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N O U V E A U X ' V O Y A G E S AUX ISLES
C H A P I T R E VI L
Des Tdletuviers ou Mangles. De leurs différentes efpeces.
D u Oimiquina, (¿r des Huîtres.
pdttu-
•vier ou
Xiangle
de trois
ftrits.
E croi nedevoir pas renvoyer
à un autre endroit ce queje
dois écrire des Paletuviers,
dont j'ai dit que les bords de
la riviere du cul-de-iac François
étoient garnis. Les Espagnols 8c
les autres Européens de l'Amerique les
appellent Mangles. A la Guadeloupe
même on leur donne ce nom plûtôt
que celui de Palétuvier. Je ne îçai ce
qui a obligé les habitans de k Martitiaique
à -fe fcrvir de ce terme, plû-
;tôt que de celui qiû eft en ufage par
tout ailleurs que chez eux. Il y en a .
trois fortes, de rouges, de blancs & de
uoirs. Le rouge clt l'arbre que nous
appelions RaiGnier. Le blanc eft le
Mahot. Je parlerai dans un autre lieu
i'iMgk 4u.RaiímÍ£r& du Mahot. A l'égard du
PahtT- Mangle noir ou Palétuvier, c'eft un
Arbre, qui ne vient jamais que fur lea
bords des rivieres ou de la mer. Son
écorce eft fort brune, liiTe, ployante
qufind elle eft verte, del'épaifieur d'une
piece de quinze lois. DeiTous cette écorce
il y a une peau plus mince, plus
t e n d r e . m o i n s brune. Le bois eft à
peu près de la même couleur que l'éeorcc;
il eft dur , ployant, & fort peianr.
Sa feüille reflemble aiTez pour la
figure à celle du laurier, elle eft mince
0Í fi unie que iês fibres fe diftinguent
à peine au refte. , Les plus gros arbres
que j'ai vû de cette efpece ne paiToient
pas triize à quatorze pouces de diamet
r e . Se vingt à vingt-cinq pieds de
haut, leurs branches font en grand
nombre, toutes droites & fans noeuds,
elles laiiTent tomber des efpeces de rejcttons
qui prennent racine quand ils
ont atteint le fond de la mer ou de la
•vnr.
riviere fur le bord de laquelle le pied
Se la racine principal a pris naiflance;
cette racine qui va toute droite en terre
n'eft pas feule, elle eft accompagnée
d'une infinité d'autres qui s'élevent un
pied & demi, 6c quelquefois davantage
au deiîus de la fuperfice de l'eau, à
quelque hauteur, qu'elle puifle arriver
dans les plus hautes marées. „ Ces racines
après s'être élevées font des arcades
en retombant en terre où elles
reprennent,, qui s'entrelaflent les unes
dans les autres, fe foiuiennent 8c font
comme un grillage fur lequel on peut
marchei" fans crainte de fe mouiller
tout le long des rivieres Se fur le bord
de la mer, Se fouventmême très-avant,
J'ai vû de ces mangles occuper plus de
cinq cens pas dans la mer. I! eft vrai
qu'on ne peut pas marcher fort vite fur
ces arcadps, & qu'il faut bien regarder
où l'on met fes pieds-8c comment on
les pofe} mais avec tout cela ils ne
laiiîènt pas d'être d'une grande utilité
Se d'une bonne défenfe contre les defcentes
8c les furprifes des ennemis.
Car quoiqu'on puiffe marcher fur ces
arcades, comme il f iut continyellemenc
regarder à fes pieds 8c s'aider de fes
mains pour écarter les branches, 8c fe
tenir ferme, cette maniéré de marcher
eft impoffible à des gens chargez d'armes
Se de munitions, 8c qui viennent
pour furprendre, . parce que. la diligence
Se le filence leur font abfolument
neceiTaires pour réuffir dans leurs
cntreprifes, qui échouent Sc leur deviennent
préjudiciables dès qu'elles font
découvertes, ce qui ne manque jamais
d'arriver quand on marche fur des mangles,
Se fur tout la nui t , où le moindre
bruit
liiri'
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE.
bruit s'entend de fort loin, fans compter
le danger qu'il de s'égarer en
marchant corome à tâtons dans ces épailîes
forefts, où même dans le jour Je
plus clair il eft difficile de fuiwe une
même route.
Ou,tre cet avantage j'en remarque
trois autres qui me paroiffent d'une
afl'ez grande confideration. Le premier
eft: que ces arbres fourniflent d'excellent
bois pour brûler, qui fait un feu vif
Se ardent, Sc qui dure beaucoup plus
à proportion qu'un autre. Ce bois revient
promptement, Se autant de fois
qu'on Idveut couper, pourveu qu'on
ait foin de ne pas endommager confiderablement
la principale racine. On
peut fe fervir du tronc de cet arbre
3our les ouvrages où l'on a befoin d'un
)ois qui refifte à l^eau. On eft feur
que celui là y eft prefque incorruptible.
Sans fa pefanteuron pourroit l'employer
à toutes fortes d'ouvrages, car il
eft doux à travailler, il eft com.pa6t, ne
s'éclate point, Se il eft très-rare qu'on
le trouve vicié.
Le fécond avantage que l'on en reto
»- tire eft que fon écorce eft très-bonne
ihihn- pour tanner les cuirs. On ne fe fert
point d'autre tan aux liles, Sc on ne
' ' laifle pas de réuffir parfaitement.
Le troifiéme eft que les racines Sc
les branches qui font dans l'eau, fervent
à recueillir les femences des huîtres,
qui s'y attachent, s'y nourriiTent
& y multiplient à merveille. Dans les
autres pais du monde, du moins autant
que je l'ai pû voir ou apprendre,
on pêche les huîtres en les détachant
des rochers qui font au fond de la- mer,
^^^ celui-ci on les
• ll[ cueille fur les arbres. Ces huîtres font
petites,, :à peine les plus grandes arrivent
elles-à la grandeur de celles de
Cancalle en Bretagne j mais elles font
imlli
km,
¡k
min,
délicates, graiTes, blanches, tcndrcs &
d'un très-bon goût. On peut croire
que pendant que nous fumes au culde
fac François nous n'en manquâmespas.
Il faut "feulement obferver de ne
manger que celles qui trempoient dans»
la mer quand on lesa cueillies, parc<i
que celles qui fe trouvent au deiTu»
de la furfacc de l'eau, foit que la mer
ait baiifé dans fon reflux, foit que"
les racines ayent crû , ne font pas i<
bonnes à beaucoup près, pour l'ordinaire
même elle font douceâtres, plus
dures, plus maigres 8c plus petites que
celles qui font toûjours fous l'eau.
Le Miingie ou Palétuvier rouge que
nous appelions aux Mes Raifinier, vient
toujours au bord de la mer Sc des rivieres
vers leurs embouchures, mais jumáis
dans l'eau foit douce ou falée, MangU
quoique la mer quand elle eft grofle,
ou les rivieres quand elles font debor- j^fj"
dées, ne lui portent aucun prejudice.
Les racines qui le foûtiennent ne font
point en arcades cómame celles du precedent.
Il vient en pleine terre. Se revient
autant de fois qu'on le coupe,
jourvû qu'on empêche les beftiaux de
jrouter fes bourgeons à mefure qu'il
pouffe, parce que cela le fait mourir;
Cet arbre vient très-gros Se très-grand,
mais très-mal fair. S5es branches fe renverfent
vers la terre, elles font tortues-
Se noueufes. Se embaraffent extrêmement
le terrern qu'elles occupent. J'nr
trouvé de ces arbres qui avoient prèsde
deux pieds de diametre, Se plus de
vingt-cinq pieds de hauteur, avecquan-'
tité de branches très-groflés Se fore
étendu iîs j mais cela eft rare , parcequ'on
ne lui donne pas letems de croître
Se de demeurer fur pied aiîêz long-f
tems pour acquérir cette grandeur SC
groffeur. L'écorce eft mince Se grifê.
Loîfque l'arbre eft j e u n e , elle eft unie
. Se
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