
 
        
         
		I X  
 i : t i  ,  
 1  
 Ii  
 i  i  ^ÍH  "  
 '».IIII  
 n.»ii  
 ÎÎI' 1  
 r irfMÍ!Í|   
 N O  U V E A U X  VOY  
 1694.  lebaiîè,  ou  font  des  noeuds  à  une  petite  
 cordelettepours'enfouvcnir,  ou  pour  le  
 faire comprehdrcà une autre. L e  Garaïbè  
 qui  vóuioit avoir mon fuf i l ,  me  prefentà  
 un panier,  un  arc,  des  fleches,  &  quelques  
 autres  bagatelles,  mais  voyant  qué  
 cela ne m'accommodoit  pas,  il  fut  enfin  
 chercher  fon lit ; nous  fîmes encore  quelque  
 refiftance,& à la fin nous  troquâmes,  
 &  furk marché je lui donnai  environunt:  
 livre de plomb &  une demie livre de  poudre,& 
   j'envoyai  fur  le  champ  l'hamacà  
 mon  Preibyrere.  Cependant  Monfîeur  
 Michel  tachbit  d'engager  un  autre  Caraïbe  
 à  fe  défaire  de  fes  caracolis}  il  en  
 vint  à  bout  avec  affez  de  peine,  à  condition  
 de  hai  donner  un  fufil,  &  qu'on  
 lui  rempliroit  deux  grofiès  calebafiès  
 d'eau-de^vis  de cannes.  Ce  dernier  article  
 éroit facile  à  execuwr,  mais  je  n'a-- 
 vois  plus  qu'un  fufil  dont  je  ne  voulois  
 pas  me  défaire,  &  ceux  qui  étoient  
 c h e z  mon  ami  étoient  trop  bons  pour  
 ces  fortes  de gens,  à qui  il n'eft pas per.- 
 mis  en  bonne  confcience  ou  eu  bonne  
 politique  de  donner  de  bonnes  armes.  
 U n  Negre  d'un  habitant  du  voifinage  
 ine  tira  d'embarras,  en m'offrant  de  me  
 vendre  un  vieux  fufil  qu'il  avoit,  je  le  
 pris  au  mot,  &  pour  amufei-  le  Caraïbe  
 afin  d'avoir  le  temps d'envoyer  chercher  
 le  fufil  &  le  bien  ajuftcr;  fl'ous  le  
 menâçies  à  la  mailon  de  Monfieur  JVÎich 
 el,  oi:i  on  lui  donna  à  manger,  &a  
 boire  plus  qu'à  manger.  Cependant  le  
 Negre  apporta  le  fufil  que  je  lui  payai  
 quatre  écus^  ce  qui  étoit  un  peu  plus  
 qu'il ne valok.  On  le  fourbit,  on  l'huila^ 
   &  on  le mit  dans  un  vieux  garde-fufil  
 de  drap  rouge  que  le  hazard  nous  fie  
 tïouver,  d'oii  je  le  fis  tirer  avec  cérémonie  
 pour  le  donner  au  Caraïbe.  Il  en  
 fut  charmé,  &  dès  qu'il  l'eut  entre  les  
 mains,  il  fe mit en  devoir  de  le  charger  
 fans  s'embaralTer  s'in'étoit  ou  nonj  on  
 A G E S  AUX  ISLES  
 Tavertit  qu'il  l'étoit,  Se  on  l'empêcha  
 ainfi  de  le  faire  crever  dans  fes  mains.  
 Il  le  tira  fur  nôtre  parole fans accident  j  
 après  quoi  il  demanda  fon  eau-de-vie,  
 qu'on  lui  mit  dans  fes  calebafíes,  comme  
 nous  avions  compté  les  fols  marquez, 
   c'eft-à-dire,  qu'on  fut  autant  de  
 tems  à  les  remplir,  quç  les  fols  marquez  
 avoient  tenu  d'e4>ace.  Le  Negre  
 qui  avoit  foin  de  l'eau-de-vie  avoit  mis  
 un  petit  morceau  de bois  dans  la  champlure  
 du  tonneau,  pour  l'empêcher  de  
 couler  comme  elle  devoit  faire  naturellement, 
   de  forte  que ces  deux  calebaiTes  
 qui  pouvoient  tenir  huit  à  neuf  pots,  
 furent près  d'uiie  h^eure  fous  le  robinet.  
 C'eft  une  petite  tromperie  qu'on  obférve  
 pour  leur  faire  croire  que  lés  
 vaiiTeaux  qu'on  leur  remplit  font  plus  
 grands  qu'ils  ne  penfent.  Ils  s'apkudiffent  
 eux-mêmes,  comme  nous  le  reftiarquâmes  
 fûr  le  vifage  de  nôtre  marchand  
 ,  qui  aidé  de  fes  camarades  à  qui  
 on  avoit  aufiî  donné  à  boire,  emporta  
 avec  bien  de  la  joye  la  valeur,  vraie  ou  
 prétendu«,  de  fes  caracolis.  
 Nöüs  fûmes  avertis  quelque  teffls  
 après  qu'ils  fe  difpofoient  à  partir,  
 quoique  la  defcënte  jufqu'au  bord  de  la  
 mer  fut  fort  rude,  je  ne  laiiTai pas  d'y  
 aller  auffi-tôt  pour  voir  comment  ils  fe  
 tirerôient  d'affaire,  car  ils  avoient  abordéenun  
 endroit  fort  difficile,  8c  la  
 mer  étoit bien plus  groiFe  ce  jour  là  que  
 quand  ils  étoient  arrivez.  Mais  il  faut  
 avoiier  que  ce  font  d'excellens  hommes  
 de  mer  qui  bravent  le  peril  par  une  
 grandeur  de  courage  des  plus  extraordinaires. 
   
 Ils  mirent  tout  leur  bagage  dans  les  
 deux  bâcimens,  &  en attachèrent toutes  
 les  pieces  avec  les  cordes  qui  étoient  
 paiTées  dans  les  trous  du  bordage.  Us  
 pouflèrenl  enfuite  les  bâtimens  fur  des  
 rochers  ou  pierres  qu'ils  avoient  arrangées  
 a H '  
 h  cnmil/ 
 is  
 ftur  
 mt:"  
 m  mer  
 leurs  
 vnifft0Xy  
 F R A N C O I S E S  D  
 gées  avec  aflez  de  pente,  jufqu'à  l'endroit  
 oïl  la  groffe  lame  vient  finir.  Les  
 femmes  &  les  enfans  entrèrent  dans  les  
 Mtimens  &  s'affirent  dans  le  milieu  du^  
 fond.  Les  hommes  fe  rangèrent  le  long  
 des  bords  en  dehors,  chacun  vis-à-vis  
 du  banc  oii  il  devoit  êtr«  aflîs>  les  pa-^  
 gales  étoient  à  côté  de  chaque  place.  
 En  cet  état  ils  attendirent  que  les  plus  
 greffes  lames  fiiffent  venues  fe  brifer  à  
 terre,  Se  quand  celui  qui  devoit  gouverner  
 le bâtiment jugea  qu'il  étoit  tems  
 départir,  il  fit  un  cri,  &  auffi-tôt  tous  
 ceux  qui  étoient  aux  côtez du  bâtiment  
 le pouffèrent  de  toutes  leurs  forces  dans  
 l'eau,  &  fauterent  dedans  à  mefure  que  
 l'endroit où ils- devoient  voguer  ou  plutôt  
 nager  en.troit  dans  l'eau.  Celui  qui  
 devoit  gouverner  y  fauta  le  dernier,  &  
 tous  en  même  tems  fe  mirent  à  nager  
 avec  tant  de  force,  qu'ils  furmonterent  
 en  moins  de  rien  les  grofles  lames  
 ,  qui roulant  avec  impetuofité,  fembloient  
 les  devoir  rejetter  bien  avant  
 fur  la  côte>  je  croi  que  cela  leur  feroit  
 arrivé  fans  l'habileté  de  celui  qui  gouvernoit. 
   11  étoit  tout  droit  à  l'arnere,  
 &  il  paroit-  avec  une  adreffe  merveilleufe  
 le choc  de  ces  montagnes  d'eau  ,  en  
 les  prenant,  non  pas  tout  droit  &  de  
 face,  ou  commeondi t  auxifles,  lebout  
 au  corps,  mais  de  biais,  enforte.que  
 dans  le  moment  que  la  pirogue  s'élançoit  
 fur  le  côté  d'une  lame,  elle  étoit  
 toute  panchée  jufqu'à  ce  qu'elle  en  eût  
 gagné  toute  la  hauteur,  où  elle  fe  redreifoit  
 Se  difparoiffoit  en  s'enfonçant  
 de  l'autre  côté  de  ia  même  lame.  Elle  
 refortoit  enfuite,  dc  l'on  voyoit  fon  avant  
 tout  en  l'air  quand  elle  commenÇoit  
 à  monter fur une  autre,  de  maniéré  
 qu'elle  paroiffoit  toute  droite  jufqu'à  ce  
 qu'ayant  gagné  le  dos  de  la  fécondé  lame, 
   il  fembloit  qu'elle  n'étoit  foutenuë  
 que  fur  le  milieu  de  la  foie,  &  qu'elle  
 E  L'A  M  E R  IQUE.  
 avoit  fes  deux  extrémitez  tout  en  l'air.  1(594.  
 Après  cela  l'avant  s'enfonçoit,  &  la  pirogue  
 en  fe  plongeant  faifoir  voir  Ibn  
 arriéré  &  un  quart  de  fit  foie  tout  à  découvert. 
   Ce  fut  en  cette  maniéré  qu'ils  
 franchirent  les  grofles  lames,  où  tous  
 autres  que  des  Caraïbes  auroient  été  
 enveloppez,  Se  qu'ils  arrivèrent  où  la  
 mer  ne  roule  plus  avec  tant  d'impetuofitéj  
 car  les  groffes  lames  ne  commencent  
 qu'à  cent  cinquante  ou  deux  cens  
 pas  de  la  côte.  Je  les  avois  regardez  
 avec  admiration,  mêlée  de  crainte,  
 pendant  qu'ils  avoient  été  dans  le  danger  
 j  je  puis  dire  que  je  reffentis  de  la  
 joye  lorfque  je  les  vis  en  feureté.  
 L a  mer  forme  toujours  fept  grofles  Remarlames, 
   ondes,  ou  vagues,  comme  on  f^''  
 voudra  les appeller,  qui  viennent  febrifer  
 à  terre  avec  une  violence  étonnàn-  de  la.  
 t e ,  ce  qui  fe  doit  entendre  des  cabefterres  
 où  les  côtes  font  pour  l'ordinaire  
 fort hautes,  Se où  le vent pouffe la  mer  
 continuellement.  Les  trois  dernieres  
 de  ces  fept  lames  font  les  plus  groffes.  
 Après  qu'elles  font  paffées  en  venant  iè  
 brifer  à  terre,  il  fe  fait  un  petit  calme  
 qu'on  appelle  un  E m b e l i  qui  dure  environ  
 autant  de  tems  qu'il  en  faut  pour  
 dire  un  A v e  M a r i a  y  après  quoi  les  lames  
 recommencent,  leur  groffeur  Sc  
 leur  impetuofité  s'augmentant  toûjourâ'  
 jufqu'à  ce  que  la  feptiéme  fe  foit  venue  
 brifer à  terre.  
 Comme  ce  mouvement  nefe  remarque  
 qu'aux  cabefterrcs  des  Mes,  on^  
 peut  croire  que  c'eft  le  vent  qui le  produit, 
   ou  du  moins  qui  aide  à  la  mer  à  
 le former.  Il  ne  feroit pas  indigne de  l'attention  
 d'un  habile  hommede  cherchep  
 les  caufes  Sc  les  périodes  de  ce  mouvement  
 ,  de  voir  fi  pendant  toute  l'année  
 il  eil:  le  même  ,  Se  fi  les changemens  dc  
 la  lune,  &  les  différentes  pofitions  du  
 foleil  y  ont  quelque  part.  Entre  plufieurs  
 Iii« '  
 -P  
 i l  
 .jitaî