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 1694.  
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 Si«- 
 l i i e z  
 de  la  Bertene  
 U'  
 hs  précautioits  
 qu'il  
 faut  
 prendre  
 avant  
 d'en  
 rn  anger.  
 N O U V E A U X  VOY  
 reufe.  Nos Sauvages qui attaquent 5c qui  
 tuent  à  coups  de  couteau  les Requiens  
 &  les  Pantoufliers,  n'ofent  fejoiier  aux  
 Bccunes,  parce  quepailiint  avec une viteiîè  
 extraordinaire,  elles  emportent  un  
 bras,  une  jambe  ou  une  tête,  comme  
 s'ils  étoient  coupez  d'un  coup  de  fabre.  
 Il  eft  arrivé  plulieurs  fois  que  des  chevaux  
 &  autres  animauxpaflans  à  lanage  
 ont eu les jambes coupées,  ou le ventre  à  
 moitié  emporté,.  
 .  On  prend  beaucoup  de  Becunes  à  la  
 fenne  &  à  la  ligne,  mais ce font  des petites  
 ,  c'eft-à-dire,  depuis  un  pied  &  
 demi  jufqu'à  trois  pieds  de  longueur.  
 C'eft  un  très-bon  poiiîbn;  fa chair  eit  
 blanche,  ferme,  allez grafle,  6c de  même  
 goût  à  peu  près  que  le  Brochet,  
 mais  il  n'en  faut  pas  manger  fans  précaution, 
   car il eft  fujet  à  s'empoifonner  
 &  à  empoifonner  ceux  qui  le  mangent  
 quand  il  eft  en  cet  état.  Comme  il eft  
 extrêmement  vorace  :  il  mange.goulument  
 tout  ce qui  fe rencontre  dedans  8c  
 deflusl'eau,  &  ilarrive très-fouvent  qu'il  
 s'y rencontre  des Galeres ou des  Pommes  
 de  Mancenilier  qui  font  des  poifons  
 très-vio'ens  &  très-cauftiques.  LaBecune  
 n'en  meurt  pas  ,  quoiqu'elle  en  
 mange,  mais  fa  chair  contraéte  le  venin  
 &  fait  mourir  ceux  qui  la  mangent  
 ,  comme  s'ils  avoient  mangé  de  
 ces  méchantes  Pommes  ou  de  ces  Gale- 
 ,  res.  
 L e  moyen  de  connoître  iî  on  peut  
 manger  de  ce  poiiTon  ilms  danger,  eft  
 , de  villter  fes  dents  ,  car  iî  elles  font  
 noires,  c'eft une marque  infaillible  qu'il  
 cft  empoifonné.  Si  ce  figne  eft  équivoque  
 ,  comme  il  arrive  quand  elles  ne  
 font  pas  tout  à  fait  noires  ,  ni  auffi  
 tout  à  fait  blanches,  il  faut  goûter  le  
 foyc,  &  iî  on  le  trouve  tant  foit  peu  
 amer,  il fautjetter le poiflbn comme  empoifonné. 
   Il  y a d'autres poilTons qui  ont  
 A G E S  AUX  ISLES  
 lemême  défaut,  &  à qui il faut apporter  ifo  
 les  mêmes  précautions  avant  d'en  man-  '  
 ger.  J'en  parlerai quand  l'occafion  s'en  
 prefentera.  
 Voici  une  remarque  qu'il  eft  bon  de  
 ne  pas  renvoyer  plus loin.  On  eft aflijré  
 parplufieurs  experiences que les poiffons  
 voraces  comme  le  Requien  ,  le{°ï''  
 Pantouflier  ou  Zigene &  laBecune,  attaquent  
 plutôt  un  chien  ou  un  cheval  
 qu'un  homme,  &  plutôt  un  Negre  
 qu'un  blanc  -,  quand  dans  le  renverfement  
 d'une  barque  ou  d'un  canot  ils  
 trouvent  ces  différentes  efpeces  d'animaux  
 à  la  mer.  Je  laifle  aux  curieux  
 d'en  chercher  la  railbn  v  il  iuffit  que  
 le  fait  que  je  rapporte  foit  veritable  6i  
 approuve  par  tous  ceux  qui ont  une  veritable  
 connoiiTance  de  l'Amérique,  6c  
 des  autres  endroits  oîi  l'on  trouve  de  
 ces  poiflbns  carnaiîîers.  Mon  fentiment  
 eft  que  les  corps  des  chiens  &  des  chevaux  
 exhalent  des  corpufcules  qui  frapant  
 cespoiifons plus  vivement,  les  attirent  
 davantage.  Comme  nous  voyons  
 que les loups,  les corbeaux  &  même  les  
 chiens  viennent  plutôt  à une  charogne  
 ou  à  un  corps  qui  commence  à  fe  corrompre, 
   qu'à  un  corps  qui  eft  récemment  
 privé  de  la  vie,  ce  qui  à mon avis  
 ne  peut  venir  que  des  corpufcules  qui  
 s'exhalant  pour lors en plus grande  quant 
 i t é ,  s'étendent auffi plus loin  Scfrapent  
 plus  fortement  les ; organes  de  ces  animaux. 
   
 Mais une  chofe  aiTez  furprenante,  &  lû»  
 qui  eft  cependant  de  notoriété  publique, 
   eft  que  les  mêmes  poiiTons  atta-^^^S  
 quent  plûtôt  un Anglois qu'un François fiêilt  
 quand  ils  les  trouvent  enfemble  à  la »î»,^«"  
 mer.  Seroit-ce  que  l'Anglois auroit les  
 pores  plus  ouverts  que  le François,  &  
 que  par une fuite  neceflaire  il  exhalerait  
 plus  de  corpufcules  propres  à  fraper les  
 ©rganes  de  ces  poiflbns,  à  les  attiter  
 :  
 1694.  
 F R A N C O I S E S  DE  L 'AMERK^UE.  ij - 7  
 ter : Mais pourquoi  les auroit-il  plus ou-  de  tous  les  Européens qui  font venus  les  
 f!  
 CinjeCme  
 de  
 l'Aumr  
 de  
 Ci  [ajtt.  
 verts?  Y  auroit-il  quelque  difference  
 notable  entre  les  corpufcules  du  corps  
 d'un François  Se d'un  Anglois.''  J'ai  entendu  
 raifonner  bien des  gens  fur  ce  fait  
 fans  qu'on  foit  arrivé  à  m'en  donner  
 une  raifon  démonftrative  8c  convainquante. 
   Après  y  avoir  bien  penfé,  il  
 m'a  femblé  que  cela  pouvoit  venir  de  
 la  nourriture  des  Anglois  8c  de  leur  
 temperamment.  Il  cft  certain  qu'ils  
 mangent  beaucoup  de viande,  peu  cuite, 
   &  prefque  point  de  painj  d'où  eft  
 venu  une  efpece de proverbe,  du  moins  
 parmi  les  Irlandois:  que  le  pain  eft  la  
 nourriture  de  la  neceffité.  Or  il  eft  
 certain  que  la  quantité  de  viande  produit  
 dans  ceux  qui  la  confomment  une  
 certaine  odeur  que  ceux  qui  en  mangent  
 moins fentent  aifément,  quoiqu'elle  
 ne  foit  pas  fenfible à  ceux  qui  mènent  
 la même  vie ^ 8c  c'eft  ce  que  l'experience  
 nous  fait  remarquer  dans  les  
 Bouchers,  je  dis  dans  ceux  mêmes  qui  
 font les  plus  propres}  comme  ils  font  
 toûjours au milieu  de  la  viande,  8c  que  
 d'ordinaire  ils  en  confument  aflez  pour  
 leur  nourriture,  l'odorat  les  diftingue  
 aifément  fans  qu'on  les  connoiiTe  entre  
 plufieurs  perfonnes  avec  qui  ils  fe  
 rencontrent:  Pourquoi  ne  pourra-t-on  
 pas dire  la  même  chofe  dea  Anglois  ?  
 &c.  
 ^ D'ailleurs ils font d'un  temperam ment  
 délicat  8c  gras,  la  plûpart  d'un  poil  
 roux  ou  blond,  qui  dénote  une  chair  
 Hiolle,  poreufe  8c  comme  fpongieufe,  
 d'où  il  fuit  qu'ils  ont  les  pores  plus  
 ouverts,  Sf  par une  feconde  confequence, 
   ils produifent une exhalation de corpufcules  
 dont  l'odeur  eft  plus  penetrante  
 ,  fe répand  plus loin, 8c frappe davantage  
 les  organes  de  ces  animaux,  
 iln'yapasjufques  à  nos  Caraïbes  qui  
 ont,  comme l'on f ç a i t , goûté  de la chair  
 1(594:  
 chaiîer  de  leur  pays,  qui n'avouent  que  
 la chair  des  Anglois  eft  plus délicate  8c  
 plus  apetiiTante  que  celle  des  François  
 &  des  Efpagnols,  8c qui  nediftinguenc  
 mieux  à  l'odorat  les  veftiges  ou  traces  
 où  un  Anglois  ou  un  Negre  ont  paiTé  
 que  pas  une  autre Nation  :  car c'eft une  
 chofe  merveilleufe  de  voir  avec  quelle  
 j-ufteife 8c quelle  certitude  ils  démêlent  
 dans  un  bois  les  routes  qu'une  homme  
 a  tenu,  le  fuivent  pas  à  pas  en  flairant  
 la  terre,  &  diftinguent  fi  c'eft un Blanc  '  
 ou  un  Negre,  un  François  ou  un  Anglois. 
   Sur  ce  principe  qui  eft très  certain  
 , pourquoi  ne pourra-t-on  pas  croire  
 que  les  poiflbns  ont  l'odorat  aflcz  fin  
 pour  connoître  ce  qui  leur  convient  
 davantage,  8c  pour  e  chercher  avec  
 plus d'emprefl'ement.  Je  ne donne  pourtant  
 ceci  que  comme  une conjefture qui  
 m'eft  venue  dansl'efprit,  laifllintàtout  
 le  monde  la  hbertéd'en  juger  comme il  
 le trouvera  à  propos,  Se me  foumettant  
 à  corriger  le  mien dès  qu'on  m'aura  fait  
 voir  quelque  chofe  qui  approchera  davantage  
 de  la  vérité.  
 J'ai  dit  cy-devant  que  la  Becune  
 s'empoifonnoic  en  avalant  des  galeres  y  
 il  eft jufte  de  dire  ce  que  c'eft  que  ce  
 poiflbn.  
 La  Galere  ne  paroît  fur  la  furface  de  
 la  mer  que  comme  un  amas  d'écume  
 tranfparente,  remplie  de  vent  comme  
 une  veflîe  peinte  de  plufieurs  couleurs,  
 où le bleu,  le rouge,  5c  le  violet  dominent. 
   C'eft pourtant un  poiflbn plein  de nefvie, 
   dont  le  corps  compofé  de  cartila-  cription  
 ges  &  d'une  peau  très-mince,  fe  rem-  ^  j'^  
 plit  d'air  qui  le  foûtient  fur  l'eau  8c  le  
 fait  flotter  au  gré  du  vent  ôc  des  lames  
 qui  le  jettent  iouvent  fur  le  rivage  
 où  il  demeure  échoiié  fans  fe  
 jouvoir remuer ,  jufqu'à ce qu'une  autre  
 ame,  onde  ou  vague  comme  on  voa- 
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