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9 ^ N O U V E A U X VOYAGE S AUX ISLES
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ii)y4. leparoîtraplus fine 6c plus blanche que
celle qui cft demeurée entiere, ce qui ne
provient que de ce que le grain de l'un
a é t é partagé Scdivifé en un plus grand
nombre de parties, qui quoique très
petites & prefque iniênfib es, ne laifîent
pas d'avoir une plus grande quantité
de fuperficies, 6c de réfléchir par
conféquent plus de kimiere ; au lieu que
l'autre étant demeurée entiere, ne prefentant
qu'un grain gros Se de peu de
lliperfîcie , réfléchit par conféquent
moins de luraiere, & par une fuite necefTaire
doit paroître moins blanc -, ce
qui eil la même chofe que de paroître
moins beau, puifque c'eft dans la blancheur
que confifte la beauté du fucre.
O n peut, ce me femble, faire le même
raifonnement de l'indigo, & dire,
que toutes chofes égales, celui des Indes
Occidentales elt auffi beau que celui
des Orientales, quand ilsfont tous deux
également bien travaillez.
J e croi devoir ajoûrer que celui de
l'Amerique eft meilleur dans l'ufage que
l'autre; car qui ne voit qu'on ne peut
3iler cette teinture, fans que les parties
es plus fubtiles ne fe diffipcnt en l'air,
comme M. Tavernier en convient; &
qui peut douter que ces parties ne foient
k s meilleures & celles qui foifonnent
le plus quand on les met en oeuvre.
J e conviens que l'indigo qui vient
des Indes Orientales eft plus cher que
celui quife fabrique aux Occidentales;
laraifon en eft évidence, il vient de plus
loin, les rifquGs font plus grands, 6c
ecuxqui l'apportent ne trouveroientpas
leur compte à le donner au même prix
que celui qui vieiit de beaucoup plus
près, mais cela ne prouve point du tour
qu'il foie plusbeau.& meilleur.
Vrévi»^ En voila aifez fur cet article; founon
des vent la prévention augmente le prix des
Fraftcoa ei^ofcs,- & il ci l trèi difficile d'en faire
revenir les hommes, fur tout quand ils
s'y font afllijettis par un long ufage , &
les François plus que tous les autres. Il
me femble que je dois faire fur cela un
reproche à ma Nation, & l'occafion
s'en prefente trop naturellement pour
la laiifer échaper. Rien n'eftfi ordinaire
parmi nous, que de courir après les
marchandifes & les Manufactures étrangeres;
il femble à voir nos empreffemens
pour ce qui croît ou fe fait chez
nos voilîns, que nôtre pays eft fterile,
6c nos ouvriers ignorans & parefleux ;
il n'y a cependant rien de plus oppofé
à la vérité , les Etrangers nous rendent
plus dejuf t iceque nous ne nous en rendons
nous-mêmes; 6c malgré leur jaloufie
6c leur envie, ils confeiTent que
les François pouffent leur JVTanufaélures
à un point de perfeétion, où ceux
qui en ont été les inventeurs ne peuvent
arriver. Par exemple, les Vénitiens ne
peuvent pas faire des glaces de la grandeur,
de la netteté 6c du poli qu'on les
fait en France. Usent beau vanter leur
ecarlatte, toutes chofes égales, il
faut que la leur cede à celle des Gobelins.
Tout le monde fçaitla prodigieufe
quantité de draps que les Anglois 6c
les Holiandois en event des Manufactures
de Languedoc ; mais tout le monde
ne fçait pas que ces mêmes draps deviennent
draps d'Angleterre 6c d'Hollande,
dès qu'ils font entre les mains
de ces habiles Commerçans , qui ne leur
font pourtant autre chofe que de les
envelopper dans des toilettes peintes
des armes de leur Nation avec pluficurs
marques de plomb; ôc ce font-là. les
draps d'Hollande 6c d'Angleterre qu'il»-
portent, 6c qu'ils vendent par toute la
terre. Je poui ois faire une longue enumeration
de quantité ^i'autres chofes,
comme de la g ravure, l'orfevrerie, l'horlogerie,
l'Imprimerie, les draps d'or6c
de
F R A N C O I S E S D
de foye, les toiles, les dentelles de fil,
d'or 8c d'argent , les chapeaux, 6c bien
d'autres chofes, où nous furpaifons infiniment
nos voifins 6c les autres étrangers;
mais cela me raeneroit trop loin,
& m'éloigneroit de mon fujet . U n e chofe
qui eft très-loiiable chez les Etrangers,
6c en quoi ils nous furpaifent,
c'eft dans le foin qu'ils ont de prôner la
beauté 6c la bonté de leurs Manufadures,
6c de fe fervir de ce que leur terrein
produit préférablement à ce qui
croît chez leurs voifins. C'eft en cela
que nous devrions les imiter, 6c fintout
dans les Manuf a f tur es des liles que
nous devrions employer & faire valoir
préférablement à toutes les autres, 6c
en les perfeétionnant chacun de fon côt
é ; c'eft-à-dire, que les habitans des
liles doivent mettre tout en ufage pour
faire d'auiïï belles marchandiies que
celles qui fe fabriquent autre part ; 6c
ceux qui les employent en France, ne
doivent rien négliger pour réuffir dans
leurs ouvrages auifi parfaitement avec
les Manufaélures des Ifles, que s'ils fe
fervoient de ce qui leur eft apporté de
chez les étrangers. Je reviens à prefent
à mon fujet que cette digreflîon m'a
fait quitter.
L'indigo eft Gompofé du fel 6c de la
fubftance des feuilles, 6c de l'écorce
„^ d'une plante qui porte le même «om ;
l'indiiQ de forte qu'on peut dire que c'eft la difiirfr'tt.
folutionou digeftion de la plante, caufée
)ar lafermentacion qu'elle a excitée dans
, 'eau où on l'a mis tremper. Je fçai que
quelques Ecrivains prétendent que la
fubftance de la-feuille ne produit pas l'Indigo,
qui n'eft Iclon eux, qu'une teinture
ou couleur viiqueufe, que la fermentation
de la plante répand dans l'eau; mais
avant de les en croire fur leur parole, je
voudrois qu'ils m'apprilTent ce que devient
la fubftance de la plante ; car quand
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E L'AMERIQ^UE. iP?
on la retire de la trempoire, il eft certain 1694-
qu'elle n'a plus ni le même poids, nî
la même confiftence, ni la même couleur
qu'elle avoit auparavant. Les feuilles
qui étoient bien nouries 6c bien pleines
de fuc, font legeres, molafles, défechées,
6c reflemblent plus à du fumier
qu'à toute autre chofe, 6c c'eft ce qui
fait qu'on donne aifez communément à
la trempoire le nom de pourriture. Si
donc on ne trouve plus dans les feuilles
6c dans tout le refte de la plante la même
fubftance qu'on y remarquoit avant
de la mettre tremper, n'eft-il p.as plus
naturel de croire que c'fift cette même
fubftance, ces mêmes fels, quis'étanc
féparez de leurs envelopes, 6cs'étant répandus
dans l'eau, l'ont épaiffie, 6c ont
formé parleur union ou coagulation,
cette mafle de couleur bleuë a laquelle
on adonné l enomd' Indigo , fi utile dans
la peinture 6c dans la teinture.
L ' I n d i g o eft une plante qui croîtroit riefcri/,-
jufqu'à deux pieds de hauteur, 6c peut- tionde
être même davantage, fi on ne la coupoit
pas. Dès qu'elle fort de terre elle
fe divifeenplufieurs petites tiges noùeufes,
6c garnies de beaucoup de petites
branches comme des fcions , qui ont
chacune quatre ou cinq 6c jufqu' à dix
couples de feuilles terminées par une
feule qui fut l'extremité. Ces feuilles
font ovales, tatitfoit peu pointues, affez
unies 6c fortes, d'un verd brun par
defiùs, plus pâles 6c comme argentées
par defibus, elles font charnues 6c douces
au toucher. Les branches fe chargent
de petites fleurs vougeâtres, de la
figure à peu près de celles du geneft,
mais plus pet i tes, aufquelles fuccedent
des filiques d'environ un pouce de longueur
6cdepcu degroifeur, qui renferment
des graines ou femences approchantes
pour la groifeur £c la confiftencede cel.
les des raves, d'une couleur rouge brune.
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