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1694. applique deux -, mais avant de les appliquer,
on a foin de faire des fcarifications
fur les morfures. Après que la
ventoufe a fait fon effet on preiTe fortement,
& on comprime avec les deux
mains les environs de la partie blefféc
pour expulfer le venin avec le fang. Il
arrive fouvent que l'on réitéré deux ou
trois fois l'app ication des ventoufes,
felon que celui qui traitte voit la fortie
du venin abondante ou médiocre.
On a foin fur toute chofe de faire
prendre au blefle un verre de bonne
eau-de-vie de vin ou de cannes, dans
lequel on a diiTous une once de Theriaque
ou d'Orvietan : on broyé cependant
dans ùn mortier une gouiTe d'ail,
une poignée de lianne brûlante, du
pourpier fauvage, de la mal-nommée,
& deux ou trois autres fortes d'herbes
ou racines dont on ne voulut pas me
dire le nom j on y mefle de la poudre
de tête de ferpent avec un peu
d'eau-de vie, & on fiiit boire ce fuc
au bleiTé après l'opération des ventoufes
; on met le marc en forme de cataplafme
fur la bleiTure, & on a foin de
tenir le malade le plus chaudement que
l'on peut, & fans lui permettre de dormir,
au moins pendant vingt-quatre
heures, fans lui donner autre chofe à
boire qu'une ptifanne compofée du fuc
de ces mêmes herbes, avec de l'eau, du
jus de citron > ôc un tiers d'eau de
vie.
On levé le premier appareil au bout
de douze heures, on y met un fécond
cataplafme femblable au premier que
l'on leve douze heures après, & pour
lors on juge de la guérifon ou de la
mort du blefle par la diminution ou
augmentation de l'enflure, & par k
quantité du venin que le cataplafme à
attiré- En trois ou quatre jours au plus
on eil hors d'affaire, fuppofé que la
dent du ferpent n'ait pas percé quel- k
que artere, quelque tendon, ou veine
confiderablej car en ces cas les remèdes
font inutiles, &en douze ou quinze
heures on paye le tribut à la nature.
II y a une autre manière de traiter
les morfures de ferpent, qui eft plus ex-
5cditive; Se que j'approuverois fort fi
e danger étoit moins grand pour ceux
qui s'expofent à guérir le bleifé. Elle
confiileà fe faire fuccer la partie bleiTéc
jufqu'à ce qu'on en ait tiré tout le venin
que la dent du ferpent y auroit introduit.
Ceux qui ont aflez de courage, ou
de charité pour s'expofer à faire cette
cure fe gargarifent bien la bouche avec
de l'eau-de-vie j & après avoir fcarifié
la place, ils la fuccent de toute leur
force, ils rejettent de temps en temps
ce qu'ils ont dans la bouche, & fe la
nettoyent, & gargarifent à chaque fois,
obfervant de prelTer fortement avec les
deux mains les environs de la partie
blelTée. On a vû de très-bons effets de
cette cure, mais elle eft très-dangereufe
pour celui qui la fait -, car s'il
à la moindre écorchûre dans la bouche,
ou qu'il avale tant foit peu de ce
qu'il retire, il peut s'attendre à mourir
en peu de momens, fans que toute
la medecine le puiflè fauver.
Après que j'eus confolé ce pauvre Negre
bleiïé, je dis à l'oeconome de l'habitation
de m'envoyer avertir le lendemain
matin de l'état où fe trouveroit
le malade, afin que je puffe l'affifter
lelon le befoin qu'il en auroit.
Nous revînmes à la maifon, on me
lava les jambes avant de me coucher.
Je trouvai mes égratigneures gueries &
fans demangeaifon. Les Negres qui
avoient été à la chaffe dans le bois, Sc
aux attrapes, avoient apporté quatorae
ou quinze perdrix ôc autant de ramiers,
aveC'
•EgHfi
Paroiffiale
de
ia hajfc
Peinte.
F R A N C O I S E S D
avec quatre douzaines de grives. Nous
• mangeâmes le foir quelques uns de ces
' gibiers, & le refte tout prêt à mettre
à la broche avec quelques autres provifions,
fut porté le lendemain chez
le Pere Breton qui nous devoit donner
à dîner.
L e Mercredi 17. le Pere Breton s'en
alla chez lui de grand matin pour mettre
ordre à fon dîner. J'allai avec toute
nôtre compagnie dire la Meffe à
mon Eglife. Monfieur Roi mon compagnon
de voyage, & le fieur Sigaloni
s'y étant rencontré nous les menâmes
avec nous.
L'Econome de la grande riviere m'avoit
écrit le matin que le Negre mordu
du ferpent étoit hors de danger,
& que fans attendre la levée du fécond
appareil, on pouvoir répondre de fa
guérifon. Cela me fit plaifir, & me mit
en repos de ce côté là.
Nous arrivâmes chez le P. Breton,
nous allâmes adorer le S. Sacrement,
& voir l'Eglifei elle cft dédiée à Saint
Jean-Baptifte, elle l'étoit auparavant à
Saint Adrien. Je ne fçai pourquoi on a
changé de Patr on. Cette Eglife pou voit
avoir foixante pieds de long, & vingtquatre
de large, fans Chapellesj elle
ctoit toute de maçonnerie, le comble
aiTez propre, mais trop bas. On avoit
fuivi un peu tropfcrupuleufement l'ufag
e des anciennes Eglifesde mettre l 'Autel
du côté de l 'Or ient , cela étoit caufe
que le côté de l'Eglife faifoit face le
long de la rue du Bourg, au lieu qu'il
auroit été plus convenable d'y placer
le portail. Au refte les dedans étoient
fort propres, l'Autel, la Chaire, les
bancs etoient d'une belle menuiferie, à
cote^ de l'Autel en dehors on avoit pratique
une petite Sacriftie affez commode.
Le Bourg de la baffe Pointe ne coniiltmt
potir lors qu'en quinze ou vingt
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maifons occupées par quelques Mar- 1694-
chands, des ouvriers Se des cabarets.
L a maifon du Curé étoit petite, mais
commode, & affez propre,.il avoituu
jardin bien entretenu , & une favanne
fermée du côté du Bourg pour l'entretien
de fon cheval, car dans les lilcs
les chevaux paiffent toute l'année.
Les prdvifions que mon hôte avoit
envoyées au P. Breton, avec ce que fes
Paroiffienslui fournirent, luidonnerent
le moyen de nous traiter très-bien, on
lui avoit prêté du linge, de la vaifelle.
Se des domeftiques, de forte que rien
ne manqua aux quatorze ou quinze
perfonnes qui fe trouvèrent à table.
Après dîné je montai à cheval avec ^¡f.Pfc-
Meffieurs Michel Se R o y , pour aller f."''.,
rendrevifiteàM. ClaudePocquet, Capitaine
du quartier de la baffe Pointe, Capu
Confeiller au Confeil Souverain de la ^^
Martinique, Se qui depuis a acheté une
Charge de Secretaire du Roi. Il étoit
dèscetems-là le coq de toute la Cabefterre,
riche, bien allié. Se fe faifant
honneur de fon bien. Ilétoit de Paris,
fils d'un Marchand, je ne fçai pas bien
de quelle efpece. Il avoit un frere Chapelain
à Nôtre-Dame. M. Pocquet avoit
été employé quelques années à Surate
Se à la côte de Coromandel pour la
Compagnie des Indes Orientales; il
y avoit gagné du bien, 8e après être
revenu à Paris, il avoit été fait Directeur
des Domaines Se des munitions des
Ifles : il s'y étoit marié avec une des
filles de feu Monfieur de Mervillc,
Gendlhomme du Pays de Caux j il
avoit enfuite acheté de differens particuliers
la terre où ildemeuroit, large
de douze cens pas fur trois mille pas
de haut, fur laquelle il avoit trois fucreries.
Se près de deux cens Nègres.
Il nous reçût parfaitement bien Se me
fit mille offres de fervice. Il me fit voir
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