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54 NOUVEAUX VOY
chez le maître de la NegreiTe, & j avoit
couché. Le maître qui s'en etoit
fouveriu, n'avoit pas manqué d'en faire
fou^^enil' fa Negrefle, §c de la bien in*
fliniire de tout ce qu'elle avoit à dire j
en forte que ce fut nne fcen« des plus
plaiiàntéS d'entefldTe les circônftances
qu'elle rapportoit pour prouver qu'elle
n'avoit Jamais contiu d'autre homme
que lui. Le Juge mit tout en oeuvre
pour l'obliger dé fe couper fans y pouvoir
reiiffir j elîe demeura toûjours ferme,
8c comm« elle tenoit ibn enfant entre
fes bras, elicle prefentoit ;ui Frere ***
en lui difiint, taipapa //, & puis elle le
momroit à toute l'afTemblce, prétendant
qu'ilTeiTembloit comme deux goûtes
d'eau au Frere qui, toutaccoûtumé
qu'il devoit être à ces fortes d'avantures,"
étott tellement décontenancé,
que tout le monde pâmoit à force
de rire, fans pouvoir au vrai diftinguer
qui en donnoit plus de fujet, ou l'effronterie
de la Negrefle qui paroiflbit
accompagnée d'une grande naïveté, ou
Pcmbarras oi^i fetrouvoit ce Religieux,
homme très-fage , & reconnu de tout
le monde pour incapable d'une pareille
foiblelTe, ou la gravité chancelante du
Juge, qui malgré tous fes efforts auroit
fiiccombé, s'il n'eut fini cette fccne en
renvoyant la Negrefle chez fon maître
jufqu'à plus ample information, les dépens
refervez.
Quand les maîtres ne font pas coupables
de ces excès, il eft facile aux Nc-
.jrefl'es de tirer d'affaires leurs amis, &
eur épargner le chagrin de payer l'amende
î elles n'ont qu'à nommer
lour pere du Mulâtre quelque mateot
d'un vaifleau qui eft parti, ou quelque
foldat qu'elles ont rencontré dans
le chemin, & dont elles ne fçavent pas
le nom j & c'eft à quoi elles ne manquent
gueres. Elles en font quittes pour
A G E S AUX ISLES
quelques coups de foiiet, que Ton lear k;«]
fait diftribuer pout ks rendre plus fa.
ges.
Les Religieux de la Charité auroicnt
bien voulu obliger les Cureï à leur donner
avis des enfans Mulâtres qu'ils baptifoient,
mais jufqu'à prefent ils ne l'ont
p'û obtenir. Les-Curez ont eu de bonnes
raifons pour ne point s'embaraifcr
dans ces fortes de difcuflîons , qui
ne ponvoient que leur être defagrcables,
êc rendre leur minifterc odieux.
Ils ont reprefenté ce que j'ai dit cy-devant,
que penfant remedier à un mal,
on ouvroit la porte à un plus grand ,
qui etoit des avortemens frequens que les
NegreiTes fe procuroient. Laplûpart y
font fort adroites , Se connoiflènt des
fimples qui leur font faire cette operation
avec un facilité fui-prenante.
Les Sages-femmes cachent ordinairement
la qualité de ces fortes d'enfans.
quand elles les apportent au Baptême j
ce qui leur eft très-facile, car il ne paroît
aucune difference pour la couleur
entre les uns & les autres, toute forte
d'enfans étant blancs ouprefque blancs,
quand ils viennent au monde, ce n'eft
qu'au bout de huit à dix jours que la
couleur qui les fait diftinguer commence
à paroître.
Lorfqu'on veut être aifuré de quelle cmcouleur
doit être l'enfant, Il n'y a qu'à
le faire découvrir, car s'il eft d'un Ne- ^^^
gre & d'une Negrefle,
il a les parties^„1
naturelles toutes noires >
& s'il eft d'un mliia
blanc & d'une Negrefle, fes parties font^^"^
blanches ou prefque blanches. Si on ne
veut pas venir à cette preuve, en voicy
une plus aifée, c'eft de regarder à la
naiflance des ongks, c'eft-à-dire, à
l'endroit oîi les oncles for'tent de la
chair , car fi on remarque que cet endroit
foit noir, c'eft une marque infaillible
que l'enfant fera noir} mais fi cette
F R A N C O I S E S PE L'AMER.ia.UE. 3f
te place eft blanche «u prefque blanche
, on peut dire avec certitude que
l'enfant eit Mulâtre} foit qu'il provienne
d'un Blanc £c d'une Negrefle,'ou
d'une Blanche 8c d'un Negre. J'en ai
vû & baptifé de ces deux façons, &
j'y ai toûjours remarqué ce que je viens
de dire.
Qiraprès cela les Médecins nous difcnt
tant qu'ils voudront que les deux
fexes ne concourent pas également à
la produûion de l'enfant , & que les
femmes font comme les poules qui
naturellement ont des oeufs dans le
corps, Se que l'hommecomme le cocq
ne fait autre chofe que les détacher &
perfeétioniier le germe. Car fi cela étoit
jjne Negrefle feroit toûjours des enfans
noirs, de telle couleur que pût être le
mâle, ce qui eft tout-à-fait contraire à
l'experience que nous avons , puifque
nous voyons qu'elle fait des noirs avec
unnoir, & des Mulâtres avec un blanc.
Si on marie des Mulâtres mâle ou femelle
avec des perfonnes blanches, les
enfans qui en proviendront feront plus
blancs, leurs cheveux ne feront prelque
plus crefpus. On ne reconnoîcra la
troifiéme genei'-ation que par le blanc
des yeux qui pai'oîtra toûjours un peu
battu, ce deffaut ceflera à la quatrième
generation , pourvû qu'on continue à
les unir toûjours avec des blancs j car
iî on les allioit avec des noirs, ils retourneroient
dans le même nombre de
generations, à leur premiere noirceur>
parce qu'une couleur fe fortifie à mefure
qu'elle s'unit à une couleur de
même efpece, Se diminue à mefure
qu'elle s'en éloigne. Les enfans qui
naiflent d'un blanc Se d'une Mulâtreffe
font appeliez Quarterous, Se ceux qui
viennent d'un blanc Se d'une Indienne,
Merifs.
Je n'ai .connu dans nos Ifles du vent
que deux blancs qui euffent époufè des
NegrçiTes. Le premier s'appelloit Lietard,
Lieutenant de Milice du quartier
de la Pointe noire à la Guadeloupe. J^^/^^f
C'étoit un homme de bien qui par un ^es Neprincipe
de confcience avoit époufé une ¿reps.
très-belle Negrefle , à qui felon les
apparences ij ^voic quelque obligation.
L e fécond étoit unProvençal nommé
Ifautier, Marchand au Fort S • Pierre de
la Martinique. Son Curé lui mit tant
de fcrupules dans l'ame, qu'il l'obligea
d'époufer une certaine Negrefle
appellée Janncton Panel, qui auroit
eu bien plus de maris que la Samaritaine
fi tous ceux à qui elle s'étoic
abandonnée l'avoicnt époufée.
Monfieur Lietard avoit de beaux petits
mulâtres de fon époufe noire, mais
le Provençal n'en eut point de la fîennej
il demeura même aflêz peu de tems
avec elle, parce que fes compatriotes
lui firent tant de honte d'avoir épcuifé
cette créature qu'il la quitta j & elle
s'en mit peu en peine, aflez contente
decequ'e le profita dans le tems qu'elle
demeura avec lui, Se du nom deMademoifelle
Ifautier qu'elle avoit acquis
par fon mariage.
Quoiqu'il ïoit plus rare de trouver
des femmes blanches débauchées par des
Negres, que des Negreflês débauchées
parde&blancs, cela ne laiiTe pas d'arriver
quelquefois i & peut être que s'il y
woiilbit à chaque fois que cela arrive ,
e cas feroitbeaucoup moins rare. Mais
a honte d'une femblable action leur
fait employer les mêmes remedes dont
lesNegreflés fe fervent pour empêcher
l'éclat, que feroit leur crime s'il venoic
à paroître. On en fçait pourtant quelques
unes qui après être tombées dans
ces déreglemens, ont eu trop de confcience
pour faire périr leur fruit. Se
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