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1696,
316 NOUVEAUX V O Y A G E S AUX ISLES
couvert, afin que l'air ne le refroidiiîe
point, 6c onleverfe dans les formes qui
font préparées, pour le recevoir ; après
quoi on continue à chauffer vivement l'étuve.
Le Sucre s'attache alors par gru-
• meaux aux petits bâtons dont la forme eft
traverfée, & fi amoncelle comme de petits
éclats de criftal. Lorfqu'il eft tout-àfkit
fee, on caflè les formes pour tirer ce
qu'elles contiennent.
Nous ne faifons de ce Sucre aux liles
que pour l'ufage des maifons, ou pour
faire des prefens. Lorfqu'onlui veut donner
la couleur rouge, on jette dans la
baffine un peu de jus de pommes de raquettes
, & fi on veut lui donner quelque
odeur, onlarépand eneflence, enmettaat
le Sucre dans la forme.
Tout le Sucre qui n'eft pas en pain s'appelle
caiTonade. O n appelle caflbnade grii
è , le beau Sucre bi'ut, bien fee & bien
fechéj &caffonade blanche le Sucre terré,
pilé, 6c mis en barriques. Le nom de
caiTonade vient du mot Efpagnol Cafa,
qui veut dire caiife, ou coffie , parce
qu'avant qu'oa fît du Sucre aux IlTes ,
stimok-tout celui quivenoiten France du Bj'epe
du fil, ou de la Nouve l le Efpagne, étoit dans-
Z2nld, (iescailTes, d'oùlenom deSucreeneaiiTé
" %ude caflbnade lui eft venii, qui eft demeuré
au Sucrequel'on fabrique auxifles
quoiqu'on ne fe iervepas decaiiTes, mais
de barriques pour le mettre & l'envoyer
en Europe.
PRODUir nUN^E SUCRERIE.
Pour ce qui eft de la quantité de Sucre
iju'on peut faire par femaine dans une Sucrerie
,. il faut avoir égard à la qualité du
terrain, des Cannes,, de la faifon, &de
l'attirail de la Sucrerie où l'on le travaille.
Il eft certain qu.'unMouliaàeau expédié
beaucoupplus qu'un.Moulin aCheifaux
J.&. qu'une Sacrerie quia:dnq;oufîx:
chaudieres, fait bien plus de Sucre, qtf- kîçiî.
une qui n'en a que quatre. Il eft encore
certain que le terrain qui a fervi, & fur flà'jK^
tout aux bafles terrçs où il eft toûjours qu'il
plus fee & plus ufé, qu'aux cabefterres,
produit des Cannes plus fucrées, plus aifées
à cuire, £c qui rendent bien davanta- ger du
g e qu'aux cabefterres, où les Can.nes, ge- frodah
neralement parlant, font toiâjours plus
aqueufes, plus dures, moins fucrées.
Lalâifon y contribue encore beaucoup.-
Plus elle eft feche, 6c plus les Cannes ont
de fubftance épurée, & prête à fe convertir
en Sucre} 6c quand elles fe trouvent
en leur maturité y elles rendent beaucoup
plus, que quand elles n'y font pas encore
arrivées.Toutes ces circonftancesfont desdifferences
fi confiderables, que j'ai vû
quelquefois tirer cinq formes d'une batterie,
6c fix femainesaprès, avoir peine
à en tirer deux ; tant il eft vrai, que les
circonftances cideflùs mentionnées appor-^
tent un grand changement dans fa fabrique,
6c dans la réiiffite des Sucres, 6c
qu'on ne peut pas juger parce qu'on voit
arriver un jour , une femaine, 6c mêmeun
mois dans une Sucrerie, decequi-s'y^
doit faire dans le cours d'une année.
On peut cependant, en faifant unejuftecompenfation
des tems 6c des Cannes ^
approcher d'une quantité de Sucre, fur
laquelle on peut compter avec quelque
forte d'aflùrance. Ainfi dans la fuppofition
que je ferai d'un Moulin à eau-, Sc
d'une Sucrerie montée de fix chaudieres,-
l'un 6c l'autre fournis d'un nombre de-
Nègres fuffifant pour les faire travailler
pendant huit mois, c'eft-à-dire, depuis
le mois de Décembre jufqu'à la fin de
Juillet j je dis qu'on peut compter fur
deux cent formes par femaine, l'une portant
l'autre, fans compter le Sucres defirop
6c d'écumes qu'on fait dans le même
tems fans arrêter le travail courant de la-
Sucrerie y. lorfqu'on a.uneou- deux-chaadierea.
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ_UE. 51 7
'i6(/). dieres montées pour cet effet dans la Su- Eaux-de-Vie , de forte que voila près
[Sup/fofi- ci-erie,oudanslaPurgerie. Si au lieu de de quarante cinq livres tournois.
'iiondif Sucreblanc, on travaille enSucre brut, Je n'ay mis ici le prix de ces Sucres,
T Z f vingt-trois à yingt-qua- 6c la quantité qu'on en peut faire, que
sucrerie barriques par femaine, qui étant éva- dans un état très-mediocre, ôc comme
luées à cinq cent cinquante hvres pefant j'ai déjaremarqué.l'augmentation du prix
l'une portant l'autre, font la quantité de du Sucre dans un tems de Paix furpafle
treize mille deux cent livres, fans com- de beaucoup ce qu'on y perd dans un tems
pter le Sucre de firop, de Guerre, puifque dans les années i (ipp^
O r fi on fuppole trente femaines de 1700, 1701,6c 1701. le Sucre blanc s'eft
travail à deux cent formes par femaine, vendu depuis trente-fix jufqu'à quarantecefont
fix mille formes, qui étant éva- quatre livres le c ent , le Sucre brut douze
luées à vingt-cinq livres pefant l'une por- 6c le Sucre paffé dix-huit. D'où ileftaifé
tant l'autre, qui eft le moins qu'elles puif- d'inferer le revenuprodigieux q ient pefer, el'es produiront cent cinq'uan u'uneSute
mille livres de Sucre, qui étant vendu
à zi . l iv. l a f. lecent , font trente trois
mille fept cent cinquante francs. Il faut
cnfuite compter le Sucre de firop fin provenant
de fix mille formes, qui doit être
de fix cent formes, àraifon de dix formes
par cent; mais comme ce Sucre eft beaucoup
plus leger, que celui de Cannes, 6c
qu'il diminué davantage fous la terre, je
ne compterai les formes qu'à raifon de
dix-huit livres pefant chacune, qui font
encore huit mille quatre cent livres dç
Sucre, qui étant vendu au même prix,,
feront lafomme dedix-huit centquatrecrerie
produifoit dans ce tems-là. M.
Houel de Varennes à tiré de fon Habitation
delà Guadeloupe, où il n'y avoit
qu'un Moulin à eau, 6c fept chaudieres
montées plus de trente mille Ecus chacune
de ces trois dernieres années. Cette habitation
ne pouvoit va-l-oir que trois cent
cii;^uante à quatre cent mille francs.
C'étoitdonc près de vingt-cinq pour cent
qu'elle produifoit. Qu'on examine toutes
les terres qui font en Europe, pour voir
fi on en trouvera qui en approchent. On
fe trouve heureux lorfqu'une terre rend
cinq ouf ix pour cent ; au lieu qije celles-
, . - des Mes rendent au moins quinze pour
ymgt-dixh-ancs. A quoi fi on ajoute mil- cent, 6c peuvent aller à vingt-cinq, comle
formes de gros firop, 6c quatre cent me l'exemple ci-deflbs le l i t voir
formes de Sucre d'écumesqui peferonc il eft bon de fçavoir à prefent la auan
au moms trente-cinq livres piece après, tité deformes, ou de barriques de Sucr¡
qu ellesauront ete purgees on aura prés de qu'on peut tirer d'une piece de Cannes d î
cinquante mille livres de Sucre de cette
efpece, qu'on pourra repaffer avec du Sucre
de Cannes en trois ou quatre femaines,
6c faire de cette façon plus de quatrevingt
mille liv. de Sucre b r u t q u i à raicent
pas enquarré. Plufieursexpeiiences'
que j'ai faites, 6c réïtirées aux baiîès terrer
de la Martinique 6c de la Guadeloupe ,
m'ont affuré que quand les Cannes font
r r r j- r 1 , ' ' ^ pnfes dans la belle faifon, qu'elles font
fon de fept livre, dix fob k cent, font dans toute leur maturité, & qu'elles ont
encoi-e fix mille francs. Cette fomme été bien entretenues, cent pas en o u a r S p ^ v
pH«e a.ix deux autres ci-deiTu. fait cel- rendent cent cinquante formes iuenv ! S "
le de quarante-un-mille fix cent quarante ron, c'eft-à-dire, quelquefois plus
francs,fans compter plus de trois mille, quelquefois moins, 6c que k même ouan
fnu:cs qu'on peut urer de la vente des Lé leCannes mifes ei^SucrTbi't^rend Î -
S s I depuis V'^rri.
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