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 60  NOUVEAUX  VOY  
 iCpj.  ce  poiiTon.  En fécond lieu,  je mefuis informé  
 de ce  fait d'un  très-grand  nombre  
 deperfonnes,  &  fiirtout  de  nosFlibuftiers  
 qui  n'ont  fouvent  d'autre  reiTource  
 pour  vivre  que  la  pêche  du  Lamentin,  
 qui tous m'ont  affliré que'ni eux ni les  Indiens  
 de r i t thme  dcDarien, qui font f.ins  
 contredit  les meilleurs pécheurs du  monde, 
 n'ont jamais vû deManate  à terre.  Les  
 pieds  ou  mains  du  Lamentin  ou  plûtôt  
 les  nageoires  ne  font  ainiî  appellées  ,  
 que parce qu'il  s'en  fert  pour  porter  fes  
 jetits,  ou  pour  les  tenir  pendant  qu'il  
 eur  donne  à  téter.  Ces  nageoires reffemblent  
 ailez  aux  pâtes  de  la  Tortue,  
 comme  je  les  ai  dépeintes  dans  ma  premiere  
 Partie  -,  il  eli  vrai  qu'elles  font  
 plus  grofles &  plus  longues,  &  cela eft  
 j u f t e ,  car  l'animal  eft  bien  plus  gros.  
 Si  on  les  doit  appeller  pieds  ou  mains,  
 j e  le  laiffe au  jugement  des  ledeursi  je  
 ne  ferai  querelle à perfonne pour  ne  pas  
 embraiTer  mes  idées.  Le  Lamentin  femelle  
 a  deux  mamelles  rondes,  celles  
 du . Lamentin  que  je  mefurai  avoient  
 lépt  pouces  de  diarnetre  ,  fur  quatre  
 pouces  ou environ  d'élévation;  le  tetin  
 étoit  gros  comme le p o u c e ,  &fortoitun  
 bon  pouce  au  dehors.  CepoiiTonquieft  
 tout  rond  depuis  la  tête  jufqu'à  la  naiffance  
 de la queue ,  avoit huit  pieds  deux  
 pouces  de  circonférence.  Sa queue  étoit  
 comme  une  large  palette  de  dix-neuf  
 pouces  de  long,  depuis fa naiflancejufqu^ 
 à  fon  extrémi té;  elle  avoit  environ  
 quinze  pouces  dans  fa  plus  grande  largeur; 
   fon  épaiffeur  tout  au  bout  étoit  
 d'environ  trois  pouces.  Elle  avoit  aiTez  
 ]ii  figure  de  ces  plaques  de  fer  dont  on  
 fait  les focs de charuë lorfqu'elles fortent  
 de  la  forge.  La peau de ce  poillbn  eftepaiiTefurledosprefquecommedeux  
 cuirs  
 de boeuf,mais  elle eit beaucoup plus mince  
 fous le ventre.  Elle eft de couleur  d'ardoife, 
   brune,  d'un  gros grain  &  rude,  
 lijj  
 A ' G E S  AUX  ISLES  
 avec des poils  de  même  couleur  clair-fcmez, 
   gros &  aiTez longs.  On  comptoii  
 que  ce Lamentin  pefoit  huit cens  livres.  
 J e  ne l'ai pas pefé, mais  à  la  vûë,  je  croi  
 qu'on nes^éloignoitgueres  de la  vérité.  
 Les  pêcheurs  avoient  auffi  pris  fou  
 î e t i t ,  il  avoit  environ  trois  pieds  de  
 ong;  nous en mangeâmes  afouper.  On  
 avoit  fait  rôtir  à  la  broche  le  côté  de la  
 queue,  la  tête  &  le  refte  du  corps  étoient  
 accommodez  de  différentes  manieres. 
   Un  veau de  lait  &  ce  poiflbn ne  
 different  en  rien,  c'eft  la  même  chair,  
 par  fa blancheur,  fa  tendreté,  fadélica- 
 ^ f l e  :  le goût &  la faveur font les mêmes,  
 &  fi  je  n'avois  pas  vû  le  poiiTon  avant  
 qu'il fut coupé &  cui t ,  on auroit eu de la  
 peine  à  me perfuader  que  ce  n'étoit pas  
 de  la  viande.  
 J e  m'informai comment  on  avoit pris  
 ce  poiiTon.  Un  des  Negres  prefens meAi®  
 dit  que  l'aïant  aperçû  qui  dormoit  vers  
 Tembouchurede  la riviere  des Gallions,  
 il  ctoit  venu  en  diligence  chercher  fon  
 harpon,  fa corde & fa maiTe,  parce  qu'il  
 n'avoit  avec lui  que  de  petites  lignes.  
 Le  fer  du  harpon  avoit  huit  à  neuf  
 pouces  de  long,  à deux  pouces  &  demi  
 de  la  pointe  il  y  avoit  un  ardillon.  Le  
 haut  de  la  doiiille  étoit  garni  d'un  anneau  
 où  un  bout  de  la  corde  étoit  attaché; 
   il  y  avoit  à  l'autre  bout  un  bloc  
 de  bois  blanc  autour  duquel  la  corde  
 étoit  roulée  Cette  corde  ou  ligne  étoit  
 de  la  groiTeur  du  doigt.  •  
 Le Negre  étant  revenu avec fon équi'  
 p i g e ,  &  aïant  encore  vû  le  Lamentin  
 s'en  approcha  le  plus  doucement  qu'il  
 fut  poiîible  de  peur  de  l'éveiller  ,  &  
 quand  il  fut  à  portée  il  le darda  de  toutes  
 fes forces,  pendant  qu'un  autre Negre  
 fila  la  corde,  &jettaàla  fin  le  bloc  
 à  la  mer.  Le  poiiTon  prit  la  fuite des  
 qu'il  fe fentit frapé.  Les Negres  nageant  
 de  toutes  leurs  forces  le  fuivoient  dans  
 leuï  
 F R A N C O I S E S  D  
 leur.canot,  étant  guidez  par  le  bloc,  
 qui  paroiflant  toûjours  fur  l'eau,  leur  
 indiquoit  le  chemin  que  le  poiiTon  faifoit. 
   Au  bout d'une  bonne heure  iks'aperçûrent  
 que  le  bois  ne  fe  mouvoît  
 plus  ,  d'où  ils  conjeélurerent  que  le  
 poiflbn commençoit  à fe fatiguer 8c  qu'il  
 fe repofoit,  ils  nagerent  alors  plus  vivement  
 pour  réprendre  leur  bois  ,  &  
 Taïant  attrapé,  ils  attachèrent  le  bout  
 de  la  corde  a  l'avant  du  canot.  Le  Negre  
 qui  avoit  harponné  s'y  tenoit  pour  
 donner  un  fécond  coup  de h a rpon,  s'il  
 en  trouvoit  l'occafion,  comme  il  arrive  
 alTez  fouvent,  &  montroit  avec  le  
 bout  de  la  vare  à  celui  qui  gouvernoit  
 le  chemin  que  le  poiiTon  prenoit,  afin  
 qu'il gouvernât juftement  de  ce  côté-là;  
 car  il  n'étoit  plus queftion  de  nager,  les  
 deux  autres Negres  étoient  aiïïs  dans  le  
 fond  du  canot  afin  de  faire  le  contrepoids  
 &  fervir  de  left  Dès  que  le  poifîba  
 fentit  le  mouvement  de  la corde,  il  
 reprit  la  fuite,  &  entraînoit  après  lui  
 le  canot  plus  vite  qu'un  caroiTe  qui  eft  
 tiré  à  fix  chevaux  qui  courent  à  toutes  
 jambes.  Il  fit  ce manege  encore  pendant  
 une  heure.  A  la  fin  il s'echoiia  fur  un  
 haut  fond  où  les  Negres  achevèrent  de  
 l'aflbmmer  à  coups  de  maiTe.  Le  petit  
 qui  avoit toûjours  fuivi fa mere,  s'arrê- 
 /ta  auprès  d'elle.  Le  Negre  le  harponna, 
   il  fut  pris  auflî-tôt  Sc  mis  dans  le  
 canot;  mais  comme  la  mere  étoit  trop  
 grofle,  ils  lui  lierent  fortement  leur  ligne  
 à  lanaiiTance  de  la  queue  &  l'amarerent  
 à  ra.rricre  du  canot  pour  la  conduire  
 chez leur maître,  où  ils eurent  befoin  
 du  fecours des  autres  Negres  pour  
 la  tirer  fur  le  fee.  
 NWri-  L'herbe  dont  ce  poiiTon iê  nourrit  eft  
 longue  de  huit  à  dix  pouces,  étroite,  
 pointue,  tendre & d'un  aiTez beau  verd.  
 On  voit  des endroits  dans  la me r ,  dont  
 le fond eft comme  une prairie.  L..es T o r - 
 E  L 'AME R IQUE .  (îi  
 tuësenmangentauiîî.  Ileftaifé  de  voir  
 quand  ces  animaux  fönten pâture,  parce  
 que  l'herbe  qui  leur  échape  en  machant  
 ou  en  la  coupant  vient  au  deifus  
 de  l'eau.  
 Si j'avois  fçû  que  les os  des  côtes  du  Proprifi  
 Lamentin  étoient  bons  pour  les  hemoragies  
 ,  &  pour  les  flux  &  pertes  de  
 fang,  je  m'en  ferois  bien  muni;  mzïsdesLaje  
 n'ai  fçû  ce  fecret  que  quelques  an-  '  
 nées  après,  &  je  n'ai  pas  trouvé  depuis  
 une  occafion  aulîi  favorable  pour  eu  avoir. 
 ,  rmnúns.  
   On  prétend  que  le  Lamentin  a  
 quatre  os  dans  la. tête  qui  font fpecifîques  
 pour  la  gravelle  &  pour  la  pierre.  
 Comme  j e  n'en  ai  point vû  d'experience, 
   je  n'en  dirai  rien.  Souvent  unremede  
 ne  réuiEtpas,  parce  qu'il  eft  mal  
 préparé,  pu  donné  à  contre-tems.  La  
 graille du  Lamentin  eft  très-bonne;  elle  
 fe reibird  facilement  en  huile qui ne  rancit  
 jamais,  &  qu'on  employe à difFerens  
 ufages.  
 J e  partis  le  Samedi  Avril  deux  
 heures  avant  le  jour.  Monfieur  Bouchard  
 qui  avoit  fait  des  préfens  de  fa  
 pêche à fes voi  fins,  m'obligea  d'en  prendre  
 plus de cinquante  livres,  6c me  donna  
 unNegrepour  l'apporter  jufqu'au  fond  
 S. Jacques.  C'étoit,  comme  on  le  peuc  
 croire,  du meilleur  endroit,  quieft  depuis  
 If milieu des côtes jufque fous le  ventre. 
   Il  eft certain  qu'on  ne  peut  voirune  
 chair  plus  blanche,  plus  tendre  &•  plus  
 délicate  que  celle-là.  
 Je  trouvai  au  fond  Saint  Jacques  un  
 de  nos Negres du Moiiillage,  queicSuperieur  
 avoit  envoyé  m'y  attendre  &  
 m'apporter  une Let t re.  J'y  fis  réponfe  
 fur  le champ,  & fis partir le N e g re  avec  
 dix  livres  de  Lamentin  que  je  lui  envoyai. 
   Nous  en  mangeâmes  à  dîné  au  
 fond Saint  Jacques.  J'en  laiiTai  un  mor-».  
 ceau  au Cur é  de la grande Ance  ;  je  pris  
 en  pafTant  le  Pere  Breton  pour  venir  
 i  3  fouih: 
   
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