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 ÎOO  NOUVEAUX  VOYAGES  AUX  IS£ES  
 F'  ^  It It  
 î%4.  marqué  beaucoup  d'herbes  coupées  fur  
 la  furface  de  l'eau,  car  c'eft  une  marque  
 certaine  qu'il  y  a  des Tortues  en  
 , cet endroit,  qui coupant l'herbe en paiffant, 
   en laiirenttoûjours échapper quelque  
 partie  qui  monte  &  fumage  fur  
 l'eau.  Celui  qui  tient  la  van'c  eft  furie  
 bout  ou  la prouë  du  canot.  Le mot de  
 Tiefcrip-  ^^«^i'^ellEfpagnol,  ilfignifie une gaule  
 /iû!i  (//OU  perche}  celle  dont  on  fe  lert  en  
 U varre  cette  pêche  eft de  fept  à  huit  pieds  de  
 longueur  &  d'un  bon  pouce  de  diametre, 
   à peu  près  comme  la  hampe  d'une  
 halebarde.  On  fait  entrer  dans  un  des  
 bouts  un  cloud  carré  de  fept  à  huit  
 pouces  de  long  y  compris  la  doiiille  
 dont  il  fait  partie;  cette  douille  aime  
 'boucle  ou  anneau  de  fer,  ou  iîmplement  
 un trou,  oii  eil  attachée  une  longue  
 corde  proprement  roulée  fur  l'avant  
 du  canot,  où undes  bouts eit  auffi  
 attaché  , &  la  hampe  eft auffi  attachée  
 à  une  autre petite  corde  dont  le varreur  
 tient  un  bout.  Le  varreur  donc  étant  
 debout  fur  l'avant  du  canot,  la  varre  
 à la main  droite ,  examine  tout  autour  
 de lui s'il voit paroître  quelque  Tortue,  
 ce qui eft aiTez aifé durant  la nuit,  parce  
 qu'on voit bouillonner la furface de l'eau  
 à  l'endroit  où  la  Tortue  veut  lever  la  
 tête  pour  fouffler, oulî  la Toituë  dort  
 fur  l'eau,  ou  qu'un  mâle fait  attaché  à  
 une  femelle,  ce  qu'on  appelle  un  cavalage, 
   l'écaillé  qui  reluit  &  qui  refléchit  
 la  lumiere  de  la  lune  ou  des  étoiles  
 la  lui  fait  appercevoir  auffi-tôt,  à  
 quoi  on  doit  ajouter  que  dans  les  nuits  
 les plus  obfcures, il refte toûjours fur la  
 lùrface  de  la  terre &  des  eaux  un  peu  
 de  lumiere  qui  eft  fuflSfant à  ceux  qui  
 le  couchent  fur  le ventre  pour  voir  à  
 une  diftance  alTez  coniîderable  autour  
 d'eux.  Dès  qu'il  apperçoit  la  Tortue  ,  
 il  marque  avec  le  bout  de  fa  varre  à  
 celui  qui  conduit  le  canot,  le  lieu  ou  
 il  faut  aller}-&  quand  il  eft  à  portée  à  
 de  la Tortue  il  la  varre,  c'eft-à-dire,  
 il  la  frappe  &  la  perce  avec  le  clou  
 qui  eft  anté  dans  la  hampe.  Auffi-tôt  i  
 que  la  Tortuë  fe  fent  bleffée, elle  fuit  
 de  toutes  fes  forces,  &  elle  entraîne  
 avec  elle  le  canot  avec  une  très-grande  
 violence}  le  cloud  qui  eft  entré  dans  
 fon  écaillé  ne  la  quitte  pas,  &  le  varreur  
 qui  a  retiré  fa  hampe  s'en  fen  
 pour  enfeigner  à  celui  qui  eft  à  l'arriereoùildoit  
 gouverner.  Aprèsqu'ellt  
 a  bien  couru  les  forces  lui  manquent,  
 fouvent  même  elle  étoufte faute de  venir  
 fur  l'eau  pour  refpirer.  Quand  le  
 Varreur  fcnt  que  la  corde mollit,  il  la  
 retire  peu  à  peu  dans le  canot,  &  s'ap- 
 •  prochant  ainfi  de  la  Tortuë  qu'il  a fait  
 revenir  fur  l'eau,  morte,  ou  extrêmement  
 affoiblie,  il  la prend  par  une  pate  
 &  fon compagnon  par  l'autre,. &  il?  
 la  mettent  dans  le  canot,  &  en  vonï  
 chercher  une  autre.  
 Il  n'eft pas  neceiTaire  qu'il  y  ait  des  
 ardillons  au  fer  de  la  varre,  ny  que  
 le  varreur  faiTe  entrer  le  fer  gueres  
 plus  avant  que  l'épaiiTeur  de  l'écaillé.,  
 parce  qu'auffi-tôt  que  la  tortuë  fent  la  
 douleur  que  le  cloud  lui fait en  perçant  
 fon  écaille,  elle  fe  reiTere  de  telle  façon  
 qu'on a  bien  plus  de  peine  a  retirer  
 le  cloud  qu'on  en  avoit  eu  à  le  faire  
 entrer.  On  fe  perfuadera aifément  dè  
 cette  vérité,  fi  on  veut  faire  attention  
 à  ce qui  arrive  quand  on  s'enfonce  une  
 épingle  ou  une  éguille  dans un  ongle,,  
 puifquil  eft  certain  qu'on  a  bien  plus  
 de  peine  à  la  retirer .^u'on  n'en  a  eu  à  
 l'y  faire entrer.  
 On fera peut-être  furpris de ce  queje  
 dis  que  la  Tortuë  emporte  le  canoc  
 avec  elle  avec  une  grande  violence,  
 mais il fera aifé  de  fe le  perfiiader  quand  
 on  fera  reflexion  à  la  force  &  à  la  
 grandeur  qu'ont  ces  animaux  dans  l'Amcri 
 F R A N : C 0 I & ' E S  DE  L 'AMERi aUE.  tô i  
 malheur  de  tourner  &  de  perdre  dans  i6gii  
 cet  accident  fa  pagalle,  fon  couteau.  
 merique,-  où  communément  on  les  
 trouve  de  trois  pieds  &  demi  à  quatre  
 pieds  de  long,  fur  deux  pieds  &  demi  
 de  large,  &  qui  pefent  jufqu'a  trois  
 cens  livres,  6c  fouvent  beaucoup  davantage. 
   
 C'cftunechofe étonnante  qu  enquell^ 
 X  qu'endroit  de la terre  que  vous  les  por- 
 «LVtiez,  pour  éloigné  qu'il  foit  du  bord  
 <»-de la mer,  elles  y  prennent  leur  roufinsî  
 i  j-g.  fj.jôt  que  vous  les  mettez  fur  le  
 ventre ou  plaftron,  fans chercher,  fans  
 àUm»r hefiter, & par la ligne la plus  droite.  
 N  J'ai  eu  quelquefois  le  plaifir  de  me  
 mettre fur le dos d'une Tortuë  avec  une  
 autre  perfonne,  elle  nous  portoic  fans  
 peine  &  même  aflez  vite,  mais  c'eft  
 une  voiture  des  plus  rudes,, car  comme  
 elle  ne  peut  fe  foutenir  fur  fes^ quatre  
 pattes  toute  à  la  fois ,  elle  éleve  le  
 rain  de  devant,  &  femble  égratigner  
 la  terre  en  s'élançant,  pendant  que  les  
 pieds  de  derriere  pouffent  en  avant  en  
 faifant un effort  qui  produit un  mouvement  
 qui  fecouë &  qui  fatigue infini^- 
 ment.  
 A propos  de  la  force des Tortuës,  je  
 crois devoir rapporter  ici  ce qui arriva 2.  
 Bifloire  
 ¿'une  
 •^m'é.  ans  après  que je  fus  aux  Ifles à  un  Indien, 
   Efclave de M.  de  la  Chardonniere 
 »  Ilétoit  feul dans  un  petit canot,  ou  
 il  pêchoit  à  la  ligne,  il  apperçût  une  
 Tortuë  qui  dormoit  fur  l'eau}  il  s'en  
 approcha  tout  doucement,  &  lui  paiTa  
 dans  une  patte  un  noeud  coulant,  d'une  
 corde  aiîêz  grolTe,  qu'il  avoit  par  
 hazard  avec  lui,  &  dont  il  avoit  attaché  
 l'autre bout  à  l'avant du  canot.  La  
 Tortuë s'éveilla & fe mita  fuir de  toutes  
 fes  forces} l'Indien  ne  s'épouventa  pas  
 de fe voir  entraîner  avec  tant  de  viteffe, 
   il fe tenoit  à  l'arriéré  &  gouvernoit  
 avec  fa  pagalle  pour  parer  les  lames,  
 efperantque la Tortuë fe lalTeroit  enfin  
 ,  ou  qu'elle  étouiFeroit.  Mais  il  eut  le  
 fa maiTe ,  fes  lignes,  &  les  autres  infrrumens  
 de  pêche.  Quoiqu'il  fut  habile, 
   il  eut  toutes  les peines  du  monde  
 à  remettre  fon  canot,  car  la  Tortuë  
 qui  étoit  forte  &  vigoureufe,  fembloit  
 prendre  le  tems  de  fe  repofer  pendant  
 qu'il  travailloit  à  remettre  fon  canot,  
 ce  qu'il  fut  obligé  de  faire neuf  ou  dix  
 fois,  pendant un  jour &  deuxnuits  que  
 la  Tortuë  le  traîna,  fans  qu'il  lui  fut  
 poffible de cou per ou de détac her la corde. 
   A  la  fin  la  Tortuë  fe  laiTa,  &  le  
 bonheur  voulut  qu'elle  échoiia  fur  un  
 haut-fond, où  l'Indien  acheva de la tuer,  
 étant  lui-même  demi-mort  de faim,  de  
 foif Se de  laffitude.  
 La  troifîéme maniéré  de  prendi-e  les  xroifié- 
 Tortuës  eft avec  la Folle.  C'eft un  filet  ?»< wadefoixante  
 à quatre-vingt  ou  cent  braffes  
 de  long,  de  groiTe  ficelle  de  chanvre  
 ou  d'écorce  de  mahot.  On  lui don- tués.  
 ne  deux  à  trois  braiTes  de  large  ou  de  
 hauteur}  les  mailles  ont  huit  à  neuf  
 pouces  en  quarré,  om met du plomb ou  
 des  pierres  à  un  des  cotez,  &  du  liège  
 ou  autre  bois  leger  à  l'autre,  afin  de  
 tenir  le  filet  étendu  &  perpendiculaire  f;/«/  
 dans  la mer.  Les  deux  bouts  font atta-  appelii  
 chez à terre  aux pointes  de  l'ance  qu'on  
 veut  barrer,  ou  bien à  de  groiTes  pierres  
 qu'on  jette  à là  mer,  comme  fic'étoit  
 des  ancres :  on  a foin  de  teindre  le  
 filet  en  rouge  afin qu'il  ne  fe  voye  pas ,  
 comme  il fe verroit  s'il  étoit  blanc.  On  
 ehoifit  pour tendre  les  folles,  les  ances  
 où  il  y  a  du  fable,  parce  que  ce  font  
 celles-là  que  la  Tortuë  cherche  pour  
 venir  pondre  fes oeufs}  on  les  tend  fur  
 lefoir,  &  on  les leve le matin.  La  Tor - 
 tuë  venant  à  terre  &  trouvant  le  filet,  
 jalTe  la tête  ou une pate  dans  une  maile 
 .  Se  ne  trouvant  que  peu  de  refiftance,, 
   parc£  que  le  filçt  obéit,  elle  s'é- 
 N  f  '  force  
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