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10 NOUVEAUX VOY AGE S AUX I&LES^
fois qu'on leur aiiroit prefenté un verre
d'eau-de-vie.
Un homme de qualité & tort riche
appelié Monfieur Chateau-Dubois y s'étoit
'M.ChattauJyubois
tra-
•va'tUi à
ìa converflon
fies Ciiraiies.
M. Varinghen
ïreVf.
//iijifanes
à
I'ljle S.
VinccnU
établi à la Guadeloupe exprès pour
travailler à leur converfion , & particulièrement
de ceux de la Dominique qui
font nos voilîns j il en entretenoit toûjours
chez lui un bon nombre qu'il inftruifoit
8c faifoit inftruire avec tout le
foin 6c toute la charité p o f lMe j cepen-^
dant il eft mort dans ces pieuîc exercices
fans avoir eu la confolation d'ayoir fait un
bon Chrétien : car quoiqu'il'en ait fait
baptifer plufieurs qu'il avoit gardez chez
lui nombre d'années, qu'il avoit parfaitement
bien inftruits, & fur la foi defquels
il fembloit qu'on pouvoit compter
feurement, ils ne (ê font fouvenus des
obligations de leur Baptême & delà qualité
de Chrétiens qu'autant de temps
qu'ils font demeurez dans fa maifon &
font retournez à leurefpecede Religion,
o a p f e ô t à leur libertinage dts qu'ils ont
remis le pied dans leur file.
Un Ecclefiaftique fort pieux nommé
Monfieur Varinghen , a demeuré pluflfeurs
années à la Dominique, & y a travaillé
auflî inutilement que ceux qui l'ont
précédé. Il a enfin été obligé de fe retirer.
à la Martinique où je l'ai laiiTé en
tyoj. AumônierdeMadame laMarquiie
d'Angennes^-
Il n'y a ^plus que les Peres Jefuites
qui ont une Miffion chez les Càra'ibes
de l'Jiîe Su Vincent. C'eft la pieté du
Roi qui lesy entretient. Il eft à fouhaitter
que les peines qu'ils fedonnent foient
mieuxrecompenfces à l'avenir, qu'elles
ne l'ont été jufqu'à préferît. Ils ont le
fort des autres Miffionnaires , êc n'ont macs à
baptifé que des enfans moribonds. Ondifoit
même quand je fuis parti des Ifles,
qu'ils alloient abandonner S. Vincent,
parce- que les Sauvages ayoient vourlu
maflacrer leurs Miffionnaires.
J'ai dit ci-devant que ces quarante-fept
Caraïbes étoient venus dans deux bâtimens.
Jecroyoisquece fuiTent des piregués.
Je vis étant defcendu au bord de la
mer que je m'étois trompé. L'un des
deux étoit effeétivement une pirogue,
mais l'autre m'était tout-à-fait inconnu.
Ils les avoient tirés à terre fans quoi ilsn'auroient
pas été en feureté contre l'impetuoiîté
des lames qui fontextraordinai-^
res fur cette côte, 6c fur tout à l'endroit
oil ils avoient débarqué. Un de ces deux
bâtimens étoit bien plus grand que l'autre,
& fait d'une toute autre maniere.
J'en demandai le nom, on m'apprit qu'on
l'appelloit Bacaftas. Je les mefurai tous h
deux. LaPirogueavoit vingt-neuf pieds
dé long 8c quatre pieds 6c demi d€ lar- ^•J'
ge dans fon milieu j elle finiiToit en poin- «pw
te par fes deux bouts qui étoient plus #4
élevez que le milieu d'environ quinze à '
vingt pouces. Elle étoit partagée par
neuf planches ou bancs qui paroiflbient
avoir été fendus, . dolez , Si. non pas
fciez. Derriere chaque banc & à environ
huit pouces de diftance, Se plus haut
que le banc il y avoit des bâtons gros
comme le bras, dont les bouts étoient
fichez dans les côtez de laPirogue, ils
fcrvoient à foûtenir les côtez du bâti^
ment, 6c les tenir toiijours dans la même
diftance, 8c encore à appuyer les perfonnes
qui s'afleyent fur ies bancs. Le
haut des bords de la pirogueétoit percé
de plufieurs trous de tarieres garnis de
cordes de maho qui attachoient lébagage
qui y étoit Tefté j car k plus grande
partie étoit à terre fous une voûte delà
falaife où ils avoient tendu leurs hades
pieux plantez en terre 8c
appuyez contre les murs de cette caverne.
'Le Baciifas avoit quarante deux pieds
de long, êc pràs de fept pieds-de large
dans
F R A N C O I S E S DE L'A M E R I CLUE. I I
dans; fon milieu. L'avant étoit élevé&C
pointu à peu près comme^ celui d'une
pirogue i mais l'arriéré étoit plat 8c
coupé en poupe. Il y avoir une tête de
raanaouiet en relief très-mal faite., mais
en échange bien barboiiillée de blanc ,
de noir èc de r oug e , avec un bras d'homme
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boucanné, c'eft-à-direfechéà petit
feu 8c à la fumé e , qui étoit attaché à côté
du marmoufet. Ils me l'offrirent fort
civilement en me difant que c'étoit le
bras d'un Anglois qu'ils avoient tué depuis
peu en une defcente qu'ils avoient
faite à laBarboude, où ils avoient maffacré
fix perfonnes Sc enlevé-une femme
8c deux enfans. Je les remerciai encore
plus civilement du prefent qu'ils me vouloient
faire, 8c je leur offris beaucoup
d'cau-de-vie 8c de traite, c'eft-à-dire de
marchandife, s'ils vouloient amener leurs
trois prifonniers; ils mele promirent ôc
Toublierent auffi-tôt. J'ai fçû depuis
qu'une de nos barques paffant à la Dominique
les avoit racheptez moyennant
quatre barils d'eau-de-vie 8cunfufil, &
les avoit apportez à la Martinique d'où
on les avoit reportez chez eux à laBarboude.
Ce n'eft gueres leur coûtume de faire
du mal à leurs prifonniers , quand ils
les ont une fois chez eux, fur tout aux
femmes 8c aux enfans. Ils les traitent
fort doucement,. 8c les regardent bientôt
comme de leur Nation -, mais leur
premiere fureur eft à craindre.
Le bacaffas avoit des bancs comme la
pirogue. Ils étoient tous deux de bois
d'acajou. C'eft une efpece de cedre dont
je parlerai dans un autre lieu. Ils étoieat
tout d'une pièce, travaillez fort proprement
Se fort uniment. Les bords du bacalTas
avoient un évuage , c'eft-à-dire
une augmentation ou exaucement faitavec
des planches dolées de même bois;,
d'environ quinzepoucesde haut, ce qui
augmentoit confiderablempnt la graii- 169A.
deur de ce bâtiment. Ni l'un ni l'autre
n'avoient de gouvernail- Le Caraïbe
qui gouverne eft affis ou debout à
l'arriéré du bâtiment, 8c gouverne avec
une pagalle qui eft d'un bon tiers plus
grande que celles dont on fefert pour nager
; car on ne dit point aux Ifles voguer
ou ramer, mais Amplement nager quand
on fe fert de la pagalle, qui eft bien
plus ordinaire que les avirons.
L a pagalle eft faite comme une pelle
de four; elle eft longue de cinq à
fix pieds, le manche qui eft rond occupe
les deux tiers ou les trois quarts
de cette longueur, 8c la pelle le reftej
elle eft large d'environ huit pouces fur
un pouce 8c demi d'épaiffeur dans fon
milieu, diminuantjufqu'à fix lignes dans
les bords. Les Caraïbes enabelliffent pa^alU
leurs pagalles de deux rainures ou nervû- f^ft"^^
res qui partent du manche dont elles fembleiit
marquer la continuation jufqu'à
l'extrémité de la pelle, qu'ils échancrent
en maniéré de croiffant. Ils mettent affei
fouvent au bout du manche une petite
traverfe de cinq à fix pouces de long en
maniéré de bequille, où ils appuyent la
paume de la main en nageant.
On ne fe fert pas des pagalles comme
des rames ou des avirons. .Ceux-ci
font foûtenus 8c attachez au bord du
bâtiment dans lequel ceux qui rament
regardent l'arriéré ou la poupe j au lieu
que dans les pirogues, canots ou bacaffas
, ceux qui nagent avec des pagalles Manhrt
étant aflis regardent l'avant ou la proiie defejerdu
bâtiment. Ceux qui font à la droite
ouàftribord empoignent le manche de^"^"
la pagalle environ à un pied au deiHis
de la pelle avec la main droite, 6c mettent
la paume de la main gauche fur le
bout du manche. En cette fituationils
ployent le corps en avant en plongeant
la pagalle dans l'eau, 8c la tirant en
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