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ro5 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLlS
i6ijC. t é du terrein où elle eft plantée. Elle
Igname
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fruit de
terre.
demande un bonne terie, forte, graflê
& profonde. Sa peau eft aflfez épaiiTe,
rude, inégale , couverte de beaucoup
de chevelure, d'un violet tirant fur
le noir. Le dedans eft de la confiftanee
des beteraves, foit qu'elle foit cuite ou
qu'elle foit crue} elle eft d'un blancfale,
6c quelquefois tirant tant foit peu
fur la couleur de chair. Ce fruit eft vifqueux
avant d'être cuit. 11 fe cuit aifément,
il eft léger ^ de facile digeftion,
Se ne laiiîe pas d'être fort noUrriflant.
On le mange cuit avec la viande, &
pour lors i\ fat de pain Sc de caflave.
On le fait cuire feul dans l'eau, ou fous
k braife , Ôc on le mange avec la .pimentade,
c'eft-à-dire^ le jus de citron,
le piment éci'afé & le fel. La. tige qui
le produit eft quarrée de trois à quatre
lignes de face; elle rampe fur la terre,
pouiTe des filamens qui prennent racine
; quand elle trouve des arbres ou des
buiirons,elle s'y attache, monte & couvre
en peu de tems tous les endroits ou
elle peut penetrer. Ses feuilles viennent
deux à deux attachées à de petits pédicules
qmrrez un peu crochus i elles
font en forme de coeur avec une petite
pointe, d'un verd-brun, aiïèz épaiflès,
graiTes Se bien nourries. La tige poufle
quelques épis couverts de petites fleurs
en forme de cloches , dont le piftis fe
change en unepetrtefilique qui eft remplie
de petites graines noires. Je n'ai
_ amais entendu 'dire qu'o-n en- ait feméj
a plante vient beaucoup mieux de bouture
& plus vite, fi on a laiiTe faire elle
couvrira bien-tôt tout un jardin} il fuffin
d'en avoir planté une fois dans un endroit
pour y en trouver toujours. On fô
fert de la tête du fruit avec une partie
delà tige qui y eft attachée pour en prodiguer
l'efpecej on la coupe en quatre,.
& l'on met les morceaux en terre éloigne?;
de trois à quatre pieds les tins des
autres. Ils prennent aifément, & éti
moins de cinq rnôis ils portent du fruit
meur & bon à manger. On connoît aux
feuilles que le fruit a toute la grôifeur
& la maturité qu'il doit avoir, parce que
pour lors elles fe flétriflettt. Lorfque
le fruit eft tiré de terre, on le laifTe un
peu au foleil pour fe reiÎuyér, après quoi
on le met dans un lieu fee ou dans des
tonneaux, & il peut fe conferverdes années
entieresfans fe gâter 6c rien perdre
de iâ bonté.
La patate eft une efpece de pomme
de terre, qui approche aQez de ce qu'on
appelle en France des taupinambours :
les Efpagno-ls 6c les Portugais l'appellent
Batata. Je ne fçai fi elle elt originaire de mu,
l'Amerique , ou fi on l'y a apportée :
ce qui me feroit croire qu'elle y eft na-^^"""
turelle,c'eft le grand ufage que tous les '
Indiens tant de la Terre-ferme que des
Ifles, en font. Ufage, qui felon moi n'eft
pas une foiblè conjefture j car ces Peuples
font fort jaloux de leurs anciaines
maniérés de fe nourrir 6c excepté le
vin 6c l'eau-de-vie, nous ne voyons point
qu'ils ayent du penchant, ni pour nos
fruits ni pour nos autres vivres venant
d'Europe, ou accommodez à la maniéré
d'Europe. On trouve des patates dansl'i^
fie 8c en Afrique} elles viennent trèsbien
en Irlande 6c en Angleterre,6c j'en
ai vû croître 8c venir en parfaite maturité
à la Rochelle.
11 y en a de plufieurs efpeces, que l'on pm
)eut réduire à trois principales, fçavoir ¿f»
es blanches, les rouges 6c les jaunes. '^f""'
Elles fe plantent de bouture en cou- nià
pant en morceaux la tige qu'elles ont n^'}
wiiiTéerOa le fruit même, 6cmettant'""'
'Uii ou Fautre en terre & l'en Couvrant
environ de trois ou quatre pouces. Il y
a des patates qu'on a^ppelle patates de fiH
feiïiaiflesj parce qu'on- prétend qu'elles
croif^-
F R A N C O l S E S D E V A M E R I QJJ t , 107
0. eroiflèpi k jn^wriasftt dans cet efpace te la fuyface de la terre. Il pouiTe de
' de tems. Je ne fçai ü dans ks fîecles
paflez çeîa étoit vrai s pour dans; celuici
, il leur faut plifS iie deuî? nM?is.
C'eft toujouïs quelque éhpfa, car il
faut au nK)ins quatre mois à toutes les
autres. Telles qu'elles foient elles veulent
une terre legere 6c fablonneufej
elles demandent de la pluye quand on
les plante, & puis de la chaleur 6c un
tems ieç jufqu'à ce qu'on les leve, ou
pour parler le langage des Mes, jufqu'à
ce qu'on les fouille} car eiFeétivement
il faut fouiller la terre avec la houë
pour les trouver. La chair de ces trois
efpeces eft bonne. On eftime cependant
les jaunes plus que les autres. C'eft une
Bourriture legere, de facile digeftion,
qui ne laiiTe pas d'être fort fubftantielle,
6c qui feroit admirable en toute maniéré,
fi elle n'etoit pas un peu venteufe.
C'eft le pain ordinaire 6ç prefque la
feule chofe que l'on donne aux Negres
à Saint Domingue 6c dans les Ifles Angloifes.
A l'heure du dîner le Commandeur
les conduit à la piece des patates,
6c leur en laifle fouiller à chacun fa provifion
pour toute la journée. En même
tems on coupe en pieces le bois ou la
tige des patates, que l'on remet en terre
au lieu du fruit que l'on a tiréj par ce
moyen on eft für d'en trouver toujours,
outre que celles qu'on laifle par mégardeou
qu'on néglige, parce qu'elles font
trop petites, ne manquent jamais de
pouffer £c de multiplier à merveille.
La feuille des patates eft un peu plus
grande qu'un écu,elle approche de la figure
d'un coeur avec deux petites échancrures}
elle eft mince, d'un beau verd,
fort tendre, douce au goût 6c au toucher.
Sa tige ou fon bois eft d'un verdpâle,
plein de fuc, tendre, flexible} il
court ôc poufle quantité de réjettons 6c
de branches qui couvrent bien vîte touetites
fleurs comme des violettes dou*
les,, mais qui foot jaunes, à côtédefquelles
miflènt quantité de petits filamens
tortillez qui prennent racine dès!
qu'ils touchent la terre 6c produifent du
fAiit.
J'ai vû des patiite$ qui pefoient jufqu'à
cinq livres} mais cela n'eft pas ordinaire,
6c me porte à croire que mon
Confrere le Pere du Terre s'eft trompé,
quandil a dit d'en avoir vû qui pefoient,
plus de vingt livres, 6c que c'étoit une
chofe aiTez ordinaire} peut-être que c'eft
une faute d'impreflion qu'on a oublié de
corriger. Communément les patates
ont depuis deux jufqu'à cinq pouces de
diametre. Leur figure eft très-irréguliere}
on en voit de rondes, d'ovales
6c d'autres façons. Leur peau eft mince,
unie, fans chevelure ou filamens.
Les rouges ont la peau 6c le dedans de
couleur de chair ; les blanches 6c Icsjaunés
ont la peaugrife, 6c le dedans blanc
ou jaune.
Les feuilles 6f le bois ne font pas inutiles
après qu'ils font arrachez} on les donne
aux chevaux 6c aux boeuf s , ôc fur tout
aux cochons} cette nourriture les engraifle
extrêmement, ôc rend leur çhair
Ôc leur lard fort fermes.
Les patates font une bonne partie de Maniela
nourriture des petits habitans j on les "e de k
fait cuire dans un chaudron avec du fel
Ôc un peu d'eau, ôc on les couvre bien
avec leurs feuilles. Lorfqu'elles font
hors du feu', on couvre le chaudron arec
une groiTe toile afin de reflerrer la
fumée en dedans, 6c qu'elles achèvent
de mitonner} cependant on fait une pimentade
avec le jus de citron, le fel ôc
le piment écrafé. On tire les patates du
chaudron, on ôte la peau, qui quitte
la chair pour peu qu'on la prefle, ôc on
les mange en les trempant dans lapimentade.
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