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I4(î N O U V E A U X V O Y A G E S I A U X I S L E S
s^xjô. voit retirez depuis la déroute de l'Iflc
de Marie-giilante , pour compofer un
corps de garde capable de mettre cet
endroit hors d'infulte pendant la nuit.
Avant de m'éloigner davantage de k
Grande terre, jecroi qu'il eft bon de dire
un mot de quelques bois dont on me
fit prefent, & que nous n'avons pas à la
Guadeloupe. J e ne puis pas par er des
arbres dont ils avoient été pris, parce
que j e ne les ai pas vûs.
î w L e premier eft le bois marbré. Il eit
^aarbfé. à croire que cet arbre ne vient jamais
fort gros , puifque les plus grofles billes
que j'ai p â en avoir, tant dans ce
voyage qu'en d'autres occafions, ne font
jiimais arrivées à un pied de diametre.
Ge bois eft dur, pefant & compaét}. fongrain
eft petit, 8c fes fibres fort fines.
II eft plus beau étant tourné qu'étant
débité en planches. L'aubier eft d'un
blanc iale , le coeur eft gris ou prefque
brun avec des ondesde différentes teintus
j depuis le gris clair jufqu'au brunobfcur,
qui fe terminent en oeil de perdrix,.
ou en centime de volute. Pour fai -
re paroître toute la beauté de ce bois,.
il faut le mettre de biais fur le tour ,
afin que l'aubier paroiife en quelquesendroits
, parce que fa blancheur détache
davantage, & donne du relief aux
autres parties. On en fait des guéridons,
des pieds de chaifes, des tables, des cabinets
& autres ouvrages. Il eft poli 6c
luftré prefque naturellement. J'en ai fait
débiter en planches que j'ai faitfcieren
fuivant le fil du bois comme on fait ordinairement,
& d'autres de biais, afim
dis joindre les nuances & compoftr un
tout qui parut naturel, & j'ai fait faire
de très-beaux ouvrages de cette façon.
I l eft vrai que ce bois eft dur à la fcie,.
& très-diiïïcile quand il le faut fcier de
biais, mais il n'eft pas fujct à fe fendre
ni à s'éclatCE..
L e fécond eft le bois violet, qu'il ne
Caê
faut pas confondre avec le bois de violette
dont je parlerai dans la fuite, que
l'on appelle ainfi, parce que quand it'"'
eft échauffé, il a l'odeur de cette fleur.
Celui-ci n'a aucune odeur, mais il a la
couleur violette, fort vive, avec des
ondes & des volutes compofées de différentes
teintes de cette couleur. J'en ai
eu des planches de huit à dix pouces de
large dont j'ai fait faire des deiîlis de
table fur un chaiììs de bois marbré, ce
qui faifoit un très-bel effet.
L e dernier dont j^apportai feulement
quelques morceaux de branches, fans
avoir vû l'arbre ni la feuille, s'appelle
Ganelle bâtarde. L'écorce étoit brune,
épaiffe prefque comme deux écus blancs, i«
fort hachée, arant à la vérité l'odeur de
lacanelle, mais plus forte & commemè-lX
lée de cloud de g e rof l e j lorfqu'on la
met fur la langue, elle a un goût fi fort
& fi piquant, qu'il femble que ce foit
un compofé de poivre, de gérofie&de
canelle. Comme je ne fçavois pas alors,
que la veritable canelle fine eft la feconde
écorce, ou la peau qui eft fous la premiere
écorce des branches & non pas du
tronc du canellier ; je n'ai pSs éprouvé
comme je l'aurois pûfiiire plufieurs fois,,
fi la peau ou feconde écorce de cette
efpece de canelle n'étoit pas moins piquante
que la premiere.
On fe fert beaucoup en Italie d'une
canelle femblable àcel e q u e je viens de
décrire} les Portugais l'apportent duBrefil
dans des paniers de roieaux refendus Sc
à jour} on rappelle canelle géroflée, Caml
la garofanata.. On la met en poudre
avec un peu de gérofl'e, de veritable
canelle, de poivre & de graines tout à
fait femblables à celle de nos bois d'Inde
des Ides , & on en fait un debit alfeii
confiderable.
On faifoifedéja beaucoup de fucre à
la
F R A N C O I S E S D E L ' A M E R I Q ^ U E . »47
la Grande-teri:e, & bien des gens tra-
' vailloient à établir des fucreries. J e vis^
liéti^^lfii" de leur lucre qui me parut très-beau Se
" f"' •bien grené-, fur tout lorfqu'il eft nou-
•gjj. velleraent fai t , mais on m'affura qu'il
[uni devenoit cendreux ou molaffe, 6c qu'il
fç décuifoit quand il étoit gardé quelques
mois. C'eft un défaut commun à
tous les fuc r^ des Ifles Angloifes. Le s
habitans prétendent que cela vient de
ce que leur terrein eft encore neuf &
trop gras. Pour moi je fuis perikadé que
c'eft le .fel Se le nitre dont leur terre eft
remplie qui cauiè cette mauvaife qualité,
qui fe corrigera lorfqu'elles feront
diffipées par un long ufage. J'ai fçû depuis
que je fuis en France que cela eft
arrivé.
Le Gingembre eft la racine d'une
plante qui vient affez touf fue, dont la
feuille longue, étroite, affez douce au
toucher, eft femblable à celle des rofeaux,
excepté qu'elle eft bien plus petite
en toutes façons. L a tige ne croît
jamais à plus de deux pieds de haut i fés
feuilles viennent couplées des deux cotez
de la tige. Elles font d'un verd gai
quand elles font jeunes } elles jauniffcnt
en meuriffant, 6c fe fechent entièrement
lorfque la racine «a toute la
maturité qui lui eft neceffaire.
&î raci- Ces racines viennent plates, larges 6c
de différentes figures. Communément
elles reffemblent à des pâtes d'oyes, 6c
c'eft pour cela qu'on les appelle des pates
plûtôt que des racines de Gingembre
} elles font noûeufes, chargées d'excrefcences
6c de petits boutons. Elles
font très-peu avant.en terre, fouvent
même elles font prefque dehors 6c tout
à découvert. On en trouve de larges
commè la paulme de la main, 6cépaiffes
d'un bon pouce. Leur peau eft mince,
de couleur de chair lorfqu'elles font
•vertes, Se grifes quand elles font feplUl.
dies. L a âfbftance eft blanche 6c ferme
, de la eonfiftance du navet > elle eft
affez corapaâre 6c pefante. Elle efttraverfée
par des nervures qui partent de
l'endroit par oii elletenoit à a t i g e , 6c
qui fe répandent dans toute fa largeur
6c longueur, comme les mufcles & les
veines dans les membres du corps. Ces
nervures font remplies d'un fuc plus piquant
6c plus fort que le refte de la
chair, qui eft d'autant plus douce, qu'elle
eft éloignée de ces nervures ou qu'elle
eft moins meure.
Cette plante demande une bonne terr
e , mais un peu legere, c'eft pour cela
qu'elle vient à merveille dans cette partie
del'I ile, qui eft depuis le grand culde
fac jufqu'à la grande riviere de la
Cabefterre, où le terrein eft de cette efpece.
On plante le Gingembre fur la fin de Cuhun
la faifon des pluyes , c'eft-à-dire, en^" ? ' " '
Odobr e 6c Novembre, Après que la^^*"
terre a été labourée à la houë, on mec
de pied en pied un petit morceau de la
même plante qu'on a confervé de la
derniere récolte, 6c fur tout de ceux
qui ont plus de chevelure, 6c on le couvre
de trois à quatre doigts de terre. Il
pouffe au bout de fept ou huit jour s , à
peu près comme font les cibouleS} il iê
fortifie peu à peu. Ses feuilles telles que
j e les ai décrites, s'étendent 6c couvrent
leur terre, que l'on eft obligé jufqu'à
ce tems-là de tenir bien nette. Il jette
cependant fes racines ou pâtes , plus
ou moins grandes, 6c d'une quantité
proportionnée à la bonté du terrein que
cette plante dégraiffe 6c mange beaucoup.
On connoît qu'il eft mur à lès
feuilles qui jauniffent, qui fefannent ,
6c qui fechent à la fin i pour lors on arrache
la plante avec fes pâtes, 6c quand
on voit qu'il s'en eft feparé quelqu'une
, on la cherche avec la houë. On
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