Terres
profres à
blanchir
U Sucre.
¿98 NOUVEAUX VOY
les fonds, à quoi un Rafineur ne peut
apporter trop de foin.
On laiiTe es formes expofées à l'air
-durant trois ou quatre jours. Avant que
de les couvrir de terre, afin que'leur kiperficie
fe feche 6c s'affermiiTe un peu. On
employe d'ordinaire fept ou huit formes
de Sucre, Se qLielquefoisjufqu'à dix,pour
faire les fonds de centformes.
. Huit ou dix jours avant qu'on ait befoin
de la terre pour cou vrir le Sucre, il
faut la mettre trempcr.La meilleure, dont
on fe puiiTe fervir pour cet ufage, vient de
R o i i e n j elle eft prefque blanche, fine,
déliée, douce, fans mélange de pierre,
ni de fable j elle eft aílez graflê pour fe tenir
en pelottes unpeuplusgrollèsque des
balles dejeu de Paume. C'eft ainfi qu'on
la porte aux Mes, où je l'ai vû vendre
vingt-cinq Sctrepte Ecus la barrique. Il
ieft vrai que c'étoit dansuntemsde Guerr
e , oiilesrifquesétoient grands, le fret
f o r t c h e r , £clesaiTûrancesconfiderables. ,
Dans ui>tems de Paix on la peut avoir
•pour dix Ecus. C'eft un prix raifonnable,
pourvûqu'elle foit veritable: car quelques
Marchands établis à Nantes, îelon
leur bonne & louable coutume, n'ont
pas manqué de falfifier cette marchandife,
ëc d'apporter une certaine terre mêlée de
craye, qu'ils faifoient paifer pour terre de
Rouen. 11 eft difficile de connoître cette
tromperie quedansl 'ufage; mais comme
Mo'jen la 'neceffité eft la mere de l'invention ,
CZm- moyens que je trouvai pour artreiaue
rivcr àcei t e connoiil'ance, fans attendre
mable que Cette terre eût tl'availié, & que par
Çonfequent il ne fût plus tems de la rendre
au Marchand. Je pris un morceau de
terre de Nantes, & un de terre deRoiien,
queje pefai exaârement j je les mis tremper
dans l'eau dans deux difFerens vaiffcaux,
après qu'ils furent biendilayezSc
repofez, je verfai l'eau par inclination
avec toute la précaution poiîible. Je les
A G E S AUX ISLES
laiflaifecher, 6c je remarquai deux cho- i^pii
fes dans la terre de Nantes, que je ne
trouvai point dans celle de Roi ien: la
premiere, qu'elle n'étoit plus fi blanche,
parce que la craye qui y étoit mélée,
s'étoit diiToute & diffipée dans l'eau, 6c la
terre étoit retournée à fi couleur naturelle.
La fécondé, qu'elle étoit beaucoup
plus legere que quand je Pavois mis tremper.
C'eft ce queje ne trouvai point dans
la terre de R o u e n , quiavoit confervéentierement
fa couleur, 6ifon poids prefc^ue
tout entier.
On ne laifTe pas cependant de fe fervir
de cette terre de Nantes , 6c d'une autre
à peu près femblable qu'on apporte de
Bourdeaux, quoiqu'elles ne foientpasfî
bonnes que celle de Roi ien, ôc qu'elles
durentbeaucoup moins. Au refte toute la
bonté de later redeRoi ien, 6cdes autres, Em^uoi
dont on peut fe fervir pour couvrir le Su- confip
cre, confifte en trois chofes. La premiere,
de ne pas teindre l'eau qu'elles renferment^ ^Tont
la fécondé, de la laiiTer filtrer d'une ma- cncouniere
douce 6c infenfible ; 6c la troifiéme,
de ne pas s'imbiber de la grailTe du Sucre,
qui ne manque jamais de s'y attacher, mais
de la laiflèr diffiper à l'air, oit l'on afoin
de l'expofer après qu'on l'a-levée dedeffus
le Sucre.
On voit allez que les terres colorées 8c
qui colorent les liqueurs, dans lefquelles
on les détrempe, ne font pas propres à
cet u fage, parce que Peau qui en fortiroit,.
paflant au travers des pores du Sucre, lui
imprimeroient la couleur, dont elle feroit
chargée.
On voit auiTi que les terres grafles 6c
fortes qui ne rendent point l'eau, ou qui
la repouffent vers leur fuperficie, oii l'air
6c la chaleur la diffipent 6c la font évaporer
, n'y font pas p us propres,non plus
que celles qui étant fablonneufes laiflènt
tomber en un moment toute l'eau dont
on les a imbibées, qui paife au travers de
leurs
1606.
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. ¿9 9
leurs porcs, comme dans un crible, fans ve de l'emplir d'eau. Au bout de vingt- t^s«^.
s'y arrêter : 6c enfin que les terres mai- quatre heures on en tire, Ôc on jette l'eau
gres qui s'imbibent facilement de grailFe qui fumage , 6c on met en pieces les mor-
& qui l'incorporent dans leurs porcs, ne ceaux de terre pour les aider à fe diiîbufont
pas les meilleures, dont on puiflè fe dre, après quoi on remplit le bac denoufervir,
parlaraifon qu'elles durent peu, velle eau,que l'on change toutes les vinet-
&quec'eft une dépenfequ'il faut recom- quatrehcures, remuant 6c dilayant bien
mencer trop fou v e n t , quand d'ailleurs la terre chaque fois, jufqu'à ce qu'on voyc
elles auroient les deux premieres qualitez que l'eau qui eft fur la terre, demeure
que j'ai remarquées dans la terre de
Roiien.
Terre de Nousavons dans nôtre Habitation de
laGua- la Guadeloupe une terre grife, qui ne
dthuj>e. colore point l'eau, qui la laiife filtrer à
Preparation
de ta
terre.
nette 6c claire, 6c ne foit plus verdâtre,
comme elle étoit au commencement
qu'on a rais détremper la terre.
Lorfque les fonds des formes font en
1 - r ' ' 7 " état de recevoir la terre, onôteavecun
l o i h r , &quiparconfequentefttres-bon- coûy, qui eft un morceau de calebaiTe la
ne pour leSucre, 6c nous épargne la dé- plus grande partie de Peau qui furnat^e
penfe d'en acheter de celle deRoiien;mais n'y en laiflant deiTus que trois ou quatre
• elles'engraiife facilement, 6c il eftdiifi- doigts. On remue bien toutcequi reftc
cile de s'en fervir plus de trois fois. Nous dans le bacaveclapagalJe, 6c on le paiTe
nous en confolons facilement, parce que dans un petit canot qu'on met auprès du
nous en pouvons prendre tant que nous bac, au travers d'une paiToire, c'eft-àdivoulons,
fans qu'il nous en coûte autre re, d'une grande chaudierede cuivre perchofe
que la peine de la faire fouiller, cée de trous d'une ligne ou environ de
Nous nous en fervons avec fuccès , 6c diametre. La raifon qui oblige de paflêr
en laiiTons prendre a tous ceux qui en ont ainfi la terre trempée, eft poul- en feparer
les parties qui ne fet rouveroient pas bien
L a terre dont on doit couvnr le Suc r e , diflbutes; 6c pour en ôter les pierres 6c les
doit avoir trempé huit ou dix jours avant ordures quipourroients'y rencontrer à
que d'y être employée.que d'y être employée Il faut choifir ' • - ^ • ' '
pour cela de l'eau douce, la plus claire 6c
la plus nette. On fefert d'un bac, ou d'une
cuve de maçonnerie,de neufà dix pieds
de long fur trois pieds ou environ de large.
Qi-iand on n'a pascette commodité,
ou qu'on neveut pas faire cette dépenfe,
on fe feit d'un canot de bois. De quelque
mefure qu'on la paife, on la porte dans
des bailles à la Purgerie. Le Rafineur M.^iere
tient a la main une pent e cueïllier de cui- A /«mv
r e , contenant environ une pinte de Paris,
qui eft entourée d'un petit cercle de
fer plat , qui fe termine en douille, pour
foûtenir un manche de bois de trois à
quatre pieds de long. Il pui fe avec fa cueïlvaiHeauqu
on le ferve, de bois, ou de ma- lier dans les bai lies, 6c remplit les formes
çPoonnnnïe^rriief ,_ iill rdl^oMitr ¿êmtr-e^ Aà /c^yo^uuTvTe^r.-vt rf ous un • ï . __ i i t ^ ^ ^
t o i t , parce que fi le Soleil donne fur la
jufqu'au bord. La confiftence que doit
avoir la terre, efttelle, que faifant une
terre pendant qu'elle eft à tremper, il é- trace deiTus de la profondeur d'undemi
cchhaauuffttee l''meamu,. ffaaiirt ffrenrnmpnefnptie-rl olar ,t.,e-r,r.«e .«6c^ Ula J..:^- ^ 3 • .. "
faitaigrir, cequilarend inutile à l'ufage
auquel on la doit employer.
La terre étant dans le canot , 6c n'en
rempliilant au plus quela moitié, on achedoigt,
cette trace ne doit fe remplir que
peu à p e u , 6c à peu près comme la bouillie
qui eft prête à être cuite.' Sa bonté intrinfeque,
6c fa bonne préparation fe reconnoiflent,
lors qu'étant mife fur les
i fonds
iil
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