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 Culture  
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 P l u K t t  
 "  Il  
 5)4  NOUVEAUX  VOY  
 Cette  plante  demïitide  une  bonne  terre, 
   grafle,  unie,  &  qui  ne  Toit  point  
 trop  feche  >  elle  mange  &  dégraifle  
 beaucoup  le  terrein  où  elle  croît,  &  
 digo,  trop  de  précaution  pour  la  tenir  nette  
 &  empêcher  les  herbes  de  quelque  nature  
 qu'elles  foient  de  croître  auprès  
 d'elle.  
 O n  farcie  &  on  nettoye  jufqu'à  cinq  
 fois  le  terrein  oii  l'on  veut  planter  la  
 graine  d'Indigo.  Il  me  femble  qu'on  
 devroit  dire  femer,  mais  le  terme  de  
 planter  eft  confacré  dans  nos  liles  ,  6c  
 j e  ne  croi  pas  me  devoir  broiiiller  pour  
 un  mot  avec  nos  habitans,  eftimablcs  
 par  une  infinité  d'endroits  ,  quoique  
 dans  l'habitude  d'cftropier  la  Langue  
 Françoife.  On  pouiTe quelquefois  la  propreté  
 il loin  qu'on  balaye  le  terrein  comme  
 on  balayeroit  une  chambre.  Après  
 cela  on  fait  les  trous  ou  fofles  oîi  l'on  
 doit  mettre  les  graines  :  pour  cet  effet  
 les  efclaves  ou  autres  qui  doivent  y  travailler, 
   fe  rangent  fur  une  même  ligne  
 à  la  tête  du  terrein,  &  marchans  à  reculons, 
   ils  font  de  petites  foiïes  de  la  
 krgueur  de leur h o u e ,  de  la  profondeur  
 de  deux  àtrois  pouces,  éloignées en  tout  
 fens  les  unes  des  autres,  d'environ  un  
 pied,  &  en  ligne  droite  le  plus  qu'il  eil  
 poffible.  
 -  Lorfqu'ils  font  arrivez  au bout du  terrein  
 ,  chacun  fe  munit  d'un  petit  fac  de  
 graines,  &remontans  fur  leurs  pas,  ils  
 mettent  dans les foiîès  qu'ils  viennent  de  
 Elire  onze ou  treize  graines.  Unreftede  
 fuperftition  leur  a  appris  qu'il  falloit  
 qu'elles  fuffent  en  nombre  impair.  Je  
 n'ai  garde  d'approuver  cette  pratique  ,  
 inais  aufli  je  me  garderai  bien  de  leur  en  
 vouloir  montrerl'inutilité  ôcleridicule,  
 étant  convaincu  que  j'y  perdi'ois  mon  
 îems  &  ma  peine.  
 C e  travail  eft  le  plus  pénible  qu'il  y  
 A G E S  A U X  I  S  L E S  
 ait  dans  la ManufatSlure  de l 'Indigo  j  car  
 il  faut  que  ceux  qui  plantent  foient  toûjours  
 courbez,  fans  fe redrelTer,  jufqu'à  
 ce que  la  plantaifon  de  toute  la  longueur  
 de la piecefoit achevéejde  forte que  quand  
 elle  eft  grande  ,  ce  qui  arrive  prefque  
 toûjours,  ils  font  obl igez  de  demeurer  
 deux  heures,  Scfouventdavantage  dans  
 cette  pofture.  
 Lorfqu'ils  font  arrivez au haut de la  piec 
 e ,  ils  reviennent  furleurspas  &  recouvrent  
 les foffes où  ils ont  mis la g r a ine ,  en  
 y  pouiîàntavec  le pied la terre qu'ils en  ont  
 t i r e e ,  &  ainfî la graine  le  trouve  couverte  
 d'environ  deux  pouces  de  terre.  
 Qiioique  toute  faifon  foit  bonne  pour  
 planter  l ' indi go,  il  faut  pourtant  febien  
 garder  de  le  mettre  en  terre  dans  un  
 tems  fecj  il  eft  vrai que la graine  peut fe  
 conferver  un  mois  entier  en  terre  fans  fe  
 g â t e r ,  mais  on  s'expofe  lorfqu'on  plante  
 ainfi,  à la  voir  enlever  par la  vermine  
 ou  par  les  vents,  ou  étoufteepar  les  herbes  
 qui  naiiTent  avec  elle,  de  maniéré  
 que  les  habitans  fages  ne  rifquent  jamais  
 de  planter  à  fee,  c'eft-à-dire,  dans  un  
 tems  où  probablement  ils  n'eiperentpas  
 de  la  pluye,  un,  deux,  ou  trois  jours  
 après  que  la  plantaifon  eft achevée  On  
 choifit  donc  pour  l'ordinaire  un  tems  
 humide,  &  qui  promette  de  pluye,  &  
 alors  on  eft  feur  de  voir  la  plante  fortir  
 de  t(»re trois ou quatre jours  après  qu'elle  
 y  a  été  mife.  
 Quelque  préc-^ution  qu'on  ait  prife  
 pour  nettoyer  Je  terrein  où  les  graines  
 ont  été  plantées,  il  ne  ftut  pas  s'endormir  
 quand  l'Indigo  eft  hors  de  terre  ,  
 parce  que  la  bonté  du  terrein,  jointe  à  
 l'humidité  &  à  la  chaleur  du  climat,  &  
 aux  abondantes  roféesqui  tombent  toutesles  
 nuits,  fait naître une  quantitéprodigietife  
 d'herbes  qui  étoufteroient  &  
 gâteroient  abfolument  l'Indigo.  Si  on  
 n'avoit  pas  un  foin  extrême  de  farder  
 des  
 1694"  
 F R A N C O I S E S  
 D E  L'AMERIQ^UE.  99  
 la  feurement  que les  grandes j  &  d'ailleurs  
 dès  qu'il  en  paroît,  &  d'entretenir  
 plante dans une propreté  extraordmaire,  
 fouvent  même  les  herbes  font  en  partie  
 caufe  qu'il  s'engendre  une  efpece  de  
 chenilles qui  devorent  en  moms  de  nen  
 toutes  les feuilles.  „  r  •  j  
 Depuis que  la  plante  eft  fortie  de  ter- 
 En corn-  ^^  jj „g  f^ut que deux  mois  pour  qu'elle  
 u Z e t  ait'  atteint  une  parfaite  maturité,  &  
 efttmu-  qu'elle foit  en  état  d'etre  coupee:  li  on  
 F-  attendoit  davantage  elle  fleurn-oit,  fes  
 feuillesdeviendroientplus  feches  Scplus  
 dures,. elles  donneroient  par  confequent  
 moins  de  fubftance,  &  la  couleur  en  feroit  
 beaucoup moins  belle.  
 Après  cette  premiera  coupe  on  peut  
 continuer  à  couper  les  nouvelles  bran- 
 on  fait  le  travail  avec  plus  de  diligence  
 de  cette  maniéré-là  que  de  faire  des  
 bottes,  6c  comme  le  tems  eft  precieux  
 par  tout,  6c  fur  tout  en  Amérique,  on  
 ne  fçauroit  trop  prendre  de  précaution  
 pourn'en  point  perdre.  
 Dix-huit  ou  vingt  paquets  d'herbesde  
 la  grofleur  chacun  de  deux  bottes  
 de  foin  ou  environ,  fuffifent pour  remplir  
 une  trempoire  de  la  grandeur  que  
 j'ai  dit  ci  devant.  Après  qu'elle  a  été  
 remplie  d'eau  enforte  qu'elle  couvre  
 les  herbes,  on  met  des  pieces  de  bois  
 deiTus  afin  que  les  herbes  ne  s'élevent  
 point  par  defllis  l'eau,  à  peu  près  comme  
 on  fait  fur  le  raifin  qu'on  met  au  
 chës  6c  feuilles\ue  la  plante  produit  preflbir,  6c  on  laifle  fermenter  le  tout.  
 ^  r"  r  '  _ __  —  ;  /T..—  «(m  r'H^l/ant*  T^liio  /^n  mrtificr  
 C i u i e  
 de  i'mde  
 fix  en  fix  femaines  ou  environ,  fuppofé  
 que le  tems  foit  p luvieux,  6c  qu'on  
 prenne  bien  fes  mefures  pour  ne  pas  
 couper dans un  tems  de fecheref le,  parce  
 que  l'on  perdroit  infailliblement  la  
 plante ,  ou comme  on  parle dans  le  pays,  
 les  chouques,  6c  alors  on  feroit  obligé  
 de  replanter  j  mais  toutes  chofes  étant  
 bien  ménagées,  la  plante  peut  durer  
 deux  années,  après  quoi  il  faut  l'arra'- 
 cher  Se  planter  de  nouveau.  
 •  La  plante étant  arrivée  à  fa  maturité,  
 ce  qu'orifièconnoît  aux  feiiilles  qui  deviennent  
 plus  caflantes  6c  moins  foul 
 e s ,  on  la  coupe  à  quelques  pouces  
 ors de  terre.  On  fe  fertpour  la  couper  
 de  grands  couteaux  courbes  faits  en  
 maniéré  de  faucilles.  Quelques  habitans  
 en  font  des  faiiTeaux  comme  des  
 doubles  bottes  de  foin  afin  qu'un  Nègre  
 les  puiiFe  porter  aifément  à  la  
 trempoire,  mais  la  plûpart  la  mettent  
 dans  de  grands  morceaux  de  grofle  
 toile  qu'on  lie  par  les  quatre  coins,  6c  
 cela  eft  plus  commode,  la  plante  eft  
 moins  maniée  £c  moins foulée,  6c  celles  
 qui  font  petites  font  emportées  auiîî  
 Selon  que  la  chaleur  eft  plus  ou  moin5  
 grande,  6c  que  l'herbe  ou  la  plante  eft  
 plus  ou  moins  meure,  la  fermentation  
 fe  fait  plutôt  ou  plûtard,  quelquefois  
 en  fix,  huit  ou  dix  heures,  quelquefois  
 on  eft  obligé  d'attendre  jufqu'à  dixhuit  
 6c  vingt  heures.  Il  eft  très-rare  
 que  cela  aille  jamais  plus  loin.  Oa  
 voir  pour  lors l'effet de  la  fermentation,  
 l'eau  s'échauffe  6c  bouillonne  de  tous  
 côtez  comme  on  voit  le  raifin  bouillir  
 dans  la  cuve,  6c  l'eau  qui  étoit  claire  
 au commencement ,  s'épaiflît  infenfiblement  
 6c  devient  d'une  couleur  de  bleu  y  
 tirant  fur  le  violet.  Alors  fans  toucher  
 en  aucune  façon  aux  herbes,  on  ouvre  
 les robinets  qui  font  au  fond  de  la  trempoire  
 ,  8c  on  laifiê  tomber  dans  la  batterie  
 toute  cette  eau  chargée  des  fels  
 6c  de  la  fubftance  de  la plante  que la  fermentation  
 en  a  détachez;  6c  pendant  
 qu'on  jette  comme  une  chofe  inutile,  
 6cprelque  pourie,  l'herbe  quiétoitdans  
 la  trempoire,  6c  qu'on  la  nettoye  pour  
 la  remplir  de  nouvelles  herbes,  on  bat  
 l'eau  qu'on  a  fait  tomber  de  la  trempoire  
 dans  la  batterie.  On  fe  fervoit  
 au-- 
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