N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
tCi^. mêmes, qui tous tant qu'ils font aiment
fort à fe laver, 8c fi par accident ils l'oublient
, il faut les en avertir bien ferieufement,
n'y aïant rien qui contribue davantage
à leur fanté.
Tous les bâtimcns, jardins, parcs5c
leurs dépendances peuvent occuper un efpace
de trois cent pas en quarré, qui étant
pris au niilieu de tout le terrain, es Cannes
fe trouverontdes deuxcôtez, & au-
<leflus du Moulin, de maniéré que les plus
éloignées n'en feront qu'à quatre cent pas
o u environ, ce qui fera une grande commodité
pour le charroi, & pour le chemin
que les Negres auront à faire pour fe
rendre fur le lieu du travail. Le terrain
occupé par les Cannes fera de trois cent
xrinquante pas de large, de chaque côté de
récablillèment, & de trois cent pas de
haut, ce qui produira vingt-un quarrez de
cent pas, & fi nous en mettons quatre cent
pas de haut au-deflus de l'établiflêment
iur toute la largeur du terrain qui eft mille
pas} nous en aurons quarante autres quarrez
de cent pas, qui feront cinquante-un
quarrez de cent pas chacun, quifuiîîront
pour produire tous les ans plus de fept
mille formes de Sucre, en prenant les
Cannes les unes après les autres à l'âge
x3e quinze à feize mois.
C'eft une erreur de croire qu'on fait
plus d'ouvrage en partageant fes forces,
¿c faifant rouler deux Sucreries, que de
n'en avoir qu'une dans le même terrain.
Il ne faut prendre ce parti, quelorfqu'on
y eft abfolument contraint, ou par la fituation
du terrain qui empêche qu'on ne
puiiTe conduire commodement lesCannes
au Moulin, ou lorfqu'on a tant de Terres
8c tant d'Efclaves qu'on peut faire valoir
tout à la fois deux grands établiflemens,
8c avoir l'ceil également fur tous les deux.
Lorfque ces deux chofes ne nous obligent
point à partager les forces, il vaut mieux
les tenir ynigs, & avoir un plus grand
nombre de chaudières dans une même KîyfJ,
Sucrerie. Si un Moulina eau nefuffit pas
pour les entretenir, ce qui eftaflez difficile
à avoir, il eft plus à propos d'avoir un
Moulin à chevaux à côté du premier, fl
le peu d'eau de la riviere, ne permet pas
d'avoir unfecond Moulin à eau, afin que
tout le Sucre fe fafl'e dans une même Sucrerie,
qu'un mêmeRafineurpuiflï tout
conduirei 8c que le Maitre voye d'un
coup d'oeil tout ce qui fe pafiè chez lui.
Outre le manioc 8c les patates qui font
dans les ailées qui feparent les pieces de
Cannes, il hutdeftiner une quantité de
terre au-deflus des Cannes pour ces deux
chofes, 8c pour le mil, les ignames, l'herbe
de coiTe, 8c autres chofes dont on a
befoin. Et ménager autant qu'il eft poffible
les bois qui font debout, fe fou venant
que quelque quantité qu'on en ait,
on en voit toûjours la fin trop tôt.
, A mefure qu'on coupe du bois pour
brûler, fi le terrain fe trouve propre pour
faire une cacoyere, il ne faut pas manquer
d'en profiter. On verra par ce que je me
referveàdireduCacao dans ma derniere
Partie, le profit qu'on peut tirer de cette
marchandife, & avec qu'elle facilité on
la peut faire. Ainfi un Habitant qui auroit
une Habitation comme celle que je
fuppofe ici, peut en augmentant de quinze
ou vingt Efclaves, le nombre de ceux
qu'il a déjà, entretenir cent mille arbres
de Cacao, 8c augmenter fon revenu de
quarante mille francs tous les ans, quand
même nous fuppoferions que cent mille
pieds d'arbres ne produiroient qu'un peu
plus d'une livre de Cacao par an l'un portant
l'autre, 8c que le Cacao ne feroic
vendu que fept ou huit fols la livre. D'ailleurs
ces vingt perfonnes peuvent encore
entretenir toute l'Habitation de farine
de manioc en cultivant la cacoyere.
Si on s'étonne que j'ay laiifé tant de
terrain en favanne, onfe fouviendra que
pour
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pour faire valoir une Habitation telle fruit quîils mangent, 8c fur tout des
que je l'ai fuppofée, il faut au moins goyautes. Les coloquintes y font auffi un
quatre cabroùets, qui demandent cha- dommage très-confiderables, auffi bien
cun huit boeufs, 8c qu'au lieu de fix que beaucoup d'autres mauvaifes herbes,
boeufs de rechange, dont j'ai parlé ci- Se arbrifl'eaux qui couvrent, 8c qui font
devant, il feroit plus à propos d'avoir mourir la bonne herbe, fi on n'a pas foin
un attelage pour chaque cabroiiet, ce de les nettoyer fouvent.
qui feroit quarante-huit boeufs. Outre Un habitant qui veut faire valoir fon
cela on ne fe peut pas pafler d'une ving- bien comme il faut, ne fçauroit aiTez fe
taine de vaches portantes avec leur fuite, mettre dans la tête, qu'il doit tout voir
ibit pour avoir du lait, foit pour remplacer
les boeufs qui meurent, ou qu'on
donne au Boucher : de forte qu'on fe
trouvera avoir cent bêtes à corne qu'il
par lui-même, fans s'en rapporter à fes
Commandeurs ou Economes. Il ne doit Avh
jamais entreprendre beaucoup de travaux auxHadifferens
à la fois; mais il doit les faire . 1, y - - - - - ^ ^ a. ma i » 11 UUJL ICS laiic
faut entretenir toute 1 annee du produit les uns après les autres , être toûjours
journalier de cette favanne. Si on a un au devant de fon travail, c'eft-à-dire
moulin à chevaux, c'eft un nouveau le prévoir long-tems avant qu'il le doive
nombre de bouches à nourrir. Il n'en faire executer} ne l'abandonner point
iaut pas moins de vingt-quatre pour le pour courir à un autre, parce quepenmoulin,
cinq ou fix de rechange, quel- dant ce tems-là, le premier fe gâte, Se
ques cavales 8c leur fuite, 8c on trou- c'eft à recommencer. Ces pertes de tems
vera encore cinquante chevaux qui man- font irréparables, 8c d'une dangereufe
gent plus que cent bêtes à corne, parce confequence. Il ne doit jamais forcer le
que celles-ci ne mangent qu'une partie travail ; il vaut bien mieux fe contenter
du jour, 8c les autres mangent jour 8c d'un travail mediocre 8c modéré, mais
nuit. Il faut encore fonger à entretenir qui foit continuel, quedelepoufleravec
un troupeau de moutons 8c de chevres, vehemence. Se mettre fur les dents les
Jns quoi on dépenfe beaucoup d'argent, efclaves, Se les beftiaux, 8c être oblige
Se on eft fouvent mal fervi : fur quoi ce- de difcontinuer. Une conduite fage &
pendant il faut obferver, que pour con- reguliere, fait trouver à la fin de l'anlerver
les favannes, il ne faut pas fouiFrir née bien des travaux achevez, Se les efque
les moutons y paiiTent, parce que claves Se les beftiaux en état de continuer,
coupant l'herbe comme ils font jufqu'à II doit fur toutes chofes fe fouvenir qu'il
k racine, ils l'empêchent de repouiTer, eft Maître de fes efclaves. Se qu'il eft
Chrétien. Ces deux qualitez lui doivent
infpirerdes fentimens de juftice, d'équit
é , de douceur 8c de modération pour
eux, de forte qu'il n'en exigejamais rien
Scieurs excremens la brûlent. Se la font
mourir. Il faut les faire paître fur les falaifes
au bord de la mer, oij l'herbe qui
y vient étant courte,, feche. Se falée, ^^ .uilc ^u u u cncxigejamaisrien
l^sur eft infiniment meilleure, les engraif- par la force 8c la violence des châtimens,
le mieux, 8c rend leur chair plus déhca- quand, il le peut faire taire par la dout
e , &plus favoureufe, que s'ils écoient ceur.Il doit avoir un foin continuel Se tout
dans la meilleure favanne. Il faut encore particulier, de leur inftruftion 8e de leur
savoir foin de faire farder les favannes, falut,8e enfuite de leur nourriture Se entreii
on veut les conferver, parce que les tien,foit qu'ilsfoient vieux ou jeunes, fains
beftiaux fement par tout les graines des ou malades, en état de fervir ou invalides.
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