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 piler  le Sucre,  le rengent des deux cotez  
 du  canot.  On  y jette  les pains  peu  à  peu  
 afin  de les piler  mieux,  &  plusaiiement,  
 &lorfque le canot eft plein,  on  le fouille  
 avec  une  hoiie  de fer,  &  on  prend avec  
 des coiiis le Sucre  pilé pour le porter  aux  
 barriques,  fur chacune  defquelles  il y  a  
 unhebichet,  c'eft-à-dire,  uneefpece'de  
 crible fait de côtes  de latanier,  ou de  rofeaux  
 iC>i)6.  
 Coì»- 
 menl on  
 f ile le  
 Sucre.  
 refendus,  ou on le met.  Il  y a une  
 perfonne  à  chaque  hebichet  qui  remue,  
 &  qui  fait paiTer  le  Sucre  à  travers,  6c  
 lorfqu'il y  en a  la hauteur  de fept à huit  
 pouces dans labarrique,  ceux qui avoient  
 pilé dans le canot  fe mettent  trois  à  trois  
 à  chaque  barrique  ,  &  pilent  de  toutes  
 leurs forces le Sucre  qui  eft dedans,  afin  
 d'y en faire entrer  une plus grande  quantité. 
   On  recommence  à paiîer  par  l'hebichet, 
   & à piler alternativement jufqu'à  
 ce que labarrique foit pleine, un  peu  audefllis  
 dujable,  &  que le Sucre  foit  bien  
 comprimé.On  ne reconnoît qu'une barrique  
 eft bien foulée,  qu'en la frapant avec  
 le doigt,  elle rend  un  fon clair comme  fi  
 c'étoit  une piece  de  bois  toute  pleine &  
 entière.  
 Pour  empêcher  que  les fonds des barriques  
 ne fautent  par  l'eiFort  des  pilons,  .  
 on  a foin avant  d'y  mettre  du Sucre,  de  
 cloiicr  un  cercle  autour  du  jab!e,  pour  
 . , , ....i- retenir les fonds, ôc les empêcher de tomlionpour  
 Précaufe  
 ber,  s'il arrivoit que  les cercles  fe lâchafempêcher  
 fgn^ p^,!-[g  quantité d tes barn-  ^  r  j  1e   Si ucr•e ,  qu'on^  fait  
 (¡ues de  entrer  par  force dans  les barriques.  Car  
 plus  le Sucre eft fee,  bien  pilé,  8c bien  
 preiTé, mieux  il feconferve dans le voyage, 
   fans prendre  d'humidité qui le feroit  
 devenir  gris.  Une  barrique  bien  foulée  
 doit  coMenir  fix  à fept  cent livres  de Sucre  
 dé.  
 foncer.  
 net.  
 Les morceaux  qui  n'ont  pû  paOerpar  
 l'hebichetfontrejettez dans  un  autre  canot, 
   ou  IcsNegres  qui ont  pilé  dans  Its  
 barriques,  les pilent pendant  que les  au- 
 A G E S  AUX  ISLES  
 très paflent parl'hebicher.  Les Peres Je-  if»/,.  
 fuites de  la Martinique  avoient  un  petit  
 MouHn  compoféde deux meules de pier- Moulin  
 re  pour moudre  les morceaux  qu'on  appellc  
 des crotons.  Cela  avançoit  beaucoup  
 le  travail;  mais  pour  peu  que  les deSuire.  
 meules s'égrenaflent, el es gâtoient le Sucre, 
   &  c'eft ce  qui  a  empêché  bien  des  
 gens de s'en  fervir.  
 C'eft ainfi qu'on met en barriques  tout  
 le Sucre qui  fort del'étuve,  obfervant  de  
 ne  travai  1er jamais  la nuit,  à caufe  que  
 l'air étant  pour  lors  fort  humide,  communique  
 fon  humidité  au  Sucre,  &  le  
 gâte.  Car il eft certain que plus il eft fee,  
 &bien  pilé,  plus il  doitparoître  blanc.  
 Il y a pouitant des cas qui obligent à chercher  
 d'autres  moyens,  pour  lui  donner  
 cette  qualité,  quand  elle  lui  manque ^  
 dont  j'ai  été  obligé  de  me  fervir  plus  
 d'une  fois.  '  
 Je  me  trouvai  un jour  chargé  d'une  
 étuvéc  de Sucre de  près  de  fix  cent  formes, 
  qui ne promettoit  pas de donner dans  
 la vûë  des Marchands  par  fa  blancheur.  
 Un Capitaine à qui je  le fis voir  étant  encore  
 à l'étuve ne voulut jamais m'en  donner  
 plus de dix-fept livres dix fols du  cent,  
 pendant  que  le prix courant étoit  vingtdeux  
 livres dix fols J e fis piler un peu de ce  l'iven- 
 Sucre qui ne me contenta pas; je m'avifai  'f"  
 uTinn  jionunrrr dl'f'e"nn   rriaipnpneprr   uiinn  mmnorric^ie'oaiui ,  &Rr   je  t^Aru - 
 trouvai  que la  rappe  lui donnoit  tout  un pour  faiautre  
 oeil,  parce  que  n'écrafant pas  fes  f^'""'- 
 parties  comme  le  pilon,  il  leur  reftoit  
 quantité  de petites  fuperficies qui  refle- £llnc.  
 chiilbient  la  lumiere,  &  qui  par  confequent  
 augmentoient  fa blancheur.  Je fis  
 quelques  épreuves  qui achevèrent  de me  
 convaincre.  Mais comme je craignois que  
 mes yeux ne me trompafient,  &  qu'ils  ne  
 fuflent pas de bons Juges,  dans une  caufe  
 oi^i ils avoient intérêt;  j'envoyai deux paquets  
 de ce même Sucre,  un pilé,  &  
 rappé,  à  un  de nos  ^•oifinstrcs-bonc6nnoifleur  
 F R A N C O I S E S  DE  L'AMERICLUE.  50f  
 t-CffC.  noiiTeur en  cette  marchandife,  5c  je  le  Mais cette augmentation  emportoit prefpriai  
 de me marquer  le prix  de chacun,  que  tout  le  profit qu'ils pouvoient  fiiire.  
 Illeseftima,  &  j'eus  le  plaifir  de Voir  Ils avoient éprouvé pendant laGuerre que  
 qu'il avait eftimé mon Sucre rappé vingt-  les  fucres provenans  des prifes qu'on  faitroisfrancs, 
   & celui qui  étoit  pilé  feule-  foit fur les Anglois,  réuiïïiToient  très-bien  
 incntdix-fept. Il n'en fallut pas davantage  aurafinage,  parce qu'étant  bien purgez,  
 pour me faire refoudre, à faire rapper près  il  n'y  avoit  plus  qu'un  beau grain  terme  
 4e fix cent  formes de  Sucre,  ôc quoique  &  bien  préparé,  qui  diminuoit  peu  à  la  
 ce travail dût  être  long &  ennuyant,  je  
 fonte,  & qui étoit aifé à clarifier.  Ils envoyèrent  
 crus  que  je  ne  devois  pas  négliger  de  
 quelques  Marchands aux  Illes,  
 gagner  cinq  ou  fix  francs  par  cent.  
 qui  propoferent aux Habitans  de  faire du  
 J'achetai  donc  une  douzaine  de  grages,  
 fucre à  la manière  des Anglois,  8c les y  
 dont je  fis  un  peu  rabattre  les  pointes  ,  
 encouragèrent par le prix confiderable où  
 afin  qu'elles  fiflènt  le Sucre  plus  fin,  &  
 ils le  firent  monter  en  peu  de  tems.  Le  
 j'occupaipendantquatre  jours  quinze  ou  profit  étoit  grand  pour  les uns  &  pour  
 feizeNegresà  rapper  tout  ce Sucre.  Le  les  autres.  Les  Habitans  qui  n'avoient  
 même  Capitaine  étant  revenu  quelques  point  d'établiflement  pour  blanchir  leur  
 jours après, &m'aïant demandé par  rail-  fucre,  y trouvoient  leur  compte,  parce  
 lerie,  fi  je  voulois  l'accommoder  d'une  qu'ils  n'avoient  point  l'embarras  de  le  
 partie de Sucregris;  je  lui  repondis  que  terrer,  delefecher àl'étuve,  6cdelepijen'envendois  
 que de très-blanc,  &  que  1er pourle mettre en barriques.  LesRafij'en  
 avois  une  partie  qui contenteroit de  neursygagnoientencoredavantage,parcc  
 plus difiîcile que lui. Ilcrutquejem'étois  que  ce fucre paflant pour  fucre b rut ,  ils.  
 défait  de  celui qu'il  avoit  vû ;  6c quand  nepayoient  qu'un  Ecu  par  cent  de  droit  
 je  lui  montrai  mon  Sucre  rappé;  il  le  d'entrée,  quoiqu'il rendît à la fonte preftrouvatrès 
 beau,  &leprîtfur  lepied  de  que  autant  que  le fucre terré :  car  il  ne  
 doit  y avoir  aucune  difference de  l'un  à  
 l'autre,  finon  qu'on met celui-ci dans des  
 barriques  percées,  & garnies de deux ou  
 trois Cannes,  afin qu'il puifle purger plus  
 facilement}  au  lieu  qu'on  met  dans  des  
 formes celui qu'on  doit  terrer.  
 J'ay  fait  faire  quelques parties de  cette  
 forte de  fucre,  qui  étoit  plus  de  moitié  
 vingt-deux  livres  quinze  fols  le  cent.  
 Quand  nos affiiires furent terminées,  je  
 lui dis que c'étoit  le même  Sucre,  qu'il  
 avoit  vû,  6c je  lui  en fis apporter  quelques  
 Origine  
 de ce  
 Sucre,  
 pains qui reftoient.  Avec  tout  cela,  
 i  n'auroit  jamais cru  cette metamorphofe, 
   fi  je  n'en  avois  pas fait  faire  l'experienceenfaprefence. 
   D'autres gens aïant  
 appris ce fecret s'en font fervi avec le mê-  blanc avant d'être livré  aux Marchands ;  
 me  fuccez.  mais je  ne trouvois pas que ce fût un profit  
 pour nous qui avions  tout  ce qui  étoit  
 necefiaire pour le blanchir,  8c le  vendre  
 une  fois autant;  outre qu'on  perdoit  les  
 firops  fins,  ce qui  n'eft pas fi peu confiderable, 
   qu'on  le doive  négliger.  Il eft  
 DU  SUC  RE  P  JS  S  E\  
 Ce Sucre doit fa naiflance à  l'augmentation  
 des droits  d'entrée  dont  le  fucre  
 blanc  fut chargé en i6î)8.  LesRafineurs,  vrai,  qu'on peut profiter deî firops qu'ils  
 de France  achetoient  le fucre terré pour  rendent,  mais on ne peut jamais en  faire  
 le refondre,  8c le mettre  en  petits pains  d'auflî belle marchandife que de ceux  qui.  
 qu'ils  vendoient  comme  fucre  Royal,  font  reçus dans  des pots,  qui  font  toû- 
 R  r  jours  
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