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130 NOUVEAUX VOY
coûte trop,parce qu'elle confomme beau
coup de teille, qui eft fort chere aux
Illes, à moins que d'avoir des iiics de latanier,
ou d'écorce de mahot , comme
on en a dans les petites Mes où ces plantes
font en abondance, mais qui coûteroient
autant que la toillefi on les faifoit venir
exprès de ces Iflcs-là.
La maniéré des Sauvages eft de mettre
leur manioc gragé dans une couleuvre
derofeau refendu, ou delatanier, dont
ils attachent un bout à une branche d'arbre
, ou au faîte de leur carbet, & à
l'autre ils y attachent une grofle pierre
dont le poids tirant en bas la couleuvre
la fair retreffir, Scexprime tout lefuc du
manioc.
Defcrip- La couleuvre eft un cilind'rede fix à
Teloti-' pieds-de long quand il eft vuide,
IcHvrc & de quatre à cinq pouces de diamefour
trej il ef tcompof é de rofeauxrefendus,
inffcr le jg latanier, nattés ou treiîes à peu
^isnm. V f ' . 1 I j '
près comme feroient des bas de coton.
On foule, on prelîe le manioc à mefure
qu'on le fait entrer dans la couleuvre,
ce qui augmente beaucoup fon
diametre en même tems que fa longueur
diminue j mais le poids qu'on
attache à fon extrémité la fait allonger
en diminuant fon diametre , ce
qui ne peut arriva* qu'en comprimant ce
qui eft dedans, & en exprimant le fuc.
On peut fe convaincre de cette experience
par l'exempled'unbasdechau&dont
on augmenteroit confiderablement le
diametre en l'emplilTant de beaucoup
de pâte ou d'autre matière femblable ,
£c dont on diminucroit en même tems
lalongueur, mais à qui onreftitueroit
toute fa longueur en diminuant fon diametre,
fi en le fufpendant en l'air on
attachoit un poids à fon ext rémi té, parce
que la pefanteur du poids comprimeroit
la matiere qui y feroit renfermée,
6c la réduiroic eu un moindre volume.
a g e s a u x i s l e s
C' e f t de la racine de manioc ainfi gragée
6c preflee, qu'on fait la caiîàve Se la
farine du manioc, qui fervent de pain à
prefque toute l'Amerique.
Pour mettre cette farine en caflave', jif<i|
il faut avoir une platine de fer fondu, fi"
ronde, épaifle d'un bon demi pouce,
& large d'environ deux pieds. On la
pofe fur un trépied ou fur des pierres',
Se on fait du feu deiTous. Lorsque
la platine eft échauffée à n'y pas pouvoir
fouffrir le doigt, on y met de ce
manioc gragé ôc preile que l'on a fiiit
paffcr par un hebichet y c'eft-4-dire par
une efpece de crible fait de rofeaux découpez
, ou de queues de latanier dont
les trous quarrez ont environ deux lignes
en tous fens, ce quifert pour rompre
les grumeaux dans lefquels la farine
s'eft réduite fous la prefle, la purger de
tous -les morceaux qui n'auroient pas
é t é bien gragez, & a fubtilifer autant
qu'il eft necclîaire. On met donc de
cette farine ainfi paiTée environ l'épaiffeur
de trois doigts fur toute la platine}
elle s'abaifle ou s'affaiffe à mcfure qu'elle
c u i t , toutes fes parties fe prennent , fe
joignent, s ' incorporent&fe lient enfemble.
Celui ou celle qui la travaille aide
à procurer cette liaifon & cette comnreiHon,
en paiTant deiTus & appuyant
egerement une fpatule de bois qu'il
tient de ki main droite. Quand il juge
que le côté qui touche la platine eft
c u i t , ce qu'on connoît à ce qu'il n'y eft
plus adhérant , & que la couleur qui
étoit au commencement fort blanche,
devient roufle, il la tourne de l'autre
côté, ce qu'il fait en paflant la fpatule
toute entiere entre la platine & la cafiiive
qu'il éleve aflez pour y pouvoir
paficr la main gauche, & élevant ainfi
la cailîive toute entiere , il la fait retomber
fur la platine, fur le côte qui
n'a pas encore fcnti la chaleur. C'eft ea
c e t t e
F R A N C O I S E S D
cette fituation que la caflavc achève de
ie cuire j quand elle eft tirée de deiîlis la
platine on l'expofe au foleii pendant
deux ou trois heures afin d'achever de
deiTecher l'humidité qui pourroity être
reftée. La caiTave ainfi cuite peut avoir
f trois à quatre lignes d'épaiiTeur dans
fes bords, & un peu davantage dans fon
milieu, & peut pefer deux livres quand
elle a vingt-trois à vingt-quatre pouces
j de diametre. Le dedans demeure blanc
comme la neige, & les deux cotez font
d'une couleur d'or pâle qui donne envie
d'en manger. Elle peut feconfcrver fept
! ou huit mois, & même davantage, pouri
vû qu'on ait foin de la mettre dans un
lieu fee, & de l'cxpofer quelquefois au
foleil. J'en ai qui eft faite depuis plus de
quinze ans. Se qui eftauffi bonne que le
premier jour Se auffi tendre. C'eft une
très-bonne nourriture, de facile digeftion
qui ne charge point l 'ef tomach, 6c
que les Européens même aiment autant
que lep ain de f roment , dés qu'ils y font
accoutumez: il eft vrai qu'elle paroît
infipide au commencement , mais on s'y
fait bien-tôt, tout comme ceux qui
n'ont jamais mangé de pain ou de ris
cuit dans l'eau ne trouvent aucun goût
ni à l'un ni à l'autre. La caflavc s'en-
1 ne a vûë.d'oeil quand on l 'humeap avec
du bouillon, ou qu'on la trempe fimplementdansl'eau
j celafemble prouver
qu'elle renferme beaucoup de fubftance.
fetin i conferver en farine
I"'fmne ¡f ^^^loc gragé 6c preffé, ce qu'on fait
àtMa- dans toutes les habitations parce que
fW. cela eft plus commode , foit pour le conserver,
foit pour le diftribuer aux Nep'es,
foin enfin pour le tranfporter d'un
Jieu aun autre, on doit avoir une poef-
Je de cuivre de trois à quatre pieds
«e diamettre dont le fond foit p l a t , 6c
ics cotez ou bords de quatre à cinq
pouces de hauteur^ 0« la monte fur un
E L'AMERIQ^UE. 13r
fourneau de maçonnerie avec un bord
de pierre de taille qui l'enchaiTe bien
j u f t e , 6c qui augmente encore de cinq
ou fix pouces la hauteur du bord du
ciiivre. ^ Quand la poeile eft un peu
échauffée, on y met le manioc paffé
par l'hebtchet, 6c la perfonne qui le
travaille le remue fans ceffe avec une efpece
de petit rabot de bois femblable à
celui dont les maffons fe fervent à Paris
pour délayer la chaux 6c faire le mortier.
Ce mouvement fert à empêcher
que la farine ne s'attache à la poefle ,
6c n e f e l i e enf embl e , de maniéré qu'elle
reftecommede^ros fel roux quand elle
eft cuite, 6cbienfeche. Cette maniéré
eft bien plus expeditive que de faire de
la caffave. Lors qu'elle eft refroidie, on
la met dans des bariques ou dans de
grands coffres en maniéré de foutes , où
on la peut conferver des années entières,
pourvû qu'elle foit dans un lieu fec, ou
qu'on la faffe paffer par la poefle tous
les fix mois. On peut la manger toute
feche comme on mangeroit du pain
qui feroit émiet té, ou comme les Turcs
mangent leur ris quand il eft cuit, ôc
fans bouillon. Quand on l'humcfteelle
eqfle extraordinairement,-bien des gens
prétendent qu'elle eft plus nourriffante
quelacaflave. Jefui^perfuadé que c'eft
la même chofe.
Une poefle de trois à quatre piedis de
diamettre peut cuire trois barils de farine
en dix ou douze heures, chaque
baril contient cinquante pots mefurc
de Paris , ÔC ces trois barils fuffifcnc
pour nourrir cinquante Negres pendant
une femaine, en leur donnant à chacun
trois pots, qui eft tout ce qu'un homme
peut manger. Ordinairement on
n'employé à ce travail que deux Negreffes,
une qui foit forte parce que et
remuement continuel pendant dix ou
douze heures eft rude Ôc Éitiguant, Ôc
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