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 N O U V E A U X  VOYAGES  AUX  ISLES  
 i6y4.  
 Croix  île  
 la  bafe  
 f  ointe.  
 Riviere  
 Capel.  
 Bfc  
 I •• il liii  
 iîglr  î«flfiifsiiiiisï-ui   
 Pf.roijje  
 de  la  
 ¡rande  
 .Ame.  
 34  
 nous trouvâmes une troifiéme croix,  appelléelaCroixde  
 la  baÎTe pointe,  parce  
 qu'elle eft à côté  du  chemin  qui  conduit  
 au quatier & au  bourg de ce nom.  Nous  
 lelaiiTâmes à main  gauche,  Se fuivîmes  
 nôtre chemin jufqu'à la Savanne du  iîeur  
 Courtois  Oli  nous  palîames  la  riviere  
 Capòr.  
 Toutes  ces  rivieres  font  à  propre».  
 ment  parler  des  torrens  qui  tombent  
 des montagnes, qui groffiflènt aux moindres  
 pluy es,  6c qui  n'ont  ordinairement  
 que deux ou trois  pieds d'eau.  Lariviere  
 Capot  eft  une  des  plus  confiderables de  
 l'Ule,  elle a pour  l'ordinaire  neuf  à  dix  
 toifes  de  large,  deux  à trois  pieds  de  
 profondeur dans fon milieu,  fon eau  eft  
 très-claire  &  très-bonne,  mais  fon  lit  
 qui eft rempli de  grofles mafles de  pierres, 
   Se d'une  infinité  de cailloux,  rend  
 fon  paiîlxge  dangereux,  quand  elle  eft  
 un peu grofle.  
 De  cette  riviere  à  la  paroiiTe  de  la  
 grande Ance il  n'y a qu'une petite  lieiie,  
 cela nous obligea à laifler paître nos  chevaux  
 pendant  une  demie  heure dans  une  
 favanne au  travers  de laquelle on  paiTe,  
 qui  appartient  à  un  habitant  de  cette  
 Paroifle,  appellé*Yves  le Sade.  Depuis  
 cet  endroit  jufqu'à  la  grande  Ance,  le  
 chemin  eft'agreable, bordé prelque  partout  
 d'allées  d'orangers,  mais  difficile  
 par  le  grand  nombre  de  montées  Sc  de  
 defcentes que l'on rencontre,  qui furent  
 caufe  que  nous  n'arrivâmes  à  a maifon  
 du  Curé qu'environ  une  heure  avant le  
 coucher du foleil.  
 Le Curé, appellé le Pere François  Imbert, 
   duCouventdeS.Maximin,  étoit  
 Provençal  auffi-bien  que  mon  Compagnon, 
   ce  qui  faifoit que  celui  cife  flattoit  
 d'en  être  bien  receu,  Sc que nous  y  
 coucherions  Sc  laiiTerions  repofer  nos  
 Negres Se nos chevaux qui ne  pouvoient  
 prefque plus marcher.  Il fut trompé,  ce  
 bon  Curé  étoit  fatigué  des  paflages  de  1694^  
 nos confreres qui s'arrêtoient chez  lui,Sc  
 l'incommodoient.  11 s'étoit  abfenté  de  
 fa maifon,  ouàdeirein,ouparnéceffité.  
 Son  Negre  qu'iiyavoitlailTé,  nous  dit  
 que fon maître  fçavoit que nous devions  
 arriver.  Se  qu'il  lui  avoit  ordonné  de  
 nous  prefenter  à  boire  Se à  manger,  iî  
 nous en avions befoin,  Se de nous  prier  
 en même  temps  de  pafler  outre,  parce  
 qu'il  n'avoit  plus  de  commodité  pour  
 donner  à coucher.  Ce  compliment  me  
 parut un peu extraordinaire.  Se je  disaU  
 Pere  Martelli  que  nous  ne  devions  pas  
 jourcekaller  plus loin,  mais  il  nevouut  
 pas y  confentir : nous partîmes  donc  
 après  avoir  fait boire  un  coup  d'eau  de  
 vie à nos Negres.  
 De la grande Ance au fond S. Jacques,  
 ily a deux  lieues j  nos  chevaux  achevèrent  
 de  fe  laiTer  en montant  Se  defendant  
 deux  ou  trois  mornes fort hauts  Sc  
 fort  roides  qu'il y a jufqu'à  la riviere  du  
 Lorain,  que nous pailames  avec  peine,  'Rivhn  
 auffi - bien  que  la  riviere  Macé  qui  
 étoient  fort  groiTes.  Le  cheval du Pere  '  
 Martelli  qui  boitoit  tout  bas  ne  voulut  
 plus  marcher}  de  forte  qu'il  fut  contraint  
 de  le  tirer  par  la  bride  plus  de  
 mille pas.  Pour  furcroit de malheur,  la  
 nuit  nous  prit  avant  que  nous  fulîîons  
 aiTivez à la Paroifle du Marigot,  Se nous  
 eûmes un  grain de  pluye  qui  nous  obligea  
 de  nous  mettre  à  couvert  fous  des  
 arbres  dans  la  favane  du  iieur  de  Verpré. 
   
 Nous  nous  remîmes  en  marche  dès  
 que  la pluye fut celTée,  nos Negres avec  
 leurs charges,  8c  lePereMartelhSemoi  
 tirans  nos  chevaux  par  la  bride,  lui  
 parce  que  fon  cheval  ne  pouvoit  fe  
 foûtenir. Se moi  pour  Idi tenir  compagnie, 
   &  foulager le mien  afin qu'il  eût  
 a  force de nous  paiTer les rivieres qui fe  
 rencontrent  jufqu'à  nôtre  habitation.  
 Si  
 F R A N C O I S E S  D  
 1504.  SinosNegresavoienteudel'efprit,ils  
 nous auroient conduits  chez  quelque  habitant  
 qui fe feroit faitunplaifirde  nous  
 recevoir.  Se de  nous  bien  régaler.  Car  
 dans toutes les Iflesl'hofpitaUté  s'exerce  
 d'une  maniéré  très-chrétienne  Se  trèscivile. 
   Nous  arrivâmes  à  l'Eglife  du  
 Paroifle  quartier  du  Marigot.  Comme  il  n'y  
 ¿aAiir-avoit  point  encore  de  Curé  refident,  
 rigut,  nous  ne  pûmes  recevoir  aucun  fecours.  
 Nous  nous confohons cependant,  parce  
 qu'il  n'y  avoit  plus  qu'une  petite  lieiie  
 de  là à nôtre habitation.  Environ à deux  
 cens  pas  plus  loin  nous vîmes  les  fourneaux  
 allumez d'une  fucrcrie.  Je  propofai  
 au  P.  Martelli  d'y  aller,  Se d'y  demander  
 le couvert,  il  ne  le jugea  pas  à  
 propos,.mais  nosNegrés  nousfirententendre  
 qu'ils  alloient y  laifler  le  cheval  
 boiteux  avec  leurs  charges,  Sc  qu'ils  
 nousconduiroient  plus  aifémentle  refte  
 du chemin.  Nous  y  confentîmes, Se les  
 attendîmes.  Après leur retournons  continuâmes  
 nôtre  voyage  montant  Tun  
 après  l'autre  fur  le  cheval  qui  nous  reftoit  
 qu'un dé nos Negres conduifoit  avec  
 un bout de lianne (c'eft-à-dire une efpece  
 de liére ou  d'ozier  qui  vient autour  des  
 arbres)  qui  étoit  attaché  au  mors  du  
 cheval,  Se  l'autre  conckiifoit  prefque  
 de la même mariiere  celui qui  marchoit  
 à pied I  car le Ciel étoit couvert,  la  nuit  
 fort  noire.  Se  la  pluye  avoit  rendu  le  
 chemin fort  gliflànt.  
 J e  m^avifai  de  demander  au  Negre  
 qui  me  conduifoit,  s'il  y  avoit  des  ferpens  
 dans  le  chemin}  il  me  répondit  
 auffi-tôt en fon ÎDaragoùin : Tmîr  mouche.  
 Je  compris  qu'il  me  difoit  qu'il  y  en  
 avoit beaucoup } ce qui  augmenta  terriblement  
 la peur  que  j'avois  alors  de  ces  
 animaux.  Je  me  fâchai  Contré  le  Pere  
 Martelli  de  ce qu'il  n'avoit  pas  voulu  
 t^iie  nous  demandafllons  le  couvert  à  
 cette  fucreriè,  où  nos  Negres  avoient  
 E  L'AMERIQ^UE.  
 laifle fon cheval,  Se de  ce que  nous n'étions  
 pas  refté à  la grande  Ance,  comme  
 je  l'avois  propofé.  Cependant  nous  
 nous trouvâmes à  la  riviere  du Charpentier. 
   Quoyqu'elle  ne  foit  pas  grande,  clorelle  
 ne laifie pas d'être  dangereufe parce f  entier.  
 qu'elle coule fur un fable mouvant  dont  
 on a fouvent  bien  de la  peine à  fe  tirer.  
 Nos Negres eflayerent le paflage,Scconduifirent  
 enfuite  le  cheval  Se  le  Pere  
 Martelli.  Ils vinrent me chercher Se me  
 paflïrent,  je  demeurai  à  cheval  parce  
 que  c'étoit  mon  tour.  Se je  commeçai  
 à  me  mocquer  du  Pere  Martelli,  qui  
 crioit  comme un defeiperé quand il  rencontroit  
 quelques  branchages  dans  le  
 chemin, oii qu'il entendoit remuer quelque  
 chofe,  s'imaginantque  tous les ferpensdu  
 païs couroient après lui.  
 Nous  montâmes  un morne très-haut  
 & très-long, mon  cheval faifoit fouvent  
 des  reverences  jufqu'à mettre  le  nez  à  
 terre.  Le  Pere  Martelli  qui  fe  piquoit  
 de  civilité  les  lui  rendoit  au  double.  
 Se  tous  deux  ne  pouvoient  pas  moins  
 faire}  car  la  terre  de  ce  quartier  eft  
 grafl'e, r o u g é, Se fort gliflante, auflî-tôt  
 qu'il a plû comme il venoitde  faire}  enfin  
 tombant,  bronchant,  montant  Sc  
 grondant,  nous nous trouvâmes au  haut  
 de ce morne  dans  la iàvanne  d'un  habitant  
 nommé  Gabriel  Raffin.  Jefentis  
 que mon  cheval  alloit  mieux,  d'oii  je  
 conjecturai  que  nous  n'étions  pas  loin  
 te  nôtre  marfon} je  le demandai  à  nos  
 Negres,  qui  me  dirent  que  cela  étoit  
 vrai,  mais  que le  refte  du  chemin  étoit  
 méchant.  Je  mis  pied  à  terrç  quand  
 nous  eûmes  pafle  la barriere  qui  ferme  
 cette favanne,  un de nos Negres menoit  
 le  cheval  par ia bride,  lè Pere  Martelli  
 marchoit enfuite tenant le même  cheval  
 par la queiie,  je fuivois le Pere Martelli,  
 un Negre me  fuivoit Se fermoit la  marche, 
   à  quelques  chûtes près,  nous  arri- 
 E  i  yâmes