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 V O Y A G E S  AUX  ISLES  
 5-2  NOUVEAUX  
 portois  fouvent la main,  elle  en  devina  
 auffi-tôt la  caufe,  ôc me dit  que  j'avois  
 pris  des  bêtes  rouges  en  me  promenant  
 dan?les favannes duMoiiillage ou du fond  
 de faint Jacques.  Je lui avouai  quejem'étois  
 promené  dans  ces  lieux,  èc  qu'effeétivement  
 j'avois fenti depuis ce tems- 
 Le  fouper  fut  comme  le  dîner  ,  trèsabondant  
 ,  très  propre  ôc très-bien  fervi  
 :  ces  Meiïïeurs  fe  remirent  au  jeu  j  
 je  les regardai  quelque  tems,  puisje me  
 retirai.  
 Je  trouvai  qu'on  m'avoit  accommodé  
 un  lit  fort  propre,  au  delTus  de  la  
 Iê94'  
 là  des demangeaifons  ii  furieufes, que je  falle où  nous avions  mangé.  Un  Negre  
 m'érois  écorché toutes  les jambes à force  
 de me  grater.  Elle  commanda  auffi-tôt  
 à  une de fesfervantes d'aller  chercher des  
 bourgeons de vignes Se demonbain,  (c'eit  
 un  arbre  qui  vient  fort  grand,  dont  je  
 parlerai  une  autre  fois)  de  cueillir  des  
 y apporta  un  chaudron  plein  de  l'eau 6c  
 des herbes qu'on  avoit  fait  boiiillir,  8c  
 me  lava  les  pieds  6c  les  jambes  qu'il  
 trouva  remplies  d'écorchures  6c de  bêtes  
 rouges i  &  comme  on  l'avoit  averti  
 de  prendre  garde  fi  je  n'avois  point  
 feuilles  d'orangers  6c des  herbes  odori-  de  chiques,  il  y regarda,  Sctrouvaque  
 ^ ^  —  — _  '  '-k  y—» ^ -» «11««^  «  T ^  « ^ ^ AA  ^  tf  ^  n  ^  ^^  __ _ _ _ _  férantes,  £c  de  les  faire  bouillir  pour  
 me  laver  les  jambes  avant  de  me  coucher. 
   
 Ces  petits  animaux  qu'on appelle  bêtes  
 rouges, • fe  trouvent  ordinairement  
 dans  les  favannes  qui  font  un  peu  feches. 
   Afin  qu'on  fçache  ce  que  c'eft  
 ^éies  que  favanne  }  je  dirai  que  favanne  &  
 prairie  font  la . même  chofe.  Le  mot  
 h"mal  del'Efpagnoliiîi-w/i?,  quifignifie  
 fiu elles une  prairie.  Les bêtes  rouges font com- 
 ««/f»/, nmnément  de  la  grofleur de  la  pointe  
 meK''  épingle  ,  toutes  rouges  ,  6c  on  
 ^uony  peut  dire-toutes  de  feu  ,  puifque  dès  
 ^fporu. qu'elles  font  pailees au  travers  des  bas,  
 ,  &  qu'elles  fe font  attachées  à  la  peau,  
 elles  y  caufent une  demangeaifon  épouventable. 
   Les chevaux  6c les  autres  animaux  
 qui  font  à  la  pâture  en  ont  quelquefois  
 le  mufeau  &  la  tête  tout  cou-.  
 j'en  étois  déjà  pourvû de quelques-unes.  
 La  Chique  que  les  Efpagnols  appellent  
 Nigas,  eft  un  très-petit  animal  
 noir,  dans fes commencemens  que  l'on  
 trouve dans  tous  les lieux  oii  il  y  a  des  
 cendres,  ou  qui  font mal-propres.  Cet  
 infede  paife  aifément  au  travers  des  
 bas,  6c  fe  loge  ordinairement  fous  les  
 ongles des  pieds,  dans  les jointures  ou  
 dans les endroits de la  peau  qui  font  un  
 peu  élevez.  La  douleur  qu'il  fait  en  
 perçant  la peau,  ou plutôt  l'épiderme,  
 eft:  comme  une  médiocre  piqueure  de  
 puce.  Après  qu'il  s'eft  logé  ,  il  ronge  
 doucement  la  chair  autour  de  lui,  où  
 il n'excite  qu'une  petite  demangeaifon  ,  
 femblable  à  un  leger  chatouillement >  
 il groffit  peu  à peu,  s'étend  6c  devient  
 enfin comme  un gros  pois.  En  cet état  
 il  fait des oeufs  qui  s'éclofent,  6c  font  
 B'iflme  
 d'un  
 Capucin. 
   
 verts 6c tout  rouges,  6c fe frottent con-  autant  de  petits  Chiques  qui  fe nichent  
 tre  les  pierres & contre les  arbres,  comme  
 s'ils  vouloient  fe déchirer.  Mais  ces •  
 petits  infeéles ne  font pas feuls,  il  y  en  
 a  d'une  autre  efpece,  qui  ne  font  pas,  
 en  moindre  quantité  6c  qui  font  plus,  
 dangereux  :  on  les  appelle  des  Chiques  
 autour  de  leur  mere  ,  s'y  nourrilfent  
 comme  elle,  &  s'augmentent  de  telle  
 maniere,  fi  on n'a  pas  foin  de  les  tirer,,  
 qu'elles  pourriflènt  toute  la  chair  aux  
 environs,  y  caufent des ulcérés  malins  ,  
 6c quelquefois la  cangrene.  Mais  quand  
 on  les fent entrer,  ou qu'on  s'en  apper- 
 Nous  foupâmes  après nous  être  pro-  çoit  dans la  fuite,  il n'ell  rien  de  fi  famenez  
 &  avoir  caufé  aiTez  long-tems. ;  cileque  d'y,apporter  le  remede,  ou  par  
 .  "  •  ^  foi- 
 F R A N C O I S E S  
 D E  L'AMERIQ.UE.  fi  
 foi-même ou  par  le fecours d'un  autre.  
 La  noirceur  de  la  Chique  la fait  alternent  
 remarquer  entre  la  chair  &  la  
 peau ; ainfi on prend  une  épingle ou  un  
 couteau  bien  pointu,  6c on  dechauiTe  
 tout  doucement  aux  environs  du  trou  
 qu'ellea  fait en  entrant,  on tire de  cette  
 fiçon la peau  tout  au  rour  de  la  Chique, 
   6c  quand  elle  paroît  à  découvert  
 &  toute  entiere ;  on  la tire dehors.  On  
 remplit  le trou  avec  du  fuif  ou  de  ce  
 qu'on  tire  des oreilles,  ou bien encore  ,  
 &  beaucoup  mieux  avec  de  la  cendre  
 de  tabac.  Mais  quand  on  néglige  les  
 Chiques,  ou  que  les  tirant  mal  on  en  
 laiiTe une partie  entre  cuir  chair  ,  on  
 fe met  au  hazard  d'avoir  des  ulcérés,  
 6c de  refter  long-tems  entre  les  mains  
 des Chirurgiens.  
 Quand  on  regarde  une  Chique  avec  
 unemicrofcope,  le dos paroît  rond  avec  
 du  poil brun,  la tache  noire  qui  la  fait  
 remarquer  eft fa  tête,  elle  à  plufieurs  
 petits  pieds  fous  le ventre,  6c du  poil  
 où  fes  oeufs  font  attachez  jufqu'à  
 ce  qu'ils  éclofent,  ils  paroillent  comme  
 autant  de  petites  taches  toutes  noires. 
   
 On  m'afliira qu'un  Pere Capucin  s'en  
 retournant  en France  voulut y faire voir  
 cet  animal.  Il  en  avoit  un  auprès  de  la  
 cheville du pied,  qui s'augmenta  fi bien  
 pendant  le  voyage,  que  quand  le  Capucin  
 le  voulut  ôter,  il  fe trouva  qu'il  
 n'étoitplus temsi  il  avoit fait un  ulcere  
 fi  malin  que  la  cangrene  s'y  mit,  6c  
 qu'on  fut obligé  de  couper la jambe  du  
 Capucin  pour  fauver  le  refte du  corps.  
 Belle  cuiiofité  aflurément  6c  bien  récompenfée. 
   
 Le  Negre  de M.  Michel  me  délivra  
 de toutes  les Chiques  que  j'avois,  8c  de  
 mes  bêtes  rouges  qui  m'avoient  couvert  
 les jambes jufque par  defîus les  genoux, 
   & me  procura  e plaifir de  dormir  
 parfaitement bien toute la nuit.  
 Le  lendemain  le  P.  Breton  s'en  retourna  
 chez  lui  de  grand  matin,  avec  
 promeiTe de  revenir  le  foir.  On  me  lava  
 encore  les jambes  avant  que  je  me  
 levaflè, ce qu'on  continua de faire  deux  
 ou trois  jours foir 6c matin  ,  pour  guérir  
 les  -petites ulcérés  que  je  m'étois  faits  
 enmegratanr.  
 Après  que j'eus  dit  mon  Breviaire 6c  
 pris du chocolat,  j'allai  avec  M.Michel  
 voir  fon  habitation  6c  fa  fucrerie,  6c  
 enfuite  les  charpentiers  qui  lui  préparoient  
 du  bois  pour  une  maifon  qu'il  
 vouloit  faire bâtir.  Nous  vîmes  un  terrein  
 que je  lui  confeillai  de  mettre  en  
 jardin,  je  lui  promis  de  le tracer,  com-- 
 me je fis quelques jours après.  
 Nous  trouvâmes  à  la  maifon  quelques 
 uns  de  fes  voifins  qui  étoient  venus  
 pour  me  voir j  il  les retint  à  dîner,  
 après  quoi  nous  montâmes  à  cheval  
 pour  en  aller  voir  d'autres,  entre  lefquels  
 il  s'en  trouva  un,  nommé  la Boiffiere, 
   qui  étoit  de  Linas  près  de  Paris.!  
 C'étoitun  très-bon  habitant,  très-habile  
 6c  très-intelligent  dans  une  infinité  
 de  chofes -, mais  toutes  ces  bonnes  qualitez  
 étoient  accompagnées  d'une  iî  
 forte  paffion  pour  le  vm,  qu'il  étoit  
 rare de le  trouver  de fens  raffis} il  étoit  
 aflbcié avec  fon  beaufrere nommé  Lozol, 
   ils  avoient  un  aiTez  bon  nombre  
 de  Negres,  ils  cultivoient  du  Cacao,  
 faifoient  du  Roucou  6c  élevoient  des  
 beftiaux  ,  £c  des  volailles.  Ce  Lozol  
 étoit de la Vicomté deTurenne,  Scieur  
 de  long  de  fon  métier,  6c dans un  befoin  
 un  peu  Charpentier;.  6c  quoiqu'il  
 fut  venu  engagé  aux  Mes, il  commençoit  
 déjà  à  avoir  du  bien j  de  maniéré  
 que quand  ie  fuis parti  il  étoit  riche  de  
 plus de cent mille francs, bon liomme au:  
 refte,  8c  un  vrai  original,  qui  avoit  un  
 privilege  pour  eftropier la Langue Françoife, 
   8c un talent  particulier pour  faire  
 rire tout k  monde,  : -  ,  
 G  3  Nous  
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