
 
        
         
		i i i P ^ l i :  
 f i s  
 1694.  
 Habitations  
 des  
 fleurs  
 joyeux  
 V  de  la  
 vigm- 
 Cran- 
 TUl,  
 i î i i f  i i . i l l i r f ®  
 J î l  -  «i'  
 J  ijiï  
 ,Bi/ai itati»-'It 
 i ' - — i ^ S l i i r f i i ^ l ,  
 i i i i i r f ' - 
 54  NOUVEAUX  VOY  
 8c  on  prendrait  aiTez  de  poiiTon  iî  les  
 requiens  &  les  bécunes  qui  frequentent  
 fort  cette  rivieie,  ne  rompoient  ou  
 n'emportoient  les  nafles  quand  ils  y  
 voyent  du  poiflbn,  ou  ne  coupoient  celui  
 qui  pend  à  la  ligne.  
 L'habitation  de  Monfieur Joyeux  eit  
 un  terrein  uni  de  mille  pas  en  quarr 
 é ,  bornée  d'un côté  par  la  riviere  dont  
 je  viens  de  parler,  &  feparée  de  celle  
 de  Moniîeur  Dubois-Jourdain  par  
 un  ruifleau  d'eau  douce  qui  fe  jette  
 dans  la  riviere.  Il  n'y  avoit  pas  une  
 heure  que  nous  érions  arrivez,  que  
 Monfieur  de  la  Vigne-Granval  nous  
 vint prier d'aller  loger  chez  lui,  &  nous  
 en  preffà  fî  fort,  que  malgré  la  refolution  
 que  nous  avions  faite  de  n'aller  
 chez  peribnne,  nous  nous  embarquâmes  
 avec  lui,  &  allâmes  a  fa  maifon.  
 Elle  ell  à  cinq  ou  fix  cens  pas  plus  
 haut  que  l'endroic  où  la  riviere  n'eft  
 pins  navigeable  pour  les  barques :  mais  
 il  a  creufé  un  canal  de  neuf  à  dix  
 îieds  de  large  qui  porte  les  canots  &  
 es  chaloupes  jufqu'à  la  porte  de  fa  
 fucrerie,  avec  des  rigolles  qui  traverfent  
 fa favanne,  par  le  moyen  defquelk 
 s  il  a  defleché  fes  terres  bafies  &  
 noyées,  &  d'un  marais  inutile  qui  caufoit  
 un  très-méchant  air,  il  en  a  fait  
 de  très-belles  prairies  où  il  pourra  
 planter  des  cannes  dans  la  fuitei  à  
 quoi  il  faut  ajoûter  que  fon  canal  luy  
 donne  la  facilité  d'embarquer  fes  marchandifes  
 à  la  porte  de  fa  maifon,  
 fans  avoir  befoin  de  cabrovets  ou  cha- 
 • rettes  pour  les  tranfporter.  
 Nous  reconnûmes  dès  qu'il  fut  nuit  
 combien  nous  avions  été  fages  d'accepter  
 fes  offres  &  de  venir  loger  chez  
 l u i ,  puifque  malgré  toutes  les  précautions  
 qu'il  avoit  prifes  pour  éloigner  
 de  fa  maifon  les  mouftiques  ôc  les  maringoins, 
   ily  en  avoit  encore  aflez  pour  
 defcfp:rer  ceux  qui  n'y  font  pasaccoû- 
 A G E S  A U X  ISLES  
 tumez}  d'où  il  eil  aifé  de  juger  ce  qui  is^  
 nous  fcroit  arrivé  fi  nous  fuïîions  ref- 
 .  tez  dans  les  cafes  de  Monfieur  Joyeux,,  
 où  il ne  demeure  pour  l'ordinaire  qu'un  
 Commandeur,  des  Ouvriers  &  des  Nègres, 
   qui  font  aecoûtumez,  du  moins  
 en partie,  à ces  fortes  d'incommoditez,  
 ou  qui  s'en  exemptent  en  fiiifant  dans  
 leurs  cafes  une  fuméè  fi  épaifle  qu'elle  
 feroit  infupportable  à  tout  autre  qu'à  
 eux.  
 L e  Mardi  14.  Décembre  tous  les habitans  
 qui  avoient  été  avertis  de  nôtre  
 arrivée,  fe  trouvèrent  chez  Monfieur  
 de  la  Vigne.  Je  dis  la  Mefle  dans  une  
 petite  Chapelle  qu'il  avoit  fiiit  bâtir  à  
 côté  de  fa  maifon.  Après  que  j'eus  
 achevé  les  divins  Myfteres,  je  dis  à  
 l'AiTembléç  que  les  Supérieurs  ayant  
 reconnu  la  neceffité  où  ils  étoient  d'avoir  
 un  Curé  réfident,  étoient  refolusde  
 leur  accorder  ce  qu'ils  demandoient  
 fi  inftament,  d'autant  plus  que  la  Paroifle  
 de  la  Trinité  augmentant  tousles  
 jours,  il  fereit  dorefnavant  tout-àfait  
 impoflible  au  Curé  qui  la  fervoit  
 de  les  fecourir  dans  leurs  befoins.  Je  
 leur  fis  voir  qu'il  ne  fallôit  pas  beaucoup  
 compter  fur  celui  qui  s'établif*- 
 foit  au  cul-de-fac  Robert  qui  auroic  
 allez  d'affaires  chez  lui  pour  l'occuper  
 tout  entier}  outre  que  les  chemins  pai'  
 terre  étant  pi-efque  impratiquables,  lur  
 tout  dans  la  faifon  des  pluyes,  ils  feroient  
 obligez  de  l'aller  chercher}  &de  
 le  reconduire  dans  leurs  canots,  ce  qui  
 ne  pourroit  fe  faire  fans  déranger  beaucoup  
 le  travail  de  leurs  habitations.  Je  
 leur  propofai  les  offies  de  Monfieur  
 Joyeux  &  la jùftice  de  fes  prétentions.  
 Je  les  exhortai  à  ne  pas  diifcrer  la  con- Bi^  
 clufion  d'une  affaire pour  laquelle Mon- -J*  
 fieur  le  Lieuten-ant  de  Roi  étoit  venu  
 exprès  fur  les  licux}  &  enfin  je  les»"  
 aiTurai  que  chacun  po^ivoit  dire  fon J^j  
 fenriment  avec  toute  forte  de  liberté;  
 F  R  A  N  C  O  I  S  E  S  P  E  L'A  M  E  R  I  a U  E.  
 Î654.  que  fi  quelqu'un  fe  trouvoit  en  état  
 de  'faire  des  offres  plus  avantageufes  
 que  celles  de  Monfieur  Joyeux,  on  les  
 écouteroit  avec  plaifir.  
 Il  y  eut  quelques  legeres  contefl:ations, 
   mais  enfin  on  convint  que  Monfieur  
 Joyeux  &  fes  ayans  caufe  auroient  
 le  premier banc  dans  l 'Eglife,.  8c  qu'ils  
 feroient exempts  des  contributions  pour  
 le  bâtiment  ou  réparations  dé  l'Eglife  
 8c  du  Preibytere  }  au  moyen  dequoi  
 Monfieur  Joyeax  donna  tout  le  terrein  
 nccefl'iire  pour  l'édifice  de^^^Eglife  8c  
 du  Preibytere,  pour  le  Cimetiere  8c  le  
 jardin  du  Curé,  avec  le  droit  de  mettre  
 deux  chevaux  du  Curé  dans  fa  far  
 vanne.  L 'Af t e  fut  drelfé &  figné,  après  
 quoi  on  proceda  à  l'éleétiori  d'un  Marguillier  
 qui  fut  le  fieur  de  la  Vigne.  
 Tous  les  habitans  fe  cottiferent  euxmêmes  
 pour  la  depenfe  de  ces  bâtimens  
 avec beaucoup  de  generofité,  Se donnèrent  
 leurs  billets  au  nouveau  Marguil-'  
 lier.  ^  •  
 Nous  fûmes  après  dîné  vîfiter  le  
 terrein}  je  le  choifis  à  côté  du  ruiffeau  
 dont  j'ai  parlé.  Je  marquai  avec  
 des  piquets  le  lieu  de  l'Eglife,  du  Cimetiere, 
   de  la  maifon  Curiale Se de  fon  
 jardin}  Monfieur  Joyeux  nous  laiifant  
 les  maîtres  de  fon  terrein.  En  attendant  
 qu'on  pût  b-âtir  l'Eglife,  on  convint  
 qu'on  fe  ferviroit  de  la  falle  de  
 la maifon  curiale  pour  y  dire  la  Mefite,  
 &  qu'on  commenceroit  le  bâtiment  
 inceifamment.  Cependant  on.  fit  une  
 croix  de  bois  pour  planter  dans  le  milieu  
 de  l'endroit  deiliné  pour  le  Cimetiere} 
   Se  on  fe  prefica  de  faire  une  petite  
 Chapelle  de  fourches  en  terre  ,  
 pallifladée  de  rofeaux  8c  couverte  de  
 paille,  où  en  cas  qu'il  vînt  quelque  
 Religieux  avant  que  la maifon fut  faite,  
 il  pût  dire  la  Meile  fans  incommoder  
 Monfieur  de  Granval.  On  y  travailla  
 dès  ce  moment,  8c  le  lendemain  les  
 habitans  preilerent  fi  bien  l'ouvrage,  
 que  cette  Chapelle  longue  de  vingt-fix  
 Meds 8c large  de  quatorze,  fut  achevée  
 e  Jeudi  au  foir,  8c  le  Cimetiere  prefque  
 renfermé  avec  une  liziere  du  bois  
 immortel.  
 On  s'étonnera  peut-être  que  Monfieur  
 Joyeux  ait  été  recompenfé  pour  
 la  ceifion  de  fon  terrein,  8c  que  Monlîeur  
 Monel  ne  l'ait  point  été  pour  
 celui  où  l'Eglife  du  cul-de-fac  Robert  
 a  été  bâtie.  En  voici  la  raifon.  Le  
 terrein  qu'on  avoit  pris  dans  la  favanne  
 de  Monfieur  Monel  étoit  fur  les  
 cinquante  pas  que  le  Roy  fe  referve  
 autour  des  Mes,  en  les  mefurant,  non  
 pas  tout-à-iait  du  bord  de  la  mer,  
 mais  de  l'endroit  où  l'herbe  peut  
 croître  :  quoique  le  Roi  accorde  la  
 joiiifiance  de  ces  cinquante  pas  à  ceux  
 qui  ont  le  terrein  qui  efl:  au  defius  ,  
 il  fe  referve  toûjours  la  faculté  de  le  
 reprendre  quand  il  lui  plaît,  ou  que  
 le  befoin  le  demande,  Se  c'eil  ce  qui  
 étoit  arrivé  à Monfieifr  Monel ,  qui  par  
 confequeut  n'avoit  rien  à  prétendre  
 pour  le  terrein  où  l'Eglife  8c  la  maifon  
 Curiale  avoient  été  bâties}  au  lieu  
 que  Monfieur  Joyeux  n'étoit  pas  dans  
 ce  cas-là.  Son  terrein  étoit  bien  éloigné  
 des  cinquante  pas  du  Roi ,  8c  
 comme  il  en  étoit  le  maître  abfolu,  la  
 juftice  vouloit  qu'on  le  recompenfâten  
 quelque  forte  du  prefent  qu'il  faiioit  
 à  l'Eglife  8c  au  public.  
 L e  Vendredi  matin  je  bénis  la  Croix  
 8c  la  plantai.  Je  bénis  aufli  la  Chapelle} 
   j'y  dis  la  Mefle  8c  communiai  
 beaucoup  de  perfonnes.  On  fit  marché  
 avec  des  Charpentiers  pour  la  maifon  
 Curiale,  à  laquelle  on  devoit  donner  
 trente-fix  pieds  de  long  fur  dix-huit  
 pieds  de  large.  Ils  la  devoient  rendre  
 parfaite  dans  fix  mois.  Je  fus  fort  
 content  des  habitans  de  cette  nouvelle  
 Paroifli}  ils  apportèrent  des  tapis  
 E  z  d'In-'