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 1696.  
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 t i o n  d e  
 l a  table  
 c t t l e  
 t o u c a n  
 f t t t  p o f é  
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 158  NOUVEAUX  VOY  
 pefant comme étoit le nôt re,  dont le dedans  
 fut  plus  délicat  &  la  croûte  plus  
 ferme &  plus  naturelle.  
 La.  table  fur  laquelle  on  pofa  ce  
 pâté  merveilleux  étoit  auffi  extraordinaire  
 que lui.  Quatre fourches de bonne  
 taille,  enfoncées  en  terre,  en  faifoient  
 les  quatre  coins  j  elles  avoient  
 deux  pieds  & demi  hors  de  terre.  Elles  
 foutenoient  deux  bonnes  traverfes  qui  
 y  étoient  fortement  liées  avec  des  effaces  
 d'entretoifes,  afin  quelequarréong  
 qu'elles  formoient  demeurât  toujours  
 égal & immobile.  Le  dedans étoit  
 g/irni  de  liannes  traverfantes  &  nattées, 
   mais  peu  tendues,  couvertes  de  
 feuilles  &  de  fleurs,  fur  lefquelles  on  
 mit  la  Tortue  dans  la  même  fituation  
 ou  elle  avoir  repofé  dans  le  four.  Les  
 bouts  des  traverfes  qui  débordoient  furent  
 garnis  de  petites  gaulettes  droites  
 ôc couvertes  de  feuilles &  de  fleurs,  
 iur  lefquelles  on  étendit  des  nappes  qui  
 faifoient  le  tour  du  parallelograme  ,  
 &  fur  ces  nappes  on  pofa~ les  afliettes  
 &  les  autres  chofes necelTaires  à une  table. 
   
 -  J'oubliois  de  dire  qu'on  avoit  nétoyé  
 avec  foin  la  croûte  du  pâté,  afin  qu'il  
 n'y  reliât  ni  ihble,  ni  cendre,  ni  charbon, 
   ni  autre  chofe  qui  eût  pû gâter le  
 couvert,  ou  choquer  la  vue.  
 La  Tortue  étant  en  cet  état,  &  tous  
 les  conviez  alîis  fur  des  bancs  de  même  
 fabrique  que  la  table  ;  on  cerna  
 tout  autour  le  plailron  de  la  Tortue  
 afin  de  l'ouvrir  ;  8c  à  peine  l'eut-on  
 levé  qu'il  en  fortit  une  odeur  mille  
 iois  meilleure  que  je  ne  le  puis  direj  
 en  un  mot  jamais  odeur  de  pâté  ne  
 çhàtoiiilia  l'odorat  plus  délicatement  
 que  celle  qui  fe  répandit  de tous  cotez  
 à  cette  ouverture.  Outre  la  Tortue  il  
 y  avoit  du  poiiFon  de  diverfes  fortes  
 en  abondance  qu'on  ne daigna  pas  feii- 
 AGËS  AUX  ISLES  
 lemcnt  regarder.  On  ne  fongea  qu'au  
 pâté.  On  en  mangea  beaucoup  &  de  
 grand  appétit;  6c  il  étoit  fi  délicat  &  
 fi  bien  aflaifonné  qu'il  fembloit  exeiter  
 la  faim,  au  lieu  de  l'appaifer.  1}  
 étoit  tard  quand  nous  nous  mîmes  à  
 table,  ony  fut  long-tems;  il étoit tard  
 par  confequent  quand  nous  en  fortîmes. 
   On  fit  referver le plaftron  &  deux  
 autres  plats  du  plus  beau  poiiTon  pouï  
 ceux qui voudroient fouper,  & on abandonna  
 le  refte  à  ceux  qui  n'avoient  
 pas mangé  avec nous,  aux domeftiques  
 &  aux  Negres,  6c  nous  paflames  le  
 refte du  jour  à  nous  promener  fur  cet  
 l i l e t ,  6c  à  raifonner  fur  les  établiffemens  
 qu'on  pourroit  faire dans  ces  endroits. 
   
 Nous  nous  rembarquâmes  après  le  
 coucher  du  folcii,  6c  nous  arrivâmes  
 aflez  tard  à nôtre  gîte  ordinaire.  Comme  
 je  n'avois  pas  befoin  de  fouper,  &  
 que j'étois  fatigué,  j'allai  achever  mon  
 Breviaire,  8c je  me  couchai.  
 ^  Le  Samedi je  pallài  toute  la  matinée  
 a  mettre  au  net  les  corretaions  que  j'avois  
 faites au plan  deMonfieur Van Defpigue  
 ,  pendant  que Monfieur Auger retourna  
 à  la  grande  riviere  de  Goyaves  
 pourvoir  les  terres  qu'on  pourroitconceder, 
   8c de  quelle  maniere  les  habitations  
 chaflcroient  pour avoir  la commodité  
 de  la riviere  ,  6c une  hauteur  convenable  
 fims  préjudidcr  aux  terres  déjà  
 concedées.  
 Nous  partîmes  après  dîné  pour  nous  
 rendre  à  la  nouvelle  habitation  que  
 Monfieur Houel  faifoit  faire a  la  pointe  
 d^Antigues.  Monfieur Van  Defpigiie  
 nous  y  accompagna.  On  fonda  tout  le,  
 long  de  la  côte  depuis  la  riviere  falée, 
   ce  qui  fit  que  nous  arrivâmes  afièz  
 tard.  Nous  foupâmes  d'abord  que  
 nous  eûmes  mis  pied  à  terre  ,  aïant  
 porté  avec  nous  un  plallron  de Tortue  
 F R A N C O I S E S  DE  L' A M E R I Q L U E .  t} 9  
 il  étoît  aifé  de  conclure  que  le  fucre  i6(j&.  
 brut qu'on  en feroit,  pourroit être  beau,  
 comme  il  l'étoit  en  effet  dans  tout  le  
 quartier  du grand  cul-de-fac, mais  qu'il  
 feroit  difficile de  réuffir en  fucreblanc,  
 comme  il  eft  arrivé.  Il  eft  à  éfpérer  
 ifod  ^  pofflbn  roti.  Mais  il  nous  fut  
 '  impoffible de  dormir.  Il  fembloit  que  
 tous  les atomes  de  l'air  fe  fuiTent  convertis  
 en mouftiques,  en  maringouins,  
 froiii- 8c en  une autre efpece  de bigaille  qu'on  
 i/î ii« appelle des  Vareurs ;  ce  font  des  cou-'  
 fins de  la  grande  efpece qui  ont  urt  aim,. 
   guillon  fi  fort  8c  fi  long  qu'ils  percent  
 (jjwwles  hamacs  caraïbes  les  mieux  peints  
 S c i e s  plus  forts,  8c  caufent  par  leurs  
 piqueures  autant  dedouleur  qu'un  coup  
 de lancette  qui vous  perce  la  chair ;  de  
 forte que  nous  fûmes contraints  d'abandonner  
 la  maifon,  6c  de  nous  retirer  
 dans nos  canots  remplis  de  feiiilles,  8c  
 bien  couverts  de  leurs  voiles où nous allâmes  
 pafler  la  nuit  à  cinq  ou  fix  cens  
 pas  au  large,  aïant  nos  armes  auprès  
 de  nous,  8c  deux  canots  armez  pour  
 nous  garder.  Cette  importune  foule  
 de  coufins  nous  accompagna  une  centaine  
 de  pas  à  la  mer,  après  quoi  ils  
 s'en  retournèrent  à terre,  8c nous  laiilerent  
 en  repos.  
 Le  Dimanche  zp Avril je dis  laMefle  
 de bon  matin.  On  avoit  eu  foin  d'apporter  
 les  ornemens  de  la  Chapelle  de  
 Monfieur Van Defpigue, 8c pendant  que  
 Monfieur  Houel  expedioit  les  affaires,  
 pour  lefquelles  il  étoit  venu,  je fus  me  
 promener  avec Monfieur Auger  le  long  
 delà côte.  Ce païs nous parut  très-beau,  
 8c quoique  la  terre  foit  blanchâtre,  legere  
 6c fabloneufe,  elle ne  laiiTepasd^être  
 bonne,  du  moins  autant  qu'on  en  
 peut  juger  par  la hauteur  ôc la  groiTeur  
 des cannes à fucre,  des arbres 8c des maniocs. 
   
 Une  chofe  me  furprit  dans  tout  ce  
 quartier-là.  C'étoit  d'y  voir  les  cannes  
 plantées jufques  au  bord  de  la  mer.  Je  
 goûtai  de  ce  les-ci  commej'avois  goûté  
 de celles de  Monfieur Van Defpigue, 8c  
 je  les  trouvai  toutes  un  peu  fommaches, 
   c'eft-à-dire un  peu  faléesj  d'oii  
 que  ce  deffaut  ceiTera  quand  les  terres  
 feront  plus  ufées ,  6c que  le  nitre  dont  
 elles  abondent  à  prefent,  fera  diffipé.  
 Les  habitans  de  ces  quartiers  prétendent  
 que  le  terrein  du  bord  de  la  mer  
 eft meilleur  que  celui  qui  en  eft  plus  
 éloigné, parce qu'il ett plus gras 6c moins  
 pierreux.  Je  fuisperfuadé qu'ilsfetrompent, 
   6c  les  experiences  que  j'ai  faites  
 depuis  ce  tems-là,  6c dont  je  ferai  parc  
 au  Leéteur  quand  je  parlerai  de la fabrique  
 du  fucre,  m'ont  convaincu  que  
 j'avois  raifon  de  penfer  comme je  penibis. 
   
 J e  n'avois  jamais  tant  vû  de  crabes  
 que  j'en  vis  dans  ce  quartier-là.  Les  
 Cannes,  les  fa vannes,  es  maniocs,  les  
 bois  6c  les  chemins  en  étoient  pleins.  
 Elles  étoient  blanches,  6c  avoient  de  
 fi  prodigieux  mordans  que  je  paflbis  
 mon  pied  au  travers  ,  quand  el  es  les  
 prefentoient  pour  fe  defftndre.  C'eft  
 un  grand  fecours pour  les  Negres,  6c  
 pour  les  habitans.  La  chaiTe 8c  la  pefche  
 y  font  abondantes  ,  de  forte  que  
 la  vie  coûte  peu  ,  ce  qui  invite  bien  
 du  monde  à  demander  des  concefijons  
 pour  y  faire  des  établiiTemens.  Mais  
 à  mon  avis  ces  avantages  font  furieufement  
 balancez  par  le  deffaut  d'eau  za  
 douce  dont  cette  liîe,  c'eft-à-dire  la  ¿ei'w  
 grande  terre,  eft  abfolument  dépourvûë, 
   pendant  que  la Guadeloupe  en  a  
 pour  fournir  toutes  les  Ifles  voifines.  
 On  ne  trouve  à  la  grande  terre  que  
 quelques  mares  d'eau  croupie  8c  gâtée  
 par  les  crabes,  6c  quelques  mauvais  
 muits  d'eau  à  demi  falée,  qui  encore  
 le  plus  fouvent  fe  trouvent  infeétées  
 T  i  par  
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