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f S NOU V E A i r x VO Y
i5i?4. la fucrerie la plus proche de fa maifon,
où ilcommençoit à faire du fucre blanc
ôu terré. Il vouloit à toute force nous
retenir à fouper, mais nous nous enexcufâmes,
parce que nous avions donné
parole d'aller fouper chez un des con'
viez du Pere Breton, nommé le iieur
Verrier.
Ce M. Verrier étoit un Gafcon qui
étoit venu dans les liles en qualité d'engagé,
comme la plupart des autreshabitans.
Le tems de fon engagement étant
achevé, il s'étoit fait Marchand
de vin, puis d'autres marchandiiesi &
ayant gagné quelque chofe, il époufa
une des filles d'un habitant nommé
Peret, dont il eut des Negres, une fucrerie
fie une cacoyere. Avec tout cela
il n'étoit pas des plus riches, mais
quoiqu'on fe fouvînt encore de l'avoir
vû engagé, fa bonne humeur &: fes
maniérés réjouiflantes, faifoient qu'on
le vouloit avoir dans toutes les aflemblées,
& on fe faifoit même un plaifu
d'aller chez lui, oti on étoit toujours
aiTuré de trouver un plat de fa façon
, caril étoit excellent cuifinier.
Avantdefortirde chez M. Pocquet,
on convint qu'on viendroit-paiTer le
Dimanche gras chez M.Michel, que k
lundi on dîneroit chez M. Courtois, &
qu'on fouperoit chez M- le Bourg, les
deux plus proches voifins de M. Pocquet,
& que le mardi gras fe paiTer-oit
chez lui.
Nous allâmes donc chez le fieur Verrier
où nous trouvâmes le P. Breton, &
le reiîe de la compagnie qui avoit dîné
chez lui. Nous fûmes perfaitement bien
traittez. Après fouper j'allai coucher
chez le P. Breton j tout le refte de la
compagnie demeura où nous avions
mange.
Le vendredi Février je fus dire
la Mefîe àmon Eglife. Je viûtai chemin
A G E S AUX ÎSLES
faifant quelques-uns de ities Paroiiîîens ifîp^
qui me reçûrent avec toutes fortes de
civihtez & d'offi-es de fervice. Je me
retirai chez M. Michel mon hôte-
Le famedi je fus dire la MelTe à là
Chapelle de la grande riviere, afin de
voir en même tcms le Negre qui avoit
été mordu du ferpent. Je le trouvai en
bon é tat , fa jambe n'avoit plus d'autré
enflure que celle que lui avoient caufé
les ligatures; il étoit fans douleur. Le
Medecin Negre l'avoit remis au Chirurgien
de^ la maifon qui penfoit les deux
trous où les crocsdu ferpent étoient entrez,
& les fcarifications qu'on avoit
faites deiTus avec les onguens ordinaires.
Je commençai par cette habitation à
prendre l'état des ames de maParoiile,
J 'y trouvai cent dix Negres grands ou
petits, entre lefquelsil y avoit huit Negres
adultes qui n'étoient pas baptifez.
Tous les Negres étoient;conduits par
un Commandeur, au deifus duquel il y
avoit un Econome neveu de M. Roy ,
que l'on appelloit Regi s , pour le diftinguer
de fon oncle à qui ce bien appartenoit.
C'étoit un petit Gafcon tout
blanc, quoiqu'il n'eût pas encore trente
cinq ans, & un joueur de profeffion
s'il en fut jamais. Je lui recommandai
fortement auffi - bien qu'au Comman--
deui-, d'avoir foin qu'onfît exaélemenç
la Priere foir & matin & le Catechifme,
& de ne pas manquer de m'envoyer
les Negres Fêtes & Dimanches de bon
matin al'Eglife, afin queje puffe les in- •
ftruire Se les préparer au Baptême 8c aux
autres Sacremens , dont ils fe reridroient
capables. Je faifois la même
¿hofe dans toutes les habitations de ma,
ParoiiTej 8c j'ai eu fujetde me louer de
l'exaétitude de mes ParoiiTiens fur cet
article.
Le Dimanche 20. je me rendisà mo»
Eglife au point du jour , 8c il s'y trouva
J FR A N C O I S E S DÊ L'AMERIQJJE. f^
va un grand nombre de Negres & d'en- par conféquent un jeûne d'Eglife, la
J fans b ancs àr qui je fis le Cathechifme. plûpart ne laiflerent pas de prendre
• Je confeflai auiTt beaucoup de perfon- du chocolat, fondez fur une decifion
nés qui voulurent faire leurs devotions, de quelques MiiGonnaires, qui préten-
M.Pocquet, fon époufe 8c autres per- dent la tenir de Rome, 8c qui ne manfonnes
que M. Michel avoit conviez vin- quent jamais d'avertir leurs Paroiffiens
rent entendre ma Melfe. Je prêchai fur le Dimanche gras ou de la Qiiinquageces
paroles de l'Evangile : Domine tit vi- fime qu'on peut prendre du chocolat
dsam-, après le Service je fis deuxBap- fans rompre le jeûne, pourvû qu'on n'y
témes, ce qui donnaleloifir au P. Ere- ^^ — "
ton de nousjoindre, comme nous étions
prêts de monter à cheval, pour nous
rendre chez M. Michel, où nous nous
trouvâmes au nombre de vingt perfonnes.
• II eil inutile de dire que nous y fû-
\ mes traittez magnifiquement à dîner 8c
à fouper j la plûpart des conviez y couchèrent
, & il rie faut pas s'étonner que
i dans des maifons aiTez petites, on puiiTe
^ donner à coucher à beaucoup de monde,
mette point de lait ni d'oeufs, comme
on fait prefque par toutes les lûes. On
difcourut beaucoup pour 6i contre cette
décifion. Pour moi qui tenois pour la
négative, je me fondois fur l'avis des
Medecins Efpagnols, qui conviennent
qu'il y a plus de fubftance nourriflante
dans une once de chocolat que dans une
demie livre de boeuf j 8c fur ce principe,
je foûtins qu'on n'en pouvoit pas
prendre fans rompre le jeûne, quand
même on le feroit fimplement avec de
l'eau comme les Efpagnols le font. La
maniéré d'y meilerdu lait, des oeufs ou
du vin de Madere étant venue des Anglois
la plûpart, ou pour par er plusjufte,
prefque tout le monde couche dans
des amacs qui tiennent peu de place,
8c qui n'embarailent point une maifon.
qui mettent de ces fortes de chofes
La defcription que j'en ferai ci-après,
dans leur chocolat, auffi-bien que
fera voir la commodité de ces fortes de
dans leur ponche, leur fanggris, 8cautres
lits.
breuvages qui leur font particuliers.
Je partis le lendemain de bonne heure
pour me rendre à mon Eglife, afin
d'y dire la MeiTe quand la compagnie y _
paiFeroit. Nous prîmes chemin faifant lailler décider cette queftion k i P.Bre- \
le P. Breton, 8c fûmes tous enfemble ton comme à mon ancien, mais il me
• On m.e demanda mon fentiment à Semïl'égard
du thé 8c d 1 -S- u canff. é} Jje v^o u^l ois vah<-=
fur
chocochez
M. Courtois, où nous dinâmes. dit qu'il fouhaittoit comme le refte d e . if-
Nous nous rendîmes furie foir chez M. la compagnie, d'apprendre ce que j'en
le Bourgoù nousfoupâmes, 8coù nous penfois, parce qu'arrivant de France '
>ailames fort agréablement la foirécj ma morale feroit plus pure que la fien*
es conviez qui étoient éloignez de chez ne, qui devoit avoir contrafté beaueùxycoucherent,
pour moi jefuscou- coup de relâchement depuis le longcher
chez mon confrere le P. Breton. tems qu'il étoit aux Ifles. Je leur dis
Le mardi vingt deuxième nous nous dont que le thé 6c le caflfé n'étant qu'une
rëndîmeschezM.Pocquetaprèsla Mef- teinture de ces deux fimples, e le ne
fe, nousy trouvâmes tous les conviez, donnoit point, ou que très peu de fublïiais
par malheur pour eux, ce mardi ftance à l'eau oùon les avoit fait boiiil-
^ a s étoit la veille de faintMathias, Se lir, 6c qù'ainfi orijes devoit plûtôt re-
H i garp
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