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13Z NOUVEAUX VOY
i6y4, une vieille ou quelque enfant de douze
ou treize ans pour palTerle manioc dans
l'hebichet, ce qui eft plutôt unamufement
qu'un travail.
Les, Sauvages ne font jamais de farine
ils n'iifent que de caiTa-
Comment
Us de manioc cuTte ,
" vequ'ilsfontcuiretouslesjoûrs, &fouvent
dit vent autant de fois qu'ils en ont befoin,
Mawoc. parce qu'ils h mangent toute chaude ,
auflieft-elle en cet état plus délicate &
. plus apetiilkite.
Avant que les Européens leur euflent
apporté des platines de fer, ilsfaifoient
leur cailiive fur de grandes pierres plates
8c minces qu'ils ajuftoient pour cet
ulage en diminuant leur épaiiTeur. On
trouve beaucoup de ces pierres au bord
de la mer j c'eft une efpece de grez ou
de caillou couleur de fer, long pour
l'ordinaire de deux à trois pieds , èç
ovale j ils- le faifoicnt chauffer pour
en enlever plus facilement des éc ats ,
& le réduire à la forme qu'ils lui vouioient
donner. J'ai vû une de ces pierres
en 1701. à la Caye faint Louis en l'Ifle
faint Doraingue, chez un nommé Caftras
, Econome de l'habitation de la.
Compagnie de l'Iile à Vache. Elle
avoit vingt-deux pouces de longueur ,
fur quatorze & demi de large, & trois
pouces d'épaifleur, elle étoitfort unie,
on auroit eu peine de-la faire plus proprement
avec des outils. Il l'avoit trouvée
en faifant foiiiller dans la terre ,
avec quelques poteries Se des figures
ou marmouzets de terre que l'on fupjofoit
être les Idoles des Indiens qui
labitoient cette lile quand les Efpagnols
la découvrirent.
jnflru' Les Sauvages qui n'avoient pas dé
grages de cuivre avant l'arrivée des
Européens, fe fervoient d'une planche
graver le de racincs ou de cuifles d'arbres, dans
Maifioe. laquelle ils fichoient de petits éclats de
cailloux fort aigus pour grager leur
A G E S AUX ISLES F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. 13?
manioc. Ils s'en fervent encore à bre- , r M On s'en lert encore pour fai.-c une qu'à ce quelle foit prefque brWée-,
fent quand les grages de cuivre leur efpece de groife cafla^^e epailTe de trois dont on k fcrt pour faire une boiiTon,
manquent. • ou quatre doigts, qu'on fait cuire juf- appelleeOuycou, dont je vais parler.
Outre ces trois maniérés ci-deflus d'ô- Dî«,^
terlamauvaife qualité du manioc en exprimant
fon fuc , il y en a deux autres
queles Negres Marons pratiquent quand m'if'l*
ils font retirez dans les bois 6c autres4
lieux oil ils fe réfugient. La premiere,"'^®"
c'elide le couper par morceaux & de le
mettre tremper dans l'eau courante des
rivieres ou des ravines pendant fept ou
huit heures. Le mouvement de l'eau ouvre
les pores delà racine, & entraîne ce
trop de fubftance. La feconde maniere
eft de le mettre cuire tout entier fous la^
braife. L'aftion du feu met fes parties en
mouvement, & on le mange com me o»
fait des chataignes ou des patates fans aucune
crainte.
Il y a une efpece de manioc qui eft
exempt de cette qualité dangercufe qu'on
appel e Camanioc, comme qui diroit,
le chef des Maniocs. En effet, fon bois,,
fes feiiilles & fes racines font plus grandes
& plus groffes que les autres maniocs,
on le mange ians danger & fans aucune
précaution.. Mais comme il eft beaucoup
pluslong-tems à croître & à meurir, £c
que fes racines rendent beaucoup moinsde
farine parce qu'elles font plus' legeres
& plus fpongieufesque les autres,,
on le néglige, & peu de gens en plantent.
Les petits morceaux de manioc qui
ont échappé à la grage, les grumeaux
qui n'ont pû paiTer au travers de l'hebichet,
& généralement tous les reftes
qu'on appelle les paffures, ne font pas
inutiles ; on les fait bien fec-her dans
la poeile après qu'on a achevé de faire
k farine, & enfuite on les pile dans
un mortier pour les réduire en une
farine très-blanche dont on fait de la
boûillie.-
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C H A P I T R E X V I 1.
Des BorjJms ordinaires des IJles.
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[Près que nous avons parlé du
pain du pays, i l me paroîttrès
•juftede dire un mot des boiffons
dont on ufe comrnuné-
.triiïnr.
. V L'Ouycou eft l I Cil»"- r , - 7a p^l us •o rdijn air•e dTo nt
ufent ceux qui n ont point de vm. Les
I vaif- Européens ont appris des Sauvages à la
Ifiauz, Qj^ pgm- jg grands
' ' vafes de terre grife que l'ont fait dans
le pays. Les Sauvages, & à leur imitation
les Européens les appellent Canaris
; nom generique qui s'étend à tous
les"vaiiTeaux de terre grands & petits,,
6c à quelque ufage qu'ils foient deftinez.
Il y en a qui contiennent depuis
une pinte jufqu'à foixante & quatrevingt
pots. On fe fert de ces grands pour
faire le Ouycou, on les remplit d'eau
jufqu'àcinqou fix pouces près du bordy
on y jette deux de ces groffes caffaves
rompues, avec une douzaine de certaines
pommes de terre, appellées patates,
coupées par quartier, trois ou
quatre pots de gros firopde cannes, ou
quand on en manque, une douzaine
de cannes bien meures coupées en morceaux
6c écrafées avec autant de bananes
bien meures & bien écrafées. Je
o«y««, donnerai dans un autre lieu la defcription
des- patates- & des bananes. Tout
mcriqui ce mélange étant fait, on bouche bien
(Tcom- l'ouverture du Canaris, 6c on le laiffè
wiwi^/e fermenter durant deux ou trois jours,
• au bout defquels on leve le mare qui
eft venu au deffus 6c qui a formé une
a-oute; on fe fert pour cela d'un«.- écumoire
ou d'une piece de calebaffe d'arbre
, dans laquelle on a fait de petits trous
avec un fer chaud. La liqueur qui eft
•dans les Canaris reffemble pour lOrs à
de la bierre} elle eft rougeâtre, forte,
npuriffante, rafraichiffante , & elle enyvre
aifément. Nos François s'y accoutumentauffi
facilement qu'à la bierre.
C'eft la boiffon favorite de nos Sauvages
: ils en font qui eft terriblement
forte, fur tout quand ils veulent faire
quelque feftinj c'eft avec cela qu'ils
s'enyvrent, 6c que fe fouvenant afors
de leurs vieilles querelles, il fe maffacrent.
Les habitans, les ouvriers & autres
qui n'ont pas de vin à leur repas,
n'ent point d'autre boiffon que un Ouycou,
après quoi ils prennent un coup
d'eau-de-vie de cîinnes, qu'on appelle
G u i l d i v e o u l a f f i a .
L e Maby eft une autre boiffon, qui M.dy,
n'eft gueres moins en ufage que l'Ouy- ""'reefcou.
Elle fe fait de cette maniéré j
met dans un canaris vingt ou trente
pots d'eau avec deux pots de firop clarifié
, une douzaine de patates rouges, Se
autant d'oranges fures coupées par quartiers.
Cette liqueur fe fermente en
moins de trente heures, & fait un vin
clairet aufli agreable que le meilleur
poiré que l'on boive en Normandie.
Il rafraîchit extrêmement, du moins en'
apparence -, il eft bien plus agreable
pour la cou'eur & le goût que l 'Ouycou,
mais il eft plus malfaifant, car
outre qu'il enyvre plus facilement, il
eft venteux & donne la colique pour
R 3, c'eft.
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