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N O U V E A U X VOYAGE S AUX ISLES
Sucre
dans le
rafra't-
Mjloir
poiTible, & qu'on y a mis une partie de
celui qui étoitdéja purifié dans le firop,
on remûë avec une pagalle le Sucre qu'on
a mis dans le rafraîchiiîbir, afin de répandre
le grain également par tout; puis
^^ , onlelaiiTerepoferjufqu'à ce qu'il fe for-
Y dois me deiTus une croûte de l'épaifleur d'environ
un E cu, felon que le Sucre eft plus
ou moins chargé de grain, & que les Cannes,
don: il ellprovenu, font bonnes ou
mauvaifes, cette croûte fe fait promtement,
ou elle demande du tems avant que
de fe former.Lorfque les Cannes font bonnes,
& que le Sucre eft bien travaillé,
elle fe fait bien vite, & en moins d'un
demi-quart d'heure elle devient épaifle
comme un Ecu, & continue toûjours à
s'épaiffir, à mefure que le Sucre fe froidit.
Mais quand les Cannes font vertes
& aqueufes, ou quand le Sucre a été tiré
de la batterie avant que d'être cuit fuffifammenr,
la croûte ne fe fait que quand
il eft prefque refroidi. La croûte étant
faite, on remûë une fécondé fois ce qui
cft dans le rafraîchiiToir avec la pagalle,
afin de mêler la croûte de deflus avec le
grain qui s'eft attaché aux bords, pour
aider au refte à fe former , ou à augmenter
celui qui l'eft déjà. On porte enfuite ce
Sucre dans les canots de bois qui font
dpftinez à le recevoir, pour l'y laiiTer
raiÇeoir & refroidir aifez pour être mis
Com- dans les barriques. On fe fert pour le
tnenton tranfporter, dubec de corbin. Celui qui
I Z V / le t^i'anfporter, le tient des deux mains
çcrhm. par les deux anfes, le fond étant un peu
jippuyé fur fa cuilTe. En cet état il pole le
bec fur le bord du rafraichiifoir, afin que
celui qui le charge, c'eft-à-dire, qui le
remplit avec la cuillier, ne répande rien
dehors. Quand ii eft p lein, il e porte au
canot, en le foûtenant par les deux anfes,
&s'aidanc un peu du devant de la cuifle
oil il l'appuie. Il faut le vuider doucement
, de crainte que les grumeaux en
tombant un peu de haut, ne faflent re- IÎÇÎ
jaillir le firop qui conferve long-tems fa
chaleur, 8c qui brûle d'une manière trèsvive
les endroits où il tombe. Quand on a
porté dans le canot tout ce quiétoit dans
lerafraîchiflbir,on leremûëencoreavec
la pagalle, afin que le grain déjà formé
aide à celui qui eft dans le firop, à fe former,
ou le faflegroffir.
A mefure que l'on tire des batteries, 8c
qu'on porte dans le canot, on recommence
à faire ce que je viens de dire, obfervant
deremûer le Sucre qui eft dans le canot,
à chaque fois qu'on en met de nouveau
delTus, jufqu'à ce qu'il foit refroidi au
pointde pouvoir y tenir le doigt fans incommodité,
puis on le tranfpone dans les
barriques.
Les barriques, dont on fe fert pour
mettre le Sucre brut , viennent laplûpart
d'Europe en bottes. Les Marchands les ^"'•nfont
monter, 8c rendent barrique pour ¡r
barrique à ceux qui leur livrent des Su- qZlk!'
cres. Elles font ordinairement très-mal on met
jointes, & encore plus mal cerclées.
raifon que les Marchands ont de laifier
ce premier défaut, eft afin que le Sucre vaift
que l'on met dans ces barriques 1 trouyant
des joints larges, ait plus de facilité
à fe purger de fon firop. Et la raifon du
fécond défaut eft afin de diminuer le poids
du bois, qui eft-ce qu'on appelle le rare,
parce qu'on ôte dix pour cent fur le poids
entier de la futaille pleine de Sucre, 8c
qu'ainfi moins elle eft chargée de bois.
Se plus les Marchands y trouvent leur
compte,
^ Mais les Habitans remedient à ces deux
défauts par deux ou trois.moyens qui
tournent à leur profit, 8c à la perte de
l'acheteur, mais qui n'étant pas trop honnêtes,
ne peuvent être mis enufageque
par des gens qui n'ont pas une confcience
fort timorée. Le premier eft de couvrir
avec de la terre grade au dedans de la
bar-
F R A N C O I S E S
169(5.
Défauts
f i f e
nmmestciit
m
initiant
h Sucre
m barri'
Mc./en,
pmr
ti>nnoi~
Ire ces
difaiils.
barrique tous les joints des douves Se des
fonds, 8c ils la mettent fi épaiife, que lé
Sucre eft f roid, 8c fon firop ëntierement
congelé, avant qu'il ait pû fécher la terre,
8c fe faire un palî'age pour s'écouler par
ces fentes.
L e fécond eft d'enformer leurs Sucres,
c'eft-à-dire, de le mettre dans les barriques,
quand il eft prefque entièrement
froid, ou deles remplir à deux ou trois
fois. Quand il eft trop froid, il eft certain
qu'il ne purge plus, parce que le firop s'eft
déjà congelé avec le grain. Et quand on
remplit les barriques à diverfes reprifes,
le Sucre qui fe trouve au fond, s'étant
refroidi 8c durci avant qu'on y en mette
d'autre, il ne laiiTe point pafler le firop
de celui qu'on met par deflus, ni le fécond,
le firop du troifiéme; en forte qu'il :
n'y a que le premier qui a purgé, 8c que
le firop de tout le ref te, s'eft figé 8c condenféi
ce qui rend une barrique extrê-,
mement pefante.
Cette mal-façon, pour ne pas me fervîr
d'un autre terme plus odieux, eft diffi- ,
cileà connoître, à moins qu'on ne leve
une douve de chaque barrique: car alors
onremarqueroit ail'ément les litsde firop.
Mais les Marchands, ou leurs Commis
ne font point la piûpartailez habiles, ni
aiTez portez pour le bien de leurs Commettans,
pour faire cette diligence. Ils
voyent de beau Sucre aux deux bouts delà
futaillej fon poids leur fait croire que c'eft.
du grain tout pur, 8c ils s'en contentent,
d'autant plus encore que ceux qui pratiquent
ces fortes de fupercheries, ont encore
la malice, quand la barrique eft pleine
à deux pouces près du jable, d'achever
delaremp ir avec quelques cueïllerées de
bon Sucre tout chaud,, qu'ils appellent
une couverture, qui humeéte ce ui qui
cftdeiTous, y fait penetrer fon firop, 8c
prefenteainfi une très-belle fuperficie.
L e fond de la barrique doit être percç
» E L'A M E R I Q^U E. 189
de trois trous, d'un pouce de diametre, l'^pf'
fuivant l'Ordonnance du Roi. Cependant
l'ufage à prévalu de n'en faire que
deux. Se l'on s'en contente. On fait en-,
trer dans chaque trou le bout d'une Canne
, un peu plus longue que la barrique.
LachaleurduSucreÎafait reirerrer,8c le ^skarifirop
en fuivant la Canne, coule par le
trou, qu'elle bouchoit d'abord aflez jufte, ""plrcées'
8c tombe dans les citernes. On doit ôter de trois
les Cannes avant que de foncer les barri-Z'"'"^'
ques. On voit par les trous la qualité du
Sucre qui touche le fonds, qui ne peut,
manquer d'être beau, parce qu'il a purgé,
pendant que le refte de la barrique eiÎ
plein du firop congelé, qui venant à fe
déçuire pendant le voyage, gâte tout lerefte
du g rain, 8c ne fait plus qu'une mauvaife
marmelade qui n'eft prefque d'aucun
ufage. :
Il y a des Sucriers qui changent lesfonds
des barriques qu'ils reçoivent des '
Marchands, 8c qui leur en fubftituent
d'autres de bois de Riviere, ou de Charaignier,
épais de plus d'un pouce, qui
par leur pefanteur naturelle recom penfent
avantageufement lalegeretédes futailles,
que les Marchands afferent de fournir
aux Habitans.
Mais ces artifices de part 8c d'autre
font contre la bonne foi, 8c contre l'équité,
qui doit fe trouver dans le Commerce.
J'en ai déjà rapporté quelques^
uns, j'en rapporterai encore d'autres, à
mefure que l'occafion s'en prefentera, afin
que ceux qui s'en fervent, les voyant expofés
aux yeiix de tout le monde, fe defiftent
de les pratiquer, 8c que ceux qui
ont intérêt de s'en-garder, comme es
Marchands 8c leurs Commis, prennent
les mefures que j'ai marquées, pourn'être
pas trompez.
Rien n'eft plus aifé que de faire de bonne
paarçhandife. C'eft à quoi un Habitant
qui a de l'honneur Se de la confcience,
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