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3-5 N O U V E A U X VOYAGES AUX tSLES
369;. ont mieux aimé porter la honte de leur
crime que de le cacher par un plus
grand, entre autres la fille d'un certain
ouvrier du quartier du Pain de facre,
nominé Cette fille âgée de dixfept
à dix-huit ans, s'amouracha d'un
efclave de fon percj & malgré toute
la refiftance que fit ce pauvre Negre
qui prévoyoit les fuites de cette aélion
il elle éclatoit, elle lepreiTa fi fort qu'il
fuccomba à fes inftances. Elle devint
groiTe. Quelques-unes de fes parentes
s'en apperçurent, Sc en avertirent fon
pere. Une fiillutpas lui donner la queftion
ni au Negre pour leur faire tout
avoiicr. Le pere vint me trouver pour
me demander confeil fur cette affliire.
Je lui dis d'envoyer le Negre à faint
Domingue ou àla côte d'Efpagnepour
le vendre, & de faire paiîer fa fille à la
Guadeloupe ou à la Grenade fous quelque
pretexte, & de l'y fiiire accoucher
l e plus fecretement qu'il fe pourroit,
lui offrant en même tems tout le fecours
dont il pouvoit avoir befoin.
Mais la colere où il étoit contre fon
N e g r e qu'il prétendoit faire punir comme
ayant fuborné fa fille, ne lui permit
pas de voir la bonté du confeil
que je lui donnois; il alla trouver l'Intendant,
Scy conduifit fon N e g r e . L'Intendant
fit venir la fille Se l'mterrogea
fur la violence que fon pere prétendoit
lui avoir ét é faite par fon Negre . Mais
elle avoit trop d'honneur & de confcienee
pour dire les chofes autrement
qu'elles s'étoient paflees} elle avoiia
que c'étoit elle qui avoit follicité le
N e g r e , & qu'elle étoit la feule coupable
dans cette affaire. O n voit bien qu'aprés
cet éclat la honte de cette fille ne
pouvoit plus é t refecret tei tout ce qu'on
pût faire fut d'envoyer le Negre à la
côte d'Efpagne où il fut vendu, ôc l'ouyrier
rameoafa fille chez lui pour attendre
le tems de fon accouchement. Il y
avoit apparence qu'elle feroit demeurée
le refte de fa vie dans l 'opprobre, s'il ne 2",
fe fut trouvé un Polonois nomméCafî-««jl
m i r , Scieur de long de fon mét ier, qui««
s'offrit del'époufer, & de reconnoître S
pour fien l'enfant dont elle accouche-K
roit. Le pere vint m'apporter cette nou- %(.
velle. Je lui dis qu'il falloit en preiTer
la conclufion de peur que cet homme
ne changeât de fentiment. Il fuivit
mon confeil cette fois. Il amena dès
le lendemain fon prétendu gendre 8c
fa fille avec les témoins neceiTaires. Je
les difpenfai des Bancs, Se j e les mariai.
L'enfant étant venu au monde
quelque tems après le mariage, le Polonois
s'en déclara pere, & figna en
cette qualité fur le Regiftre. Il eft rare
de trouver une pareille charité dans
le fiecle où nous fommes. Je doute
même qu'on trouve un pareil exemple
dans les premiers-fiecles de l'Eglifei
auiT] j e ne prétends pas le propoferpour
qu'on l'imite, mais feulement pour
en conferver la memoire. Les noms
des acteurs de cette fcene font inutilsj
cependant fi quelques curieux les veut
fçavoir, il pourra confulter les Regiftres
de la ParoiiTe de fainte Marie à la
Cabafterre de la Martinique dans l'année
i6p8.
J'ai dit que les enfans qui provien- Cííücimà
L » A M E R i a U E .
me
& qu'il n'eût eu l'occafion d'ap-
F R A N C O I S E S DE
desNegres aux Ifles, 6c que le liber-
• tinnire y produififdes Mulât res, les Sei-, prendre à parler latm plus correftement
pnéurs ordonnèrent que s'il avoit voulu en profiter, puifqu'il/¿r
avoit demeuré quelques années au fervice
denos Peres , d'où il ctoit monté
nent d'un blanc & d'une Indiennes'appellent
Metifs. Ils font pour l'ordinaire H
auifi blancs que les Européens La feule lifichofe
qui les Etits connoître eft le blanc
de leurs yeux qui eft toûjours un peu
jaunâtre, comme il arrive à ceux qui
après une longue maladie ont les yeux
battus. Si une Meti f ie marie avec un
blanc, les enfans qui en viennent ne
confervent rien de leur premiere origine.
Dans le commencement qu'il y eût
des
sueurs propriétaires
les Mulâtres feroient libres quand ils
auroient atteint l'âge de vingt-quatre
ans accomplis, pourvu que j^ufqu'à ce
tems là ils euffent demeuré dans la
(iitàs maifon du maître de leur mere. Ils
n»'-'- prétendoient que ces huit ans de feryi-
'"V' ce qu'ils avoient rendu depuis feize
î, jufqu'a vingt-quatre accomplis, fuffifoient
pour dédommager es maîtres
de la perte qu'ails avoient faite pendant
que leurs Negrefles les avoient élevez,
Se de ce qu'au lieu d'un Negre quiauroit
été toûjours efclave, elle n'avoit
produit qu'un Mulâtre.
Mais depuis que le Roi a réuni les
Ifles à fon domaine en 1574. en les
racheptant des Compagnies qui les avoient
poiTedées fous fon bon plaifir,
il a fait revivre par fa Declaration la
Loi Romaine, qui veut que les enfans
fuivent le fort du ventre qui les
„f a portez > Partus fequitur ventrem ; 6c
"lif-que par confequent les Mulâtres provenans
d'une mere efclave foienc
auiFi efclaves. A propos dequoi je ne
dois pas oublier qu'un Confeiller du
Confeil Souverain de la Guadeloupe ,
citaiit cette Loi dans un procès où il
s'agiiToit de décider fi un Mulâtre né
après la datte de la Declaration du
Roi, mais avant qa'elle fut arrivée 6c
publiée aux Ifles, étoit libres ou non;
ce fçavant Jurifccmfulte au lieu de s'attacher
au point de la difficulté que je
viens de dire, ne penfoit qu'à faire parade
de fon latin qu'il eftropioit en diî(
Hil«-fant: Patus fe^uitus'ventris. Belle preutmé
yg Jg fçavoir, qui n'empêchoit
pas qu'il ne fût d'ailleurs honnête hom-
3
àl'office de Maître d 'Ecole, 6c de Chantre
d'une de nos Paroiffes. Il s'appelloiC
M. D. L . C . Il étoit Doyen du Confeil
de la Guadeloupe en i y a f .
Depuis cette Ordonnance les Mulâtres
font tous efclaves} 6c leurs maîtres ne
peuvent être contraints de quelque maniere
que ce foit, de les vendre à ceux
qui en font les peres, finon de gré à
gré. Ils font obligez à fervir comme les
autres efclaves, font fujets aux mêmes
correftions; & s'ils s'abfentent de la
maifon de leurs maîtres, 6c qu'ils aillent
marons, on peut les mettre entre les
mains de Juftice qui les traite comme
les efclaves noirs , c'eft - à - dire
qu'on leur coupe les oreilles la feconde
fois qu'on les met en prifon
pour maronage, 6c le jarec la troifiéme
fois. Ces peines font portées par
les Reglemens du Roi, auffi - bien que
celle qu'encourent
chez eux, ou font
ves de leurs voifins quand ils font marons.
ceux qui retirent
travailler les efcla-
Car pour empêcher ce defordre, Peine'
6c pour punir la mauvaife foi de c eux qui '^''"'re
étant dans des quartiers éloignez, atti- "¡Ï^J^l
roient les efclaves marons, & les fai- lesefdafoient
travailler à leur prof i t, ou qui les -¡jesma^,
retiroient chez eux pour priver leurs
maîtres de leurs travail; le Roi les a
condamné à payer au propriétaire de
l ' c f c l a v e , une piftole par ciaque jour,
depuis celui qu'il s'eft abfenté, jufqu'à
celui qu'on le remet entre les mains de
fon maître.
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