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lop NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
Nombre
des oeujs
à'uni
Tortm,
Cyleur
indiié.
force de paiTer, .s'entortille dedans 6c
fe noye. On en trouve quelquefois quatre
ou cinq prifes 6c noyées de cette ma'-
picrc.
• Une Tor tue d'une grandeur ordinaire
fait jufqu'à deux cens cinquante oeufs,
ils font de la grofTeur d'une balle de jeu
de paume 6c auffi ronds. Leur coque
ell comme du parchemin mouillé. On
y remarque toûjours un petit vuide. Le
blanc ne fe durcit jamais bien, quelque
cuiflbn qu'on lui donne. Le jaune fe
cuit 6c fe durcit comme celui des oeufs
de poule j il eft très-bon, on en fait des
omelettes excellentes.
Le Jeudidix-huitMarsje fus voir lever
laFolle, on y trouva deux Tortues franches
6c un Caret. Outre ces deux efpeces
deTortuës, il y en a une troifiéme qu'on
appelle Caouanne.
. LaTortuë franche qu'on appelle auffi
Tortue verte, eft la feule efpece quifoit
véritablement bonne à manger ; fon écaille
eft mince 6c de nulle valeur. J'ai
parlé ci-devant de cette T o r t u e , 6c j'aurai
occaiîon d'en parler encore dans un
autre endroit.
. Le Caret n'cft jamais iî grand que la
Tortuëfranche, Î'écaillequi lui couvre
le dos, qu'on appelle fa carapace, eft
bien plus ronde j c'eft ce qui ui donne
];; facilité de fe retourner fur le ventre,
quand on la tourne fur le dos. Cette écaille
eft ce qu'il y a de. meilleur. On
l'appelle auffifa dépoiiille,elle coniîfte en
treize feuilles, qui toutes enfemble peuvent
pafler quatre .livres 6c demie à cinq
livres , qui ieyend pour l'ordinaire quatre
livres dix fols à cent, fols la livre :
c'eft ce qu'on appelle en Europe Pécaille
de T o r t u e . i
. Sa chair n'eft pas bonne à manger, ce
qui ne provient pas de ce qu'elle foit
plus maigre ou plus dure que celle de
la Tortue franche,: mais d'une qitahté
B/Jtrtntes
efpeces
tic Tortiti
-
Tertuê
frariche
f a verte.
U C:int
purgative qu'elle renferme, qui fait que
quand on en mange, on eft afluré d'être
couvert de clouds, fi on a quelque impureté
dans le corps. Ceux qui vont
aux Mes de la Tortille ou autres Ifles
pour la pèche de la T o r t ue 6c du Caret,
ne vivent que de chair de Tortue pendant
trois ou quatre mois qu'ils employent
à cette pêche, fans pain, fans
cafl'ave, 6c lans autre chofe que le
gras 6c le maigre de cette chair, 6c il
eft aifuré que quelques maladies qu'ils
ayent, même le mal de Naples, i s en
guériiFent très-parfaitement. Cette nourriture
leur procure d'abord un cours
de ventre qui les purge merveilleufement,
que l'on augmente 6c qu'on diminue
à proportion des forces du malade
, en lui donnant à manger plus ou
moins de caret avec k chair de Tortue
franche : ce cours de ventre eft accompagné
de clouds ou de bubons , qui
pour l'ordinaire caufent la fièvre , qui
bien qu'elle foit violente ne peut être
dangereufe, fur tout quand le malade
eft d'une complexion forte 6c d'un bon
tempérament. On en eft quitte en douze
ou quinze accès, mais les clouds qui
font ouverts continuent de rendre de la
matiere tant qu'il fe trouve la moindre
impureté dans le corps. Après cela il
femble qu'on foit changé en un autre
homme. On fe fent tout renouvellé,
on devient gras, & la force 6c la fànté
reviennent à vûë d'oeil. Cependant il
eft bon d'avertir icy le Leéteur, que
des perfonnes vieilles, foibles ôc délicates
auroient peine à refifter à ces violentes
évacuations, 6c qu'il faut un tempérament
fort 6c robufte pour les fupporter.
- Un de nos Peres appelléJeanMondidier
qui demeuroit avec moi en nôtre
habitation du fortd faint Jacques, lorfque
j'en étois Syndic en lôpj. s'iavifa
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Hìpi't
F R A N C O I S E S D
liod un iour d'acheter unplaftron de Caret,
^ m prit pour un plaftron de Tortue,
6C malgré tout ce que je lui pus dire, il
le fit accommoder, 6c il en mangea tant
Qu'il fe fentit de l'appétit. J'en mangeai
auffi un peu, parce quej'etois bienaife
de me purger ; mais ce pauvre Religieux
ne fut pas long-tems fans fe repentir de
ne m'avoir pas voulu croire. En moins
de trois ou quatre jours, il fe trouva couvert
de clouds gros comme des moitiez
E L'AMERIQ^UE. lo j
d'oeufs de poule, de maniéré qu'il ne
pouvoit trouver de fituation pour être
un moment en repos. Ces clouds furent
accompagnez d'un dévoyement terrible,
avec une groife fièvre, qui m'auroîent
fait craindre pour lui, fi je n'en avois
pas fçû la caufe, 6c fi fa jeunelTe 6c ia
bonne complexion ne m'avoient raiTuré.
Il fouffrit pendant dix huit ou vingt
jours, mais il en a tiré cet avantage ,
qu'il n'a point été attaqué de la maladie
de Siam, ni d'aucune autre pendant cinq
ou fix ans qu'il a demeuré aux Ifles du
Vent.
• Pour moi qui en avois mangé plûtôt
comme d'un médicament que comme
d'une viande, j'en fus quitte pour un
petit dévoyement de cinq ou fix jours ,
accompagné de deux ou trois clouds ,
qui ne laiiferent pas de me faire du bien ,
après m'avoir caufé un peu de douleur 6c
d'incommodité;
La Caouanne eft la troifiéme cfpece 1^94.
de Tor tue de mer. eft cm
ment plus grande que les deux autres;
fon écaille ne vaut rien, outre qu'elle
Quand la chair de Caret a été falée,
elle n'eft plus fi purgative, mais toutes
fortes de chair de Tortue perdent beaucoup
de leur bonté, quand elles ont demeuré
dans le fel, parce qu'étant délicates
6c grafles, le fel confomme abfolument
toute la graille 6c toute la faveur.
Jenefçai fi on ne pourroit pas
attribuer cet inconvénient au fel du
pays qui eft fort corrofif, Sc fi la même
chofe arriveroit fi on fe fervoit du fel
d'Euro-pe.
Elle elt ordinaire- caouan^
ne, troi-
1, outre fiéme efeft
très-mincé 6c d'une vilaine couleur, rortué.
elle eft toûjours chargée de galles 6c
d'autres marques qui la gâtent abfolument.
Sa chair n'eft pas meilleure, elle
eft toûjours maigre, filafl'eufe, coriace
6c de mauvaife odeur. On ne laiffe pas
de la faller pour les Negrês à qui tout
eft bon. . .
' Quand on tourne les T o r t u e s , 8c particulièrement
le Caret j il faut fe garder
de fa gueule, car il mord d'une étrange
manière, 6c quand il ne peut pas emporter
la piece, il ne la lâche point qu'on
n e l'ait tué. Ceux qui gardent les ances
pour tourner les Tortues qui viehnenc
à terre, font toûjours armez d'un court:
bâton, dont ils eur donnent quelques
coups fur la tête pour les étourdir ,
quand elles font trop fortes ou trop méchantes.
Le moyen de lever les feuilles de Caret
de deiTus fa carapace, eft de mettre
dufeudeflbus, elles fe levent auffi-tôt,
6c on les tire après cela facilement avec
la main.
Lorfqu'on a pris des Tottuës en vie,
on les ypeutconferver quinze ou vingt
jours, les tenant renverfées fur le dos
à l'ombre , 6c les arrofant quatre ou.
cinq fois par jour avec de l'eau ; il eft
vrai qu'elles maigrilTent. Quand on en
prend de petites on les met dans des cuves
avec de l'eau de mer , qu'on change
tous les jours, on leur jette des herbes
dejardin de toutes fortes, elles en mangent,
fe nourrilfent 6c croiflent à merveille.
La graifie delaTor tuëmi fefur lefeu q^alitee.
ou expofée au foleil, fe convertit en de la
huile, qui eft bonne pour frire 6c pour
d'autres ufages, fur tout quand elle eft
KOU-
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