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i j z NOUVEAUX VbY
vais goût , du moins elle feroit bonne
5our la cuifine, pour les beftiaux 6c pour
aver le linge , & leur épargneroit k
peine de-le venir laver très-fouventaux
trois rivieres avec beaucoup de rifques
6c de danger.
J e donnai à dîner au Curé & au
Commandant des Saintes dans la barque
Dépitrt
; 6c après qu'on les euil reporté
à terre , nous levâmes l'ancre fur les
dssSain- quatre heures après midi. Je me fâchai
quand je vis que le maître delà barque
vouloit palier au vent de la Dominique
pour gagner le moiiillage de
Sainte Marie qui eli proche de nôtre
habitation, où il devoit décharger fa
poterie. Je fis tout ce que je pûs pour
lui faire changer de deilein , parce
qu'ayant reconnu combien fa barque
étoit dure 8c pefante, il paroiiToit impoflîble
que nous pufìlons jamais arriver
à ce point-là j mais je ne pûs rien
gagner. 11 prétendoit que les vents de
terre nous porteroient cette même nuit
bien loin au vent de Marie-galante, 6c
que confervant pendant le jour nôtre
avantage , ou même l'augmentant en
faifant des bordées , nous nous élèverions
en deux nuits jufqu'à la hauteur
de la Caravelle , d'où il nous feroit
facile de nous rendre au moiiillage de
Saince Marie, vent arriéré. Ce projet
croit beau 6c auroit pû réuffir fi la barque
n'avoit pas été une vraye charette ;
i fallut pourtant en pafler par là, 6c
moitié content, moitié fâché, nousfoupâmes,
6c puis je me mis entre deux
balles de cotton, enveloppé dans mon
manteau, où je dormis une partie de la
nuit.
J e vis à mon réveil environ deux
heures avant le jour, que nous étions
par le travers de Marie-galante, à peu
près à la moitié de fa longueur, & à
une petite lieue de terre. Nous conti-
A G E S A U X ï S L E S
nuâmes aflez-bien nôtre route jufqu'au k;,^,;
lever du foleil, parce que les vents de
terre qui étoient Nord 6c Nord-oiieft
nous favorifoient ; mais dès qu'ils fe
mirent à l'Eli:, nous commençâmes à
perdre nôtre avantage. Je confeillai au
maître de faire une bordée fur la terre
de Marie-galante, 6c de mouiller quand
nous le pourrions faire pour pailer la
journée, fans perdre ce que nous avions
gagné, 6c que le foir nous remettrions
à la voile, 6c profiterions des vents de ^mi
terre, qui felon lesapparences nous éleveroient
alTez pour porter vent largue
fur la T r i n i t é ; il n'en voulut rienfan-e, ¿«'i
car entre autres bonnes qualitez, il
voit celle de ne faire jamais ce qu'on lui
confeilloit, quelque bon qu'il fût. Il
continua donc de porter au plus près,
6c de dériver à vûë d'ceil ; puis il fe mit
à faire des bordées, 6c ce fut encore pis,
de forte qu'il eut le chagrin de voir qu'à
deux heures après midi nous avions tellement
perdu, que nous n'étions plus
qu'à deux lieues au vent du Trou-auchat
de la Cabeiterre de la Guadeloupe.
Il fallut donc reporter fur les Saintes
que nous eûmes bien de la peine à
gagner. Le vent de terre étant venu
avec la nuit, il voulut tenter de l'autre
côté 6c porter au vent de la Dominique;
mais dès que nous fûmes au vent
de la terre de haut, lescourans fe trouvèrent
plus forts que le vent , 6c nous
entraînèrent dans le canal entre les Saintes
6c la Dominique. Nous paiTâmes toute
la nuit à louvoyer bord fur bord fans
gagner autre chofe que de nous trouver
le matin à deux lieues au venfdesSaintes.
Nous employâmes tout le Jeudi à
faire la même manoeuvre, fans avoir
gagné unquart delieuë; encore étionsnous
heureux de n'avoir rien perdu.
Nous eûmes la nuit un vent de Nord
fort frais qui nous mit à près de fix
lieuës
rum
/lis,
F R A N C O I S E S D
iieues au vent de la Dominique 6c à
peu près par fon milieu. Nous commencions
a bien efperer de nôtre voyage
quand le Vendredi à l'aube du jour nous
découvrîmes deux voiles qui portoient
fur nous. Nous nous crûmes pris, 6c
nous l'étions en effet fi elles avoient été
Angloifes. Mais dans ce moment le vent
'/Ix s'érant tourné à l'Eft, nous portâmes
arfii- les Saintes, 6c entrâmes dans le port ,
aïant en queiie une corvette 6c une barque
qui alloient en courfe, qui aïant reconnu
nôtre bâtiment bien avant que nous
leseuffions reconnus, n'avoient pas voulu
forcer de voiles, afin de nous laiilèr
le chemin libre , 6c que nous n'allaflîons
pas nous échouer. Elles entrerent
dans le port des Saintes où elles alloient
prendre des legumes, 6c fe mocquerent
bien fort de nôtre maître & de fa navigation.
Nousremîmesà la voile à foleil couchant,
mais bien que nous fuffions encore
aidez du vend de Nord, les deux
lieuës que nous avions à faire au vent
plus que les jours precedens, Se les c furans
du canal qui nous entraînoient avec
d'autant plus de force que nous en
étions plus proches, furent caufe que
nous ne pûmes nous élever qu'environ
une lieue au vent de la Dominique : car
nôtre pilote ne voulut plus reprendre fa
Jiemiere route, quoiqu'elle fut meileure
que celle qu'il fuivoit.
Nou: paiTâmes le Samedi tout entier
& toute la nuit du Dimanche à faire la
même manoeuvre fans pouvoir nous
élever plus de trois lieuës. Enfin le jour
de la Pentecôte le maître refolut de
porter fur la Bafie-terre de la Martinique
, 6c de moiiiller s'il pouvoir au
Prefcheur pour prendre de l'eau, 6c
attendre un vent favorable pour remonter
à Sainte Marie en rangeant la
côte.
î L 'AMERÎ a .UE. !7 j
L e Lundi onzième Juin, fur les dix irtyô.
heures du matin , nous nous trouvâmes
à la pointe du Prefcheur. Je me
fis mettre à terre à l'habitation de Madame
la veuve Chapelle, où je dis la Meffe,
8c où j e dinai. Elle me donna un canot
avec trois Negres, 6c un Caraïbe
pour gouverner, pour me porter jufqu'au
Potiche chez Monfieur Michel.
Ma navigation avoit été jufques-là forC
ennuyeufe, lafin.futdes plus perilleufes
que j'eulle eiTuyé jufqu'alors.
A peine eûmes nous doublé le mor- Danger
ne S. Martin, que nous fûmes pris fi
d'un coup de vent fi furieux, accompagné
de pluye, d'éclairs 8c de ton-uur.
nerres , que deux barques qui étoient
devant nous fuifent contraintes d'amener
tout plat, 6c de pouger à mats 8c
à cordes. J'aurois bien voulu prendre
terre , mais cela étoit impraticable , .
?arce que c'eft une côte de fer ou le?
ames hautes comme des montagnes
fe rompoient contre la falaife avec
un bruit effroyable. Je dis au Caraïbe
de virer, mais il iè contenta de me
dire en fon baragouin : Compere na pas
tenir peur ^ fi canot tourné toi tenir coeur ^
fort. Les Negres qui parloient mieux
que lui me dirent qu'il étoit impofiible
de virer, 8c qu'il falloir fe refoudre
à perir, ou à continuer le voyage.
J e pris patience. A tout hazard j e me
dépoiiillai ne laiffant fur moi que mon
caleçon 8c mon chapeau. En cet état j e
m'ailis au fond du canot , duquel j'avois
foin de vuider l'eau de toutes mes forces,
6c j'avois aflèz d'affaires; car comme les
lames font courtes près de terre , le
Caraïbe ne pouvoit pas empêcher qu'il
n'en entrât quelqu'une par nôtre avant.
Cependant les trois Negies 8c lui travailloient
comme des defefperez , les
Negres à nager, le Caraïbe à parer
les lames. On peut croife que j e les
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