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14^ NOUVEAUX VOY AGE S AUX I5LES
les Michel 6c Dauville ne fortirent point
de ma maifon tant que je fus en danger y
elles avoient leurs fervanres avec elles,
j'étois fcrvicomnac unPrince.AprèsDieu
je leur dois la vie, Sc au fieur Sigaloni,
"Enfeigne de la Compagnie de Milice
du quartier;, il avoit exercé autrefois
la Chirurgie, mais étant devenu riche
il ne la pratiquoit plus que pour fes
amis. Le Chirurgien de la BaiTe pointe
nommé la Serre, ne me quitta pas un
moment pendant cinq jours. Celui que
Bous avions au Macouba m'auroit bien
rendu les mêmes fervices, mais je l'avois
enterré depuis quelques jours y il
étoit tnort d'une morfure de ferpent
au talon, qu'il avoit négligée, la prenant
pour une pic^ueure d'épines. Com"
me il étoit avare a l'excès il alloit nuds
pieds, il portoit fes ibuliers fur Ibn
épaule, 8c ne s'en fervoit que le Dimanche
pour aller à TEglife, ou quand
il étoit obligé de-faire quelques vi£-
tes de confequence.
L e Vendredi matin je fus faigné du
bras, on m'appliqua des pigeons aux
plantes des pieds & fur le eoeur. Cela
me fit du bien, mais ma fièvre ne diminua
point. Je commençai le foir à
lendre beaucoup de fang parla bouche.
L e Samedi on commença à reinarquer
des marques noires, rouges & vertes
fur ma peau. Quoique tous les fignes
ne donnaficnt aucun lieu de craind|
e pour moi . Se que mes deux Chirurgrcns
aiTuraflent que ma maladie n'aufoit
point de méchante fuite, je ne
laiilai pas d'envoyer chercher le Pere
Breton, & de me confefler, je demandai
la Communion, mais mon vomif^
lement étoit trop continuel, quand
même il l'auroit été moins, les Chirurgiens
ne jugeoientpas àproprosdeme
Ja faire donner.
Le Dimanche für le foir j'eus une
crife qui décida de mon fort,, elle dura
près de fix heures j elle emporta avec ti
elle mon mal de tête, mon mal de
reins êc une partie de ma fièvre, mais
elle m'abatit tellement que je ne pou- '
vois ouvrir ni les yeux ni la bouche.
On m'avoit encore faigne du pied le
matin.
Le Lundi la fièvre me quitta tout«
à^fait, & je commençai à dormir. Oii.
toe fit prendre fur le foir une potion
cordiale & fudorifique qui acheva de
me faire rendre le refte du venin par
des fueui-s qui durèrent prefque toute
knuit, & qui donnèrent bien de l'exercice
à ceux qui avoient foin de moi,
il me relia cependant une envie de vomir
qu'on aida avec un peu d'émetique
qu'on me fit prendre le Mardi matin,
qui fit un eiFet merveilleux quoiqu'il
m'abbattît beaucoup, mais il me lailTa
un grand appétit.
Le Jeudi jour de S. Jean-Baptifte mon
Patron,Je me levai contre Je fentimenc
de mes Chirurgiens, Se je dis la Meffe;
il ell: vrai que je me trouvai fi foibie
quand ellefutachevée, qu'onfut obligé
de me reporter chez moi. Je me remis
tout-à-fait les deux jours fuivans fans
qu'il me reftât de ma maladie que les
frandes marques du venin, & une foileffe
qui étoit extrême.
L e Dimanche i j . après la MeiTe,
Monfieur Michel me fit porter chez lui
dans un hamac afin de me faire changer
d'air, & me fortifier. J'y demeuraijufqu'au
Samedi fuivant. Pendant tout ce
tcms-là il n'oublia rien de tout ce qui
pouvoit contribuer à me divertir. Nous
eûmes compagnie tous les jours. Le
Pere Cumels Supérieur general de nos
Miffions, SclePereCabalTon Supérieur
de nôtre Miffion de la Martinique,
me vinrent voirj ils furent charmez
desbontez qu'on avoit pour moij ils
eoucherent chez Monfieur Michel ; ils
avoient vû.en paflàntma. maiibn& mon.
jar^
F R A N C O I S E S
D E L 'AMERIQUE. 147
;()4. jardin dont ils me parurent très-contents.
Le Samedi 5. Juillet, je retournai
chez moi après dîner j je me trouvai
fibien remis, que je chantai la Mefl'e
le lendemain, « j e prêchai. Tous mes
Paroifliens me vinrent feliciter fur le
retour de ma fanté j je retins les principaux
à dîner.
Le lendemain 8c les jours fuivans je
fus rema-cier tous ceux qui m'avoient
vifité pendant ma maladie, c'eft-à-dire
Jardinier du Roi avoit un fecrct pour
les remettre en kur premier état, pour
peu qu'ils euiTent encore de vie quand
on les lui remettoit entre les mains. Il
lui avoit dit comment il falloit les arracher
& les empaqueter pour les tranfporter.
Voici comme on s'y prit. On
fcia toutes les branches à un pied &
demi du tronc, & auffi-tôt qu'elles
étoient fciées, on couvroit le bout avec
un paquet de terre graiTc que l'on couvroit
de cire jaune, que l'on envelopque
je' fis tout le tour de ma Paroiife, & poit dans un morceau de toile cirée ou
d'une grande partie de celle de la BaiTe- gaudronnée. Ondéchauilà enfuite l'ar-
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pointe, 8c entre les autres Monfieur Sigaloni
qui avoit eu foin de moi, 8c
m'avoit fourni les remedes. Je lui prefentai
une bourfe, '6c le preflai de prendre
ce qu'il voudroit, mais il me fut
impoffible de lui faire accepter la moindre
chofe, ni pour fes peines, ni pour
fes remedes. Le Chirurgien delaBaflehonnêtetè.
bre tout autour, ayant bien foin de ne
rompre 8>. de n'endommager aucunes
racines. Quand il fut hors de terre on
coupa toute la chevelure, 8c on replia
doucement toutes les moyennes racines
autour de la plus groffèj on enferma
enfuite toutes ces racines dans de la
terre même où l'arbre avoit été planté,
que l'on avoit h pointe eut la même honnêteté.J'ai umedèe avec de l'eau
dit que Monfieur Sigaloni ne pratiquoit comme pour en faire du mortier, on
la Chirurgie que pour fes amis, il étoit couvrit cette mafie avec de la terre
très-habile} il avoit appris fon métier grafie, 8c on enveloppa le tout dans de
fous un de fes oncles fameux Operateur,
avec lequel il avoit roulé toute
l'Europe} il avoit de beaux fecrets, il
fe fervoit beaucoup des fimples, 8c les
preferoit aux autres mèdicamens.
Le Lundi i z. Juillet je fus à la BaiTeterre
dire adieu à Monfieur de la Heronniere
qui s'en retournoit en France,
Il me témoigna fouhaitter quelques
iâ toile gaudronnée, obfervant de les
tenir à l'air pendant le voyage, 8c fur
tout la nuit, 8c de les garantir de k
chaleur du foleilqui auroitpû lesfecher.
Ce fut en cet état que Monfieur de la
Herçnniere les fit porter à bord, dont
il nous remercia beaucoup. Il partit le
Jeudi fur le foir, après avoir dîné chez
nous avec le fieur Kercoue qui retourpieds
d'orangers des plus gros, j'en noit en France avec des projets de couriê
demandai à nôtre Supérieur qui me 8c de commerce qu'il avoit faits avec
laifla maître d'en prendre tant que je quelques perfonnes de la Martinique,
voudrois. Je le mandai à Monfieur de Le Vendredi 16. Juillet je retournai^
la Heronniere qui vint en choifir une de grand matin à nu Paroiflê.^ Mes ^ ,,
te/i- douzaine,, entre Icfquels il y en avoit Charpentiers fe, trouvèrent en état ,
tmf- l^^'^re d'oranges de la Chine, Tous ces monter l'agrandifiemerit de ma maifon u maifmirin
arbres étoient fort gros, le moindre qui fe trouva ainfi de trente-deux pieds/»» c«-
'rm^en avoit fix pouces de diamettre. Je dou- de long fur feize pieds de large, Lafalle
tois qu'ils pufl'ent lui être d'aucune uti- que l'on trouvoit en entrant avoit feize
(t, lité en France, mais il m'aflura qu'un pieds en quarré. Les deux portes appo-
X z fées
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