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48 N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
1^94. dont j'ai parlé ci-devant, car il ne dépar-
Joit point, & quelque nombreufe que
fut une aflemblée il tenoit le bureau
fans que perfonne eût la peine d'ouvrir
la bouche. Qiielques mois après fon
arrivée, on lui fit époufer la veuve d'un
Capitaine d'un quartier, appellé leCarbet,
il eut en même temps la Compagnie
du deffunt, parce qu'on fut bien
aife de mettre dans nos Milices un Officier
comme lui.
L e fieur le Quoi fon cadet vint aux
Mes en 170 J. c'étoit un homme fort
ofé, qui avoit paiTé toute ili vie dans
es bureaux £c dans le commerce. J'ay
appris qu'il avoit été fait Lieutenant du
Juge Royal dans un Siege nouveau
qu'on a établi au bourg de la Trinité.
Au reileje iuis obligé de dire ici que
les familles nombreufes de Mellîeurs le
Vaflbr font compofées de très-honnêtes
gens. L'aîné étoit attaché aux Jefuites.
L e cadet étoit ami intime de nôtre Mifiîon>
& le plus jeune étoit le pere &lc
bienfaicteur des Capucins.
L e Lundi 8. Fevrier le Pere Martelli
revint de fa ParoiiTe de la Trinité que
le Supérieur general lui avoit donnée,
elle eft éloignée de deux lieiies du fond
S.Jacques. IlparoiiToit fort content de
fonpolte à l'exception de deux chofesj
l'une que la maifon Curiale étoit trop
éloignée de l'Eglife, 6c l'autre que les
Soldats que l'on avoit logez depuis quelque
temps fur la pointe où fa maifon
étoit bâtie,étoient continuellement dans
fa cuilîne, fous pretexte de fe fervir de
ion four en attendant qu'ils en euiTentun
autre pour leur ufagej cela leur facilitoit
le moyen d'emporter tout ce qu'ils
trouvoient fousleur main. Lafuiteafait
connoître qu'il avoit raifon de fe plaindre
^ ce voifinage.
Moi iîeur de la Chardonniere nous vint
rendre viiîte le même jour avec Mefiîeurs
Jaham, Leconte 6c Desfontai- icm
nés i tous trois étoient creóles, c'eftà
dire, nez dans le païs. L e fieur Lecoute
étoit Lieutenant de Milice du Fort S.
Pierre, les deux autres étoient Lieutenant
& Enfeigne de la Compagnie de
Mdnfieurla Chardonniere.
L e Mardi j'accompagnai nôtre Supérieur
general chez Meffieurs de Jorna
& Laquant, 6c chez Madame 6c Mademoifelle
deLacallefafiUe.
L e Jeudi j'allai rendre vifite à Monfieur
de la Chardonniere, 6c aux autres
qui m'étoient venus voir, 6c au retour
j'entrai chez le fieur Gabriel'Raffin
nôtre voifin, il étoit Nantois, Tonnelia
de fon métier, mais il l'avoit quitté
depuis longtemps j 6c après avoir été
marchand au Fort S. Pierre, il avoit
achepté l'habitation où il demeuroit,
qu'on appelle le Pain de fuere à caufe ^^ Pi'i
d'unliletou rocher qui y ell joint, qui
étant regardé d'un côté reprefente un
pain de fuere qui donne le nom à tout ce
quartier-là. Le fieur Raffin cultivoit
une cacoyere, 6c travailloit à établir
une Sucrerie} il entretenoit auffi un
nombre de chevres ou cabrittes fur le
Pain de fuere, qui étoient très-bonnes,
6c qui auroient multiplié à merveilles
fans les Negres Marons qui tendoienc
des attrapes pour les dérober.
On appelle Marons les Negres fugitifs
quife fauventdela maifon de leur Maitre,
ou pour ne pas travailler, ou pour ^Xm
éviter le châtiment de quelque faute
qu'ils ont faite, ils fe retirent pour l'ordinaire
dans les bois, dans lesfalaifes oa
autres lieux peu frequentez, dont ils ne
fortent que la nuit pour aller arracher du
manioc, des patates, ou autres fruits, 6c
voler quand ils peuvent des beftiaux 6c
des volailles.
Ceux qui les prennent Se les remettent
à leurs maîtres, ou dans les prifons,
ou,
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F R A N C O I S E S D
ou entre les mains des Officiers des quartiers
ont cinq cens livres de fuere de recompenfe.
Quand on lesfurprenddans les
bois, ou en volant, on peut tirer deiTus,
s'ils ne veulent pas fe rendre, fi on les
prend après les avoir bleifés pourvû que
ce ne foit pas mortellement, on ala même
recompenfe. Si on les tuë on en eft
quitte en faifant fa déclaration à l'Officiel"
du quartier , ou au Greffe de la
Jurifdidion, 6c en l'affirmant par ferment.
Il eft de ces Negres Marons qui demeurent
les années entieres dans les
bois 6c dans les montagnes qui font au
milieu de l'Ifle, pour peu qu'ils foient
pratiques du pais ils trouvent abondamment
de quoi vivre, parce qu'ils ne
manquent pas dans les bois d'ignames
6c de choux caraïbes fauvages ni de
E L 'AMERIQ.UE. 45-
choux palmiftes. Ils pèchent à la main
dans les rivieres, ils prennent de gros
lézards, des crabes 6c des tourlourous
tant qu'ils veulent. Et dans les Ifles de
la Grenade 6c de la Guadeloupe, ils ne
manquent pas de certains animaux qu'on
appelle des Tatous 6c des Agoutils. J'expliquerai
toutes ces chofes dans la fuite.
Je ne trouvai plus le Pere Martelli à
mon retour, il étoit retourné àfaParoiflc
fur l'avis qu'il avoit eu qu'il y avoit un
malade au eul de fac Robert éloigné de
la Trinité de quatre lieues. Car en ce
temps-là le Curé de la Trinité étoit chargé
du foin du cul de fac Robert, du cul de
fac François, 6c des autres quartiers jufqu'à
la pointe des Salines, de maniéré que
cette Paroiife avoit plus de quinze lieiies
d'étendue, on l'a depuis partagée en trois
ParoiiFes.
C H A P I T R E V I,
L'Auteur ejl envoyé dejjervir la FaroiJJe du Macmba. Vefcri^tion du
quartier, des bêtes rouges» & des chiques.
iE Samedi 13 Fevrier , le Supérieur
general me donna la
Paroiife du Macouba , qui
eft à quatre lieiies à l'oueft
du fond S. Jacques. On me donna
un Negre pour me fervir appellé
Robert Popo , âgé de quinze à feize
ans, avec un cheval nommé Corobol,
parce qu'il venoit d'un Ifle qui porte ce
nom, qui eft habitée par lesHollandois.
Les Geographes l'appellent Curacao.
Onmepourveutauffi d'un pain 6c d'une
bouteil e de vin. Le Supérieur general
fe remettant à la Providence, 6c à mon
fçavoir faire pour mon entretien 6c ma
nourriture jufqu'à ce que le Supérieur
particulier y eût pourvû.
Le Negre qu'on m'avoit donné étoit
creolle, il avoit déjà fervi d'autres Curez,
il connoiiToitle quartier oii j'allois, il par»
loit François, 6c d'ailleurs j'étois déjà accoûtumé
au baragouin ordinaire des Negres.
_ ,
Je partis immédiatement après dîner.
Jepaiîai à la grande Ance, je trouvai le
Pere Imbert à la porte de fon Eglife,
J'allai lefaluer 6c lui demander fon amit
i é i il m'embraifa, me combla de civilitez,
rejetta fur fon Ncgre ce qui étoit
arrivé q'.iand nous étions paifez } il m'obligea
de m'aller raifraichir chez lui, 011
il vouloit me retenir jufqu'au lendemain
que je pouvois aller dire la Meife à la
Faroiflè qui m'étoit deftinée. Nous devînmes
bons amis dés ce moment,.Se nous
l'avons toûjours été depuis. A la fin je
montai à cheval pour continuer mon voyage.
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