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 44  NOUVEAUX  VOYAGES  AUX  ISLES  
 C  H  A  P^  I  T  R  E  VIII.  
 Pesdiferenteseffeces  de Perroquets  desljles.  PaffagedesGalîionsd'Efpagm.  
 5 E  Perroquet  eil  un  oifeau  trop  
 connu  pour  m'arrêter  à  en  
 faire  la defcription.  Il  y  en  a  
 de  trois  efpecesj  l'Aras,  le  
 Perroquet  &  laPerrique.  On  
 trouve  ces  trois  efpeces  dans  chacune  
 de  nos  Mes ,  Se  il  eft  aifé  de  remarquer  
 à  leur  plumage  de  quelle  Ifle  ils  font.  
 Ceux  de  la  Guadeloupe  font  communément  
 plus  gros  que  les  autres,  Sc  les  
 Perriques  font  les  plus  petites.  
 L'Aras  que  je  mets  dans  la  premiere  
 Aras ,  :efpece,  eft  le  plus  gros  de  tous  les  Per- 
 ^r7Tipl'ce  l'oquets,  foit  des  Ifles  ,  foit  de  terre  ferde  
 Per- me.  Il  eft  pour  l'ordinaire  de  la  groiTeur  
 «î««!.  d'une  poule  à  fleur.  Les  plumes  de  la  
 tête,  du  col,  du  dos  £c  du  ventre  font  
 de  couleur  de  feUj  fes  aifles  font  mêlées  
 de  bleu,  de  rouge  &  de  jaune;  &  
 fa  queue qui  eft longue  de  quinze  à  vingt  
 pouces,  eft  ordinairement  toute  rouge;  
 il  a  la  tête  &  le  bec  fort  gros,  l'oeilaff 
 u r é ;  il  marche  gravement;  il  parle  
 très-bien  quand  il  eft  inftruit  étant  
 jeune;  il  a  la  voix  forte  &  diftinfte  ;  
 il  eft  familier  &  aimant  fort  à  être  careiTé. 
   
 U n  de  nos  Rel igieux  en  avoit  un  qui  
 s'étoit  rendu  lî  familier avec fon  maître,  
 Scqui  l'aimoit  tellement  qu'il  en étoit  devenu  
 j a loux ;  perfonne ne  pouvoit  approcher  
 de ce Religieux,  fans s'expofer à  être  
 mordu.  On  étoit  contraint  de  l'enfermer, 
   lorfqu'il  alloit  dire  la  MeiTe,  &  
 ^uand  on  oublioit  de  le faire ou que  l'Aras  
 fe  pouvoit  échaper,  il  le  fuivoit,  fc  
 mettoit  fur  le  marche  pied  de  l'Autel,  
 Se  ne  fouftroit  pas  que  le  Clerc  appro;- 
 ehât  de  lui.  
 Cet  oifeau  nous  donna  un  jour  une  
 fcene  des  plus  plaifantes.  Il  s'échapa  
 pendant  qu'on  iaifolt  la  barbe  à  quel- 
 Kißoirt  
 ti  un  
 -.ir^s.  
 ques-uns  de  nous,  &  ayant  trouvé  fon  
 maître  dans  le  même  lieu,  il  fe  plaça  
 felon  fa  coûtume  auprès  de  lûi,  &  demeura  
 en  repos  jufqu'à  ce  que  fon  maître  
 s'aiïït  pour  fe  faire  rafer  ^  il  commença  
 auffi-tôtà  drelTer  fes plumes;  on  
 le  careffii,  on  lui  donna  à  manger,  &  
 on  fit  ii  bien  qu'il  foufFrit  que  le  barbier  
 lavat  fon  maître  ;  mais  quand  il  vit  
 qu'il  prenoit  le  rafoir  ôc  qu'il  s'aprochoit, 
   il  fe mit  à  crier  de  toutes  fes  forces, 
   &  fe  jetta  à  une  de  fes  jambes  ou  
 il le mordit  fifurieufement,  que  le  fang  
 en  couloit  en abondance.  Quoique  nous  
 fuffions  fâchez  de  la  difgrace  du  barbier, 
   nous  ne  pouvions  nous  empêcher  
 d'admirer  l'empreiTement  que  l'Aras  témoignoitpour  
 défendre  fon  maître;  il  
 fauta  d'abord  fuT  fés  genoux,  &  de-là  
 fur  fon  épaule,  d'où  il  fembloit  menacer  
 tout  le  monde,  en  criant,  ouvrant  
 le  bec,  &  tenant  toutes  fes  plumes  heriiTées. 
   Il  fallut du tems  à ion maître  pour  
 l'apaifer  ; il  le porta  enfin dans une  chambre, 
   &  l'enferma  pour  donner le tems au  
 barbier  de  panfer fa  jambe  &  de  lui  faire  
 la  barbe.  C'étoit  quelque  chofe  d'étonnant  
 d'entendre  les  cris  de  l'oifeau,  
 ôc  les  efforts  qu'il  faifoit  en  rongeant  la  
 porte  pour  fortir.  J'avois  un  gros  dogue  
 qui  careiîbit  fouvent  le  maître  de  
 l'Aras;  il  en  devint  jaloux  au  point  que  
 dès  qu'il  le  voyoi t ,  il  couroit  ou  voloic  
 à  lui ,  fe jettoit  fur  fon  dos  Se  le  mordoit. 
   Je  ne  croi  pas  qu'on  pût  voir  an  
 monde  un  animal  plus  affeétionné  à  fon  
 maître.  Il  parloit  fort  bien  Sc  fort  diftinélementi  
 loriqu'onenrendoit  fa voix  
 fans  le  voir,  il  étoit  difficile  de  difting 
 u e r ,  fi  c'étoit  celle  d'un  oifeau  ou  d'un  
 homme.  
 O n  diftingue  les  Perroquets  des  Mes  
 de  
 nilit!  
 F R A N C O I S E S  DE  L'AMERIQUE.  45- 
 5.  de  la  Terre- ferme,  de  Guinée  par  leur  
 plumage  qui  eft  tout  different,  ceux  de  
 a  Guadeloupe  font  un^peu  moins  gros  
 («rt '  que  les  Aras;  ils  ont  la  tête,  le  col  &  
 igire»- jg ventre  de  couleur  d'ardoifeavecquel- 
 '!,'%  ques plumes  vertes  6c  noires ;  le  dos  eft  
 tout  verd,  les  ailles  font  vertes,  jaunes  
 Se  rouges.  
 Ceux  (de la  Dominique  ont  quelques  
 plumes  rouges  aux  aifles,  à  la queue  ôc  
 f o u s  la g o r g e ,  tout le  refte eft verd.  ^  
 Ceux  de  la  Martinique  on  le  même  
 plumage  que  ces  derniers,  excepté  que  
 le  defllis  de  la  tête,  eft  de  couleur  d'ardoife  
 avec  quelque  peu de  rouge.  
 Les  Perroquets  de  ces  trois  Ifles  font  
 fort  gros,  &  apprennent  facilement  à  
 parler,  fur  tout  quand  ils font  jeunes.  
 Des  trois  que j'avois  achetez,  il  y  en  
 avoit  un  de  la  Guadeloupe,  les deux au-^  
 très  étoient  de  la  Dominique.  La  groffeur  
 de  celui  de  la  Guade  oupe  me  faifoit  
 croire  qu'il  étoit  vieux  Sc qu'il  n'apjrendroit  
 jamais.  Une  faifoit que  criailer, 
   8c  comme  il  avoit  la  voix  extrêmement  
 forte,,  il  me  rompoit  les  oreilles;  
 cela m'obligea  de  le  faire  tuer  ;  mais  j e  
 m'en  repentis  prefque  auffi-tôt ;  quelques 
 uns  de  mes  Paroiffiens  étant  venus  
 chez  moi,  pendant  que  mon  Negre  
 le  plumoit,  m'aflurerent  qu'il  étoit  
 tout  jeune,  Se  que  fes  cris  étoient  ce  
 qu'on  appelle  cancmer  au  langage  des  
 Ifles,  qu'il  auroit  appris  à  parler  en  peu  
 de  tems.  Se  auroit  furpafle  les  autres.  
 Sa  voix  étoit  très-forte.  Comme  le  mal  
 étoit  fans  remede,  je  le  fis  mettre  en  
 daube;  la  viande  en  étoit  très-bonne,  
 délicate  &  fucculente.  Quand  ces  oifcaux  
 font  vieux  on  en  fait  de  la  foupe;  
 on  prétend  qu'ils  valient  les  perdrix;  je  
 m'en  rapporte  à  ce  qui  en  eft.  J'ai  plus  
 mangé  de  perroquets  que  de  perdrix  
 d'Europe.  Lorfque  les  perroquets  font  
 jieunes  on  les  met  à  la  broche,  fur  le  
 g r i l ,  ou  en  compote  comme des pigeon-  I6λÎ;  
 naux,  Se  comme  ils  font  ordinairement  
 fort  gras ,  ils  font  par  conféquent  extrêmement  
 délicats  8e tendres.  
 Je  mis  les deux  autres qui  me  reftoient  
 en  penfion  chez  une  de  mes  Paroiiîiennes, 
   c'eft  ce  que  je  pouvois  faire  de  
 mieux  pour  leur apprendre  à parler.  Oû  
 fçait  que  les  femmes  ont  le  don  de  la  
 parole,  £c  qu'elles  aiment  às'en  fervir;  
 en  eftet,  quoique  mes  perroquets  tuffent  
 vieux,  ils  étoient  en  une  fi  bonne  
 école,  qu'ils  apprirent  en  perfedion,  
 fur  tout  le  mâle,  car  la  femelle  ne  voulut  
 jamais  parler  qu'après  la  mort  de  
 fon  mari.  Je ne  fçai  fi  c'étoit  par  refpeS:  
 qu'elle  gai'doit  ainfi le  filence,  ni  qui  le  
 lui avoit appris,  car aiTurcment  ce  n'étoit  
 pas  fa maitreflc; quoiqu'il  en foit, la  mort  
 du  mâle  m'ayant  donné  un  peu  de  chagrin  
 ,  je  me  défis  de  la femelle pour  n'en  
 pas  avoir  une  féconde  fois.  Je  les  avois  
 gardez  près  de quatre ans ,,quand  le  mâk  
 fut  écrafé  par  le  contrevent  d'une  fenêtre. 
   Ils  étoient  fi  privez,  que  quoiqu'ils  
 euiTent  toutes  leurs  ailles.  Se  qu'ils  volaflent  
 par  tout  jufque  dans  les  bois,  je  
 n'avois  qu'à  fifîîer  pour  les  faire  revenir. 
   J'avois  lieu  d'efperer  que  cette  liberté  
 leur  donneroit  le  moyen  de  faire  
 des pet i t s ,  cependant  ils n'en  firent  point.  
 O n  difoit  qu'étant  hors  de  leur  pays  
 ils  ne  produifoient  plus;  mais  je  fuis  
 convaincu  que  cela  n'eft  pas  veritable,  parh.  
 puifque  Madame  Auger  veuve  du  Gouverneur  
 de  Saint  Domingue  étant à  Paris  
 en  1707.  eut  deux  de  fes  perroquets  
 qui  firent  des petits 8c des  oeufs  plufieurs  
 fois.  H  eft  vrai  que  les  petits  ne  vécurent  
 pas;,  mais  n'importe,  cela  fuffit  
 pour  prouver  qu'ils  peuvent  produire  
 en  toutes  fortes  d'endroits,,  puifqu'ils  
 l'ont  fait  dans  un  climat  auffi  froid  que  
 celui de  Paris.  
 Les  perroquets  de la riviere des  Ama- 
 G  5  zone&  
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