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cequ'ilyavoit de pieîlleifr j en un raôç
4me fit tantd'hpnnêtetei:,, que tp^cle
monde en écoit dans l'étonnement. Je
remarquai dans fes difcours la vivacité
de ion efprit, & fon tempéramment
tout de teu quoiqu'il fut âgé de plus
de foixante 6c douze ans, & qu'il fut
attaqué depuis long tems d'une dilTentene
qui l'emporta enfin deux ans après.
II congédia la compagnie dès qu'on
eut defiervi, & m'ayant fait aiTeoir auprès
de lui, il m'entretint pendant plus
d'une heure & demie de différentes chofes,
fur tout des chagrins que quelquesuns
de nos Peres lui avaient donnéi je
fis ce que je pûs pour les excufer; car
pour dire la vérité, il y avoit de la faut
e des deux cotez, &peut-être pkisdu
côté du Comte deBlenac que du nôtre.
Le leéleur en pourra juger par une affaire
que je rapporterai cy-après. Cependant
il m'aflura qu'il confervoit toûjours
de l'aiFedion pour nôtre Ordre,
& que fi on vouloit bien vivre avec lui,
il nous en donneroit des marques/je
l'aflurai que nous ferions rous nos effort
pourmériter foneftime; je le fuppjiai
d'oublier le paiTé, & de vouloir
nous accorder fa proteftion, & à moi
en particulier, ce qu'il me promit avec
beaucoup de bonté , & je dois lui rendre
cette juftice, malgré tout ce que la
médifanceapûdire contre lui, qu'il étpit
un homme de bien, bon ferviteur
du R o i , brave autant qu'on le peut être,
& bien plus fage qu'on ne le difoit dans
le monde. J'en pourrois apporter des
preuves qui convaincroient les plus incrédules.
On me vint enfin avertir qu'il
ctoit tems de partir, ce qui me donna
lieu de prendre congé d eM.de Blenac j
tout le monde fut furpris du favorable
accueil qu'il m'avoit fait, & j'en reçus
l)ien des complimens. Je fus dire
adiey à M, Hgutjin, ^ je m'embarqiim
fans avpu' le loiiir de confiderer ni 1 ^
la Ville ni l'Eglife Paroiffiale, tant on
me prelloit de partir.
. Je trouvai dans le canot les mêmes
perlonnes aveç qui j'étois venu. Nous
kmes rouler la toile qui le couvroit afin
de jouir de Pau- ¿c de la vâë du pays.
Nous alhoûs a la voile & fort vite On
me montra une fucrerie de M. Roi dans
-M
un heu appellé la Pointe des Neeres
Nous vîmes enfiiite le Bourg & l'Eglife
de U Cafepilote. Tout ce terrein eft
fort ejeve Sç fort coupé par des mornes,
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la plupart des fonds qui font entre les
mornes font en favannes, où l'on iivoit
beaucoup decanificiers: c'eft ainfi qu'on
appelle les arbres qui portent la calTe.
f ""e trèsbonne marchandifeaç
d'un grand débit, mais tous
leshabitans delà baflc-terre ayam plante
a ] envie des canificiers, cette marchandife
n^ut plus de valeur, parce
qu on en faifoitaux Ifles plus qu'on n'en
pouvoir confom mer en Europe, quand
elle auroitete toute malade.
L'arbre qui porte la caiTeou le cani- r.fr
fîcier vient de bouture: il croît fort vî- 3 /
t e , il porte beaucoup & deux fois l'annee,
comme prefque tous les arbres qui
fpnt naturels à l'Amérique ^ fon bois ift t j ;
blanchatre. .iHpt mr>l —:„ _
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. P
blanchatre, allez mol, mais extrême-/¿Î
ment çoriacci fon ccorce eft grife &
fort raboteufe. Cet arbre vient trèsgrand,
fes feuilles font longues £c étroites,
d'unverdpaileî il pouiTe des
Hiurs jaunes par gros bouquets, qui ont
une odeur aiTez agréable : aux fleurs
lyccedent les fdiques où la caffe qui en
d t comme la moiielle eft renfermée.
*-es lihques pendent aux branches comme
des paquets de chandelles, de dou-
2e, qmnze, &mêmede vingt attachées
enlemble: elles font vertes avant d'être
meures} c'eft à leur noirceur qu'on connoît
fit
Caffé
confite,
noît qu'il eft tems de les ciieillir j- quant
à leur grolTeur 6c à leur longueur, cela
dépend de l'âge de l'arbre 6c du terrein
où il eft planté : il eft certain que plus
les filiques ou bâtons de cafte font gros,
longs & péfants , plus la caftè eft eftimée.
Quand il fliit du vent ces filiques fe
touchent les unes les autres, 6c font
un bruit allez femblable à celui qu'on
entend quand il pafle des compagnies
de foldats avec des bandoulières garnies
de fournimens. Lacaiîedes Ifles eftau--
tant eftimée que celle du Levant. J'ai
vii des Apoticaires en France 6c aux If-<
les qui la trouvoient meilleure ^ elle
eft naturelle dans les Ifles, c'eft-à-dire,
que cet arbre n'y a point été tranfporté,
on l'y a trouvé quand on a commence
às'y établir.
Lorfque je fuis parti des Ifles en i /Of .
elle valloit fept livres dix fols le cent
ou le quintal > mais comme elle occupe
beaucoup de place dans un vaifl'eau , 6c
que par conféquent le fret confommeroit
tout le profit j on la partage moitié
par moitié pour le fret avec les bourgeois
du navire.
Qyand les Juifs étoient aux Ifles ils
faifoienr confire beaucoup de ces filiques
qu'ils envoyoient en Europe, "pour
cet effet ils les çueilloient lorfqu'elles étoient
encore extrêmement tendres, 6C
qu'elles n'avoient que deux à trois pouces
de longueur; de forte qu'on mangeoit
la filiquè 6c ce qu'elle contenoit.
Cette confiture étoit fort agréable èc
purgeoit doucement, ou du moins elle
tenoitle ventre libre. Ils faifoient aufli
confire les fleurs 6c leur confervoient
leur couleur fous le candi qui les couvroit;
elles faifoient le même effet que
les filiques. Onnefaitplus decetteconfiture
depuis le départ des Juifs, foie
qu'ils ayentemporté le fecret avec eux .
foit qu'on ne veuille pas fe donner la t^Ç'h
peine de le chercher^ en faifant piu-i
fieurs expériences. J'ai connu quelques
perfonnes qui avoient confit de ces filiques,
mais jufqu'à mon départ, elles
n'étoient point arrivées au point deperfeftion
qu'elles avoient été portées par
les Juifs .
A propos de ces filiques, qui pen- Hifloiri
dent aux canificiers comme des paquets
de chandelles. Je me fouviènsquem'étant
trouvé dans nôtre couvent dit
Mouillage en idpS.à l'arrivée de quelques
uns de nos Religieux qui venoient
d'Europe, il s'en rencontra un qui fe
piquoit de connoître l'Amerique, 6c
tout ce qu'elle produit, comme ceux
qui y étoient depuis long-tems. Je cherchoisà
mortifierun peu fa vanité, lorfqu'il
m'en donna lui même l'occafion,
en me demandant ce qui pendoit à ces
arbres. Je lui dis que je m'étonnois,
que lui qui eonnoiffoit toutes chofesnc
connût pas cela; il eftvrai, me dit-il,-
que ce fruit reffemble fort à des chandelles,
6c l'arbre pourroit bien être de
l'efpece de ceux de la^ Chine qui portent
le fuif, mais ce qui fufpend mon
jugement, c'eft que le fuif de la Chine
ett blanc ou prefque blanc, au lieu que
celui-cy eftverd. Cette imagination me
fit foûrire;-je l ' a u r a i qu'il penfoitfort
jufte, 6c qu'il feVoit difficile delui faire
voir rien qui lui fut nouveau. Qu'au
fefte ces-chandelles étoient vertes, parce
qu'elles n'étoient pas dans leur maturité.
Il ne manqua pas de s'applaudir
lui-même de fon difcernement fi jufte,
èc moi de conter aux autres Religieux
cette belle converfation. Elle fut renouvellée
quelques momens après par
un de nos Peres, qui pour achever de
l'inftruire, lui dit, qu'il ne manquoit
que la mèche à ces chandelles quand on^
les cueilloit j qu'autrefois on les faifoit
fan