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132 NOUVEAUX VOY
Catéchifme après Vêpres, & je diftribuai
la plus grande partie des Chapelets
& autres chofes de dévotion,, que
j'avois réfolu de donner dans tout mon
voyage, tant j'étoiscontent'decequatrtier
là.
J e reçus aiTez tard un billet de Moniîeur
Auger qui me marquoit fon arrivée
à Goyaves, &me prioit de l'attendrele
Jendcmain pour la MelTe, à laquelle il
fe rendroit de bonne heure, JLe Sieur la
Pompe Capitaine reçût ordre par le mê;-
me meiTager, de tenir fon monde prêt
a palier en revûë.
Moniieur le Gouverneur arriva fur les
neuf heures > il fut reçû avec une triple
décharge de raoufqueterie. J'avois achevé
de confefîer & de communier dès le
matin ceux qui n'avoient pas encore fait
leurs Pâques. J'avois fait le Catéchifme
Se une petite exhortation, de forte
que je n'eus que la Mefle à dire quand
il entra dans PEglife. Je l'allai recevoir
à la porte, & j e le complimentai.
Sa modelîie en foufFnt un peu,. mais le
peuple étoit dans la joye que fon Gouverneur
reçût dans ce lieu écarté, ce
qu'il n'avoit pas voulu recevoir dans des
lieux qui fe croyoient plus confiderables.
Après la Mefle il fit la revûë de la
Compagnie du Sieur la Pompe. Elle
Cûmpa- fe trou va de près de quatre-vingt hom-
^Milu! lefquels il y avoit quelques
du Sieur Mulâtres & quelques Negres libres.
UPo-mfe Tous étoient très-bien armez, peud'éîées
à la vérité, mais tous avoient de
)ons fuiils boucaniers, de bonnes bayonnettes,
le gargouiller, & la plûpartle
piftolet de ceinture. Quant aux habits ,
comme ce font des habitans, chacun,
étoit vêtu, à fon avantage & felon fes
facultez.
Defcrit- Les fufils dont on fe fert aux Mes
ñon des font appeliez boucaniers , parce que ce
font les Boucaniers 6c les chafleurs de
A G E S AUX r S L E S
r i l l e Saint Domingue qui les ont mis ^si.
en vogue. Les meilleurs fe faifoient
autrefois à Dieppe ou à la Rochelle, ««rt,
On en fait à prefent à Nantes , à Bordeaux
& autres Ports de mer du'Royaume
qui font très-bons. Ils ont quatre
5Ìeds 6c demi de canon j ils portent une
îalle de feize à la livre, c'eft-à-dire,
d'une once. La platine eft plate, fans
relief, 6c la détente longue 6c forte.
Le gargouffier eil un étui de cuir long
de huit à dix pouces, fur trois pouces
de large 6c cinq à fix pouces de hau>
teur. On l'attache autour des reins
avec une couroye. Il fert à renfermer
les gargoulîês ou charges de poudre
6c de balles qu'on met dans le fufil;
On fe fert pour faire les gargouiTes ^^«»w
d'un cihndre de bois un peu moindre
que le diamètre du fufil pour fervir de
moule. On l'environne de papier dont
on replie le bout, afin qu'il demeure au
même état après qu'on a retiré le moule.
On meiure enfuite la quantité de
poudre que le fufil peut porter, ce qui
. fe fait en cétte maniere'. On met la balle
fur la paulme de la main bien étendue
ou fur une table, 6c on verfe doucement
de la poudre fur la balle jufqu'a
ce qu'elle en demeure couverte ; pour
lors on met la balle dans le fond du
cilindre de papier qu'elle doit remplir
exaétemenr, 6c on met la poudre fur la
balle fans autre chofe entre deux, 6c on
tortille le relie du papier. 11 eft aifé de
mettre la même quantité de poudre dans
les autres cilindres après qu'on à mefuré
le premier, parce qu'on voit la hau*
téur de la charge dans celui qu'on a fait,
On met enfuite toutes ces charges ou
gargoufles dans l'étui ou gargouffier,
oil elles fe confervent fans fe rompre 6c
fans fe ployer. C'eft une maniere fi expeditivede
charger un fufil, que pour
peu qu'on y foit accoûtumé, on tirera
fans peine lix coups contre deux qu'on
tirera.
F R A N C O I S E S DE L'A M E R I Q^UE.
iDietirera
en chargeant à la maniere ordinaire
j car il fuffit pour charger à la
Boucaniere , de tirer la gargoulTe du
gargouffier ôc d'en déchirer dans le même
moment le bout avec les dents,
pour pouvoir répandre dans le baffinet
ce qu'il Emt de poudre pour amorcer,
encore cela n'eft il necellairc que quand
le fufil eft neuf, 6c que par conféquent
fa lumiere eft encore petite ; car quand
l'arme eft un peu vieille , 6c que a lumiere
eft grande, il tombe toûjours affez
de poudre du canon pour amorcer.
On répand auffi-tôt le refte de la poudre
dans le canon, 6c on y laifle gîiiTer
le cartouche de papier. La pefiinteur
de la balle qui eft dedans, fuffit pour le
faire defcendre 6c le réjoindre à a poudre;
on donne enfuite un coup de cu-
Me contre terre, cela aeheve de bouon
met e rer n joue 6c on tire. Il eft
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Gros
morne
certain qu'on a plutôt chargé 6c tiré,
qu'on n'alûla maniéré de le faire,comme
je viens de l'expliquer. Le prix des
fufils Boucaniers aux liles, foit qu'on
les prenne chez les Marchands ou au»
magazins du Roi , eft de trente 6c une
livre dix fols} fçavoir trente livres pour
le prix de fufil, 6c trente fols pour le
Garde-magazin. Chaque vaiflèau eft
obligé d'apporter fix fufils, 6c de lesconiigner
au Garde-magazin qui lui en
paye ou fait payer le prix 6c lui en don-^
ne une décharge j par ce moyen les Ifles
en font toûjours bien fournies, 6c on aremédié
à l'avarice des Marchands qui
les auroient portez à un prix exceffif.
On les éprouve trois fois à double 6c à
fimple charge avant de les recevoir.
Quand après avoir tiré plufieurs coups
on s'aperçoit que le dedans du fufil s'eiv
graifle, & que par conféquent la gargouiTe
ne coule p us avec tant de facilité,-
on fe fert alors de la baguette fi on eft
obligé de continuer le feu fans avoir k
tems de nettoyer le fufil.
Nous partîmes de l'Ance Feri après
dîné pour aller coucher au grand cul-defac.
Nous vîmes en paiTant l'habitation
du Sieur la Pompe qui eft à côté d'un
gros cap, appellé le gros Morne, qui
fépare la partie de l'Ifle appellee la Baffe
terre de celle qu'on nomme le grand
cul-de-fal. Cette habitation eft dans
un bel endroit , arrofé d'une fort jolie
riviere. Il y a à côté une autre habitation
plus confiderable qui appartient
à un Gentilhomme nommé le Roi de la
Poterie, qui fe dit parerït d'un de nos quarpremiers
Miniftres, 6c qui n'en eft pas
pour cela plus à fon aife. Les fréquentes
defcences des Anglois dans ce quartier
là, où ils ont pillé deux ou trois
fois fes Negres 6c fes meubles , l'onc
obligé de l'abandonner 6c de fe retirer
au Bourg de la Bafle-terre. J e vis fa maifon,
fafucrerieSe fon mouliixqui étoient
encore fur pied, mais les poux de bois
travailloient de toutes leurs forces à les
mettre par terre. Il y a un bon mouillage
devant cette habitation, qui eft à
couvert des vents de la bande du Nord
par le gros morne, de ceux de la bande
de l'Eft par les hautes montagnes qui
partagent PIfie, 6c de ceux du Sud par
es mornes de Feri. Après que nous eûmes
doublé le gros morne, nous trouvâmes
de très-belles terres, vaftes , unies
6c bien arrofées. Il paroifibit à lavûë
que depuis le bord de la mer jufqu'aux
montagnes , il pouvoir y avoir
trois à quatre lieuës de beau terrein en
pente douce, dont la bonté fe faifoic
aflez connoître par les beaux arbres qu'il
portoit en abondance. Les habitans qui
s'étoient trouvez à Feri, accompagnèrent
leur Gouverneur, de forte que nous
faifions une petite armée, navale de ca--
nots bien armez.
Nous arrivâmes fur le foir chez le-
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