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Crabes
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Crabes
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SO NOUVEAUX VOY
Pendant que les corps des crabes cuifent
dans 'eau, on fait boiiillir le taumalin
en le remuant bien , & quand
tout eft cuit, on mange la chair des.
crabes en la faulçant dans le taumalin
comme on mange la viande avec la
• moutarde.
Souvent on ne fàitpas tant de façons.
On fe contente de faire cuire les tourlouroux
6c les crabes toutes entieres
dans l'eau ou fur les charbons, 6caprès
qu'on les a ouvertes, ou tire lagraiiTe,
les oeufs, le taumalin, on jette ie fiel
qui eft fort reconnoiflable, parce qu'il
eft noir, 6c on mange tout le refte
avec du fel. Cependant quanion mangeroit
le fiel , il ne pourroit caufer
d'ayire mal qu'un peu d'amertume dans
la bouche.
Une autre maniéré d'accommoder les
tourlouroux 6c les crabes, eft après
qu'ils font cuits dans l'eau, avec le fel
de les ouvrir, en- tirer toute la chair ,
les oeufs, la graiiîe 6c le taumalin , 6c
leur donner un tour de poêle dans du,
beure roux , avec de l'oignon haché
bien menu & du perfil y après quoi
on les met dans une eaiTerolle avec un
bouquet de fines herbes , du poivre ,
des écorces d'oranges 6c des jaunes
d'oeuft délayez, dans le jus d'oranges
6c de citrons 5 6c quand on eft prêt de
les fervir, on y rappe un peu de mufcade,
c'eft un très-bon manger.
Les crabes ne difftrent des toulouroux
que par la grandeur. Il y en a
de violettes & de blanches. Les. violettes
fe trouvent dans les montagnes,>
dans les cannes 6c autres lieux éloignez
du bord de la mer, excepté dans
a faifon qu'elles viennent fe baigner
à la mer, qui eft au commencement
des pluyes dans le mois de Juillet.
Les crabes blanches ne fe trouvent que
dans des lieux bas, marecageuxSc vers
A G E S AUX ISLES
les bords de la mer. Elles font biett
plus groflès que les violettes. J'en ai
vû à la grande terre de la Guadeloupe
qui avoient plus de fepc pouces de
large dans leur grand diametre. Elles
ontcinqjambesdechaquc côté, 6c deux
mordans dont les pinces font faites en
maniere de tenaille, d'un fi grand diametre
qu'on peut paifer le poing att
milieu de leur circonférence. Les tourlouroux
6c toutes les crabes ont le mordant
droit un tiers plus gros que le
gauche^
De ces trois efpeces, les toulouroux
font les plus délicats, ôc les crabesblanches
font les moins recherdiées,
On peut dire que ces animaux font
une vraye manne pour le païs. Les
Caraïbes ne vivent prefque d'autres
chofe. Les Negres s'en nourri ilènt au
lieu de viande fallée, que leurs maîtres
négligent fouventde leur donner,
ou parce qu'elle eft rare, ou parce qu'elle
eft chere. Les blancs ne les négligent
pas, 6c on voit par les différentes
manieres de les accommoder, que
je viens de rapportert qu'on en fert
fur toutes fortes de tables.
On dit communément que les crabes
font une bonne nourriture. Pour moi
je fuis convaincu qu'elles font de difficile
digeftion , 6c qu'elles caufent beaucoup
d'humeurs froides 6c hipocondría"
ques. J'ai remarqué que toutes les fois
que j'en avois mangé, quelque foin^
qu'on fe fut donné pour les bien accommoder,
je me trouvois aflbupi 6c
comme endormi le refte de la journée.
J'ai demandé à plufieurs perfonnes fi
elles fentoient la même chofe, 6c fi
elles avoient le même accident, 6c
toutes m'ont aiTuré qu'elles les relTentoienti
d'où j'ai conclu que fi cette
nourriture étoit bonne pour des Caraïbes
qui font^ élevez avec elle, £c aceoutí:
¡„(fur
lickir
iisCruhs.
F R A N C O I S E S DE L'A M E R i a U E . fi
couturncï à s'en nourrir dès leur en- couverture, de chagrin 6c autres eau- 1695.
fonce • fi elle eft bonne pour des Ne- fes femblables. Je conviens que tout
grès cbiit le temperament eft fort 6c cela peut y contribuer, 6c même l'augfobufte,
le travail grand 6c continue], menter quand elle eft formée; mais
6c qui n'ont très-fouvent autre chofe j-ai de bonnes raifonspour croire qu'elà
manger, fi elle eft bonne à des ou- le vient plutôt de la mauvaife nourrivriers
6c autres gens de travail j c'eft ture que de toute autre chofe.
parce que le travail continuel leur aide • Je viens de dire que les Negres 6c
a ladigerre,6c à diiTiper les obftruc- autres gens qui travaillent beaucoup
' ' ne fe reilentoient gueres de la mauvaife
qualité'de cette nourriture; on
en voit cependant beaucoup qui font
attaquez de maux d'eftoniach 6c d'hidropifie,
6c fur tout les Negres des
ne font point aidés a la digerer par Portugais du Brefil y font plus fujets
«n grand travail, en un mot qui n'y que les autres. Peut-être que les maufont
point accoûtumez. Je croi même vais traitemens qu'ils reçoivent de leurs
que la mélancolie 6c la nonchalance maîtres, qui furpaiTent infiniment les
qu'on remarque dans les Caraïbes, eft Anglois en ce point-là, y peuvent conun
effet de cette nourriture pefante 6c tribuer beaucoup ; mais de quelque eau fe
indigefte, qui affoupit les fens en di- que ce mal leur vienne, voici leremede
minuatit le mouvement du fang 6c des qu'ils y apportent, 6c qui réufïït fans
efprits; ce qui eft fi vrai, que les Eu- prefque manquer jamais. Us lesabandon- Remede
ropéens qui s'en nourriflent faute d'au- nent à eux-mêmes, 6c les laiflent comme des^Portre
chofe, 6c qui n'ont pas de vin ou en liberté dans des endroits où il y a de
d'eau-de-vie pour corriger fa crudité grands bocages de pommiers d'Acajou ^^¿¿vp
& fon flegme épais, tombent dans une fans leur donner aucune autre nourriture tomacK
' • " • que celle qu'ils peuvent tirer de ces arbres.
La faim les oblige de fe remplir de
ce fruit, dont le fuc qui eft acide incife
l'humeur épaifTe 6c coagulée qui empêciioit
le mouvement des humeurs 6c la
circulation du fang, ce qui caufoitlesobftruétions,
l'enflure 6c les autres iccidensdont
ils étoient attaquez; de manière
qu'en affez peu de temsils recouvrent
diger _
tiens que cette viande caufe ordinairement
: fielleeft bonne, dis-je, pour ces
fortes de gens, je ne la croi point du
tout bonne pour des Européens, dont
Li conititution n'eft pas fi forte, qui
maladie qli'on appelle aux Mes, mal
d'eftomach ; ils deviennent pâles^ jaunes
ôc bouffis, leurs pieds 6c leurs jambes
s'enflent, ils reiTentent une laffitu-
-de extraordinaire, avec une pefanteur
de tête qui fait qu'ils ont prefque toûjours
envie de dormir, leur ventre 6c
leur eftomach s'enflent, ils tombent
enfin dans une hidropifieincurable, s'ils
n'apportent dés le commencement des une fanté paifaite. Jetions ceci de gens
remedes convenables , qui font les por- de probité qui ont demeuré long-tems
tiens cordiales 6c fudorifiques, les bains
chauds, de bonne nourriture, de bon
vin, de la joye, 6c fur tout de l'exercice
le plus violent qu'on puifîe fbutenir
afin d'exciter la fueur. On prétend
que cette maladie peut encore venir
4e coucher au froid ou au ferein fans
au Brefil. Je croi qu'on pourroit fe fervir
du même remede dans nos Mes avec
un fuccès auffi heureux.
Lorfque les crabes font accommodées
en ragoût comme je l'ai écrit ci-defllis,
elles font beaucoup meilleures; c'eft-àdire
qu'elles font moins mal faifantes
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