fentoient point de
mal, & que fes cris étoient pour fe mocquer
de moi. Je fis apporter un fiege, j'y
mis le marmoufet devant lui, & lui dis
de prier le diable de le délivrer de mes
mains, ou d'empoitcr la figure j & comme
il ne faifoit ni l'un ni l'autre je le
faifois toûjours fouetter à bon compte.
Nos Negres qui s'étoient tous aiTemblez
trembloient, & me difoient que le diable
me feroit mourir, & ils étoient tellement
prévenus de cette folle imagination, que
je ne pouvois les en faire ixvenir, quelque
chofe que je pûfle leur dire. A la
fin pour leur faire voir que j e ne craignois
ni le diable ni les forciers, je crachai
fur la figure 5c la rompis à coups de
pied, quoique j'euiTe fort envie de la
garder, je brifai l'encenfoir ôc tout le
reftedel'équijjage; & ayant faitapporterdufeu,
je fis brûler toutes les guenilles
du forcier i je fis piler les morceaux
de laftatuë, ôcfisjetter les cendres Scia
poulîiere dans lariviere. Il me parut que
cela raiîura un peu nos Negres. Je fis
mettre le forcier aux fers après l'avoir
fait laver avec une pimentade, c'eft-àdii'e
iCkj^.
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F R A N C O I S E S DE L»AMERIQ^UE. 167
dire avec de la faumure dans laquelle on a le J u g e qui étoit prefent de furfeoir pour 1694.
écrafé du piment & des petits citrons
Celacaufe une douleur horrible à ceux
que le foiiet à écorché, mais c'eft un remede
afluré contre la gangrenne qui ne
mnnqueroit pas-de venir aux pla^?es. Je
fis aullî étriller tous ceux qui s'étoient
trouvez dans l'aflemblée pour leur apunmoment
l'exécution, pourvoir file
Negre viendroit à bout de ce qu'il promettoit;&
cela lui ayant été accordé , il
donna fa canne aiiNegre,qui l'aïant planté
enter re, & fait quelques ceremonics'
autour, demanda à MonfieurVanbel ce
qu'il vouloit fçavoir j celui-ci lui aïant réprendre
à n'être pas fi curieux une autre pondu qu'il vouloit fçavoir fi un vaifleau
tbisj Scquandilfut jour, je fis conduire qu'il attendoit étoit part i , quand il arrileNegre
ibrcier à fon maître à qui j 'é- veroit,ceux qui étoient dedans, & ce qui
crivis ce qui s'étoit paffé, le priant en; leur étoit arrivé pendant le voyage. Le
même tems de lui défendre de venir Negre recommençafesceremonies,après
dans nôtre habitation j il me le promit , quoi s'étant retiré il dit à Monfiéur Vanme
remercia de la peine que je m'étois bel de s'approcher deiii canne, & qu'il
donnée, & fit encore foiieter ion forcier entendroit la réponfe de ce qu'il vouloir
de la belle maniéré. fçavoir. En effetIVlonfieurVanbel s'étant
Ce qu'il y eut de fâcheux dans cette approché,il entendit une petite voix claiavanture,
fut quela Negreflé mourut ef- re &di f t inf t e qui luidit : Le vaipau que
feaivemenrle quatriémejour, foit que tu attens eft parti d'Elfeneur un tel jour ^
fon im;igination eût été frapée de la ré- c'eft unteVquïle commande, il a tels £5? teU_
ponfe du diable, foit que véritablement pajfagers avec lui, tu feras content de fa caril
eût connu que fon infirmité le devoit gaifon^ ilafouffertun coupdevent enpajfant
emporter dans ce tems-là. A tout hazard le tropique, qui lui a rompu fon petit hunier,
j'avois eu foin de la faire confeiTer, Sc emporté fa voile d'artimon^il mouillera ici
j'eus la confolation de lavoir mourir en avant trois jours. _Le Negr e ne laifla pas
d'être mené au fupplice 6cexécuté, &
trois jours après le vaifleau étant arrivé,
on vérifia à la lettre toute la prédiftion.
Jene finirois pas fi jevoulois rapporter
tout ce que je fçai fur cette matiere.
Il me femble que ces quatre faits fuifibonne
Chrétienne, 6c fort repentante de
la faute qu'elle avoit commife.
Jetiensle fait que je vais rapporter de
Monfieur Vanbel , Direfteur du Comp^
toir deDannemarc enl'IfleS.Thomas qui
eft une des V i e r g e s , qui m'en fit le récit
lorfque j 'y paflai au mois de Mars 1701 fent pourprouverqu'ily a véritablement
en venant de S. Domingue. dés gens qui ont commerce avec le diable.
Un Negre convaincu d'être forcier,& & qui fe fervent de lui en bien des choies,
le faire parler une petite figure de terre,
"ut condamné par la Juftice de l'ifle à être
Thomas, brûlé vif Monfieur Vanbel s'étant trouvéfurfoncheminlorfqu'on
lemenoit au
fupplice, lui d i t : HébienixtX) tu ne feras
plus parler ta petite figure .y elle eft rompue.
Le Negre lui r é p o n d i t v o u s voulez,
Monfieur, je fer ai parler la canne que vous
tenez à la main. Cette propofition étonna
tout le monde 3. Monfieur Vanbel pria
Ne^re
forcier
iir, ' ' '
à Saint
Lettres Patentes du Roy pour Vétablijfement
des Religieuses du 'Tiers-Ordre de
Saint Dominique, à la Martinique. •
LOUIS, parlagracedeDieu,Roide
France Se de Navarre : A tous prefens&
àvenir ; Sal i i t . Les miferes &
calamitez efquelles les guerres conti--
nuelles •
iUll! M