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ailé de remarquer, on la foüille avec
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la houë. line faut pas une grande force
pour niracher ces fortes d'arbres, car
outre queles terres ne font pas extrêmement
fortes, les racines ne font pas bien
avant dans la terre. Quand ces racines
font arrachées, les Negresdeftinez à cet
ouvrage, engratentou ratiflentl'écorce
avec ûn méchant couteau comme on fait
aux navets, & les jettent dans un canot
plein d'caii où on les lave bien, après
quoi on les grage, c'eft-à-dire qu'on les
réduit en une efpece de farine fort hu-
'MÎÎHU- mide quireiîemble à delà groiTefcieure
re de le de bois, ce.qui fe fait en palîant form
f " r i - "^^^ent la racine fur une rappe de cuine.
' vi'e, comme on paiTe le fucre. Ces rappesde
cuivre qu'on appelle grages, &
le travail que l'on fait par lei^r moyen,
grager, ont quinze à dix-huit pouces
de longueur fur dix à douze pouces de
largeur. On les attache avec de petits
clouds fur une planche de trois pieds &
demi de long & d'un pied de large, non
pas de toute l'étendue de leur largeur,
niais en ceintre. Le Nègre qui grage
met un bout de la pli.'nche oii la grage eit
attachée dans un canot ou auge de bois,
& appuyé l'autre bout contre fon eftoroach,
il y a à côté de lui un panier où
font les racines bien gratées & bien lavées,
jl en prend une à chaque main, &
la paiie & repaiTe fur la grage en l'y appuyant
fortement, jufqu'à ce qu'il l'ait
réduite en farine.
Maiile- ' Après qu'on a gratté tout ce qu'on a
re de arraché de racines, on prend la farine
^Ujirï- le canot, 6c on la porte à la
ns. prefle pour exprimer tout le fuc dont
elleeft remplie. On regarde ce fuc comme
un poifon, non feulement pour les
hommes, mais auffi pour les animaux
qui en boivent ou qui- mangent de ces
racines avant que le fuc en foit exprimé.
Le Pere du Tertre & les autres
qui ont parlé de ce fuc difent qu'il n'eil
pas un poifon mal faiGxnt quoiqu'il eaufe
la mort ; mais qu'ayant trop de fub- '
fiance, l'eftomach des animaux ne leï
"peut digerer, & qu'ils en font étouf- i«
fez. Ce qui paroît en ce queles animaux?"
qui en meurent n'ont point du tout les jj',
parties nobles altérées, niais feulement
la poitrine enflée.
Les différentes experiences que j'ai
faites de ce fuc m'ont convaincu, qu'outre^
cette abondance de fubftance nourriflànte,
une partie de {¡i malignité confifte
dans fa froideur qui arrête la circulation
du fang, engourdit ks efprits,
ôc caufe enfin la mort fans ofFenfer les
parties nobles de l'animal: la raifon fur
aquelleje me fonde, efl: que le meilleur
remede qu'on ait trouvé jufqu'à
prefent pour fauver la vie aux animaux
qui en ont bû, efl d'exciter en eux de
yiolens mouvemens en les faifant courir
le plus vite que l'on peut, les é-¡^^
chaufïiintenleur faifant avaler de l'eau- mi
de-vie la plus forte avec du Theriaque,
après leur avoir fait avaler de l'huile
pour les exciter à rejetter ce qu'ils i/',
ont pris, en un mot en réveillant les
efprits , & mettant le fang en mouvement.
Le Pere du Tertre donne trois remedes
pour empêcher le mauvais effet du
fuc de manioc. Le premier de faire
boire de l'huile d'olive avec de l'eau
tiede, cela excite au vomifTement, &
ne peut pas manquer de donner du foulagement.
Le fécond, eft de boire quantité de
jus d'ananas avec quelques goûtes de
jus de citron.
J e fçai que le fuc d'ananas efl fort incifif&
fort froid auffi-bien que celui de
citron, ÔCc'efl: ce qui me fait douter de
la bonté de ce remede , quoiqu'il le
donne pour infaillible.
L e troiiiéme ell le fuc de l'herbe
aux couleuvres. Je parlerai de cette
plante
V K A N C Ô ï S E S DE L'A M É R I Q^U E. î i ( )
piatite dâftS un autre efidroit. En attendant
je dois dire qu'il ne me paroît
aucun rapport entre les vertus de cette
liante & le mal dont il s'agit. D'aileurs
le Pere du Ter t r e ne dit pas comment
ondoitremployer, cequimefait
croire qu'il ne l'a jamais vû mettre ett
ufage. Lés animaux qui s'accoutument
au manioc peu à p eu, n'en reçoivent aucune
incommodité, au contraire ils s'en*-
graiÎTent de même que nous voyons les
Turcs ne recevoir aucune incommodité
de l'opiutn, quoiqu'il s'en trouve qui eft
prennent plus qu^il n'en faudroit pour
faire mourir deux ou trois autres perfonnes
qui n'y feroient pas accoûtumées
Eomme eux. Ce qui me fortifie dans ma
penfée efl que le fuCperd toute fa malignité
dès qu'on Ta mis fur le feu , ce qui
ne peut provenir d'autre chofe fînon que
la chaleur a mis fes parties en mouvement.
Nos Sauvages qui en mettent dans
toutes leurs fauces n'en font jamais incommodez
parce qu'ils ne s'en fervent
jamais que quand il a bouilli.
On fefert de ce fuc pour faire de l'amidon
en le faifant deffécher au folcii,
oìj il devient blanc comme lanége, pour
lors on l'appelle Mouchache, comme
ijuidiroit enfant de Manioc, carie mot
Mouchache quiçfl Efpagnol, fîgnifîe un
enfant. Ce fuc a un petit goût aigre qui
fe perd à mefure qu'il viellit". On fè
iert de la Mouchache pour faire des gâteaux
qui font auffi délicats que s'ils
ctoient faits de la plus fine fleur de farine
de froment. Si quelqu'un en veut
voir j'ai de quoi contenter fa xuriofité.
II y a trois maniérés de prelTer le manioc
pouren exprimer le fuc. Deux font
ordinaires aux Européens, latroifiéme
éil particulière aux Sauvages.
La premiere, efl de mettre la farine
auffi-tôt qu'elle ell gragée, dans un ca-
Tom. L
îlot ou auge de bois, dont le fond 6c i'iy.i.
les cotez font percez de trous de tarl'iere,
dans laquelle on a étendu une natte
de rofeai^x refendus afin d'envelopper P'-'mie-
U farine Se l'empêcher de s'écouler ^^^'"¡^rTde
les trous dë l'auge j & quand l'auge efl preßer la
pleine , on remplie par deiTus ce qui reflc farine.
de la natte que l'on couvre avec une
planche de !a grandeur de l'ouverture
du canot. On appuyé pour l'ordinaire
le canot contre un arbre ou du moins
contre un poteau bien enfoncé enterre,
où il y a une mortaife où l'on fait entrer
le bout d'une piece de bois de huit à dix
pieds de long, qui paiTe à angles droits
fur le milieu du canot j on met fur la
planche qui le couvre quelques morceaux
de bois, afin que le bout de la piece
de bois oppofé à celui qui efl dans la mortaife,
foit beaucoup plus élevé. Ce bout
efl accommodé 6c élargi avec quelques
petites planches qu'on y a clouées, qui
e rendent propres à recevoir de groiTes
pierres dont on le charge, afin que par
leur poids on faiTe enfoncer la planche
qui couvre le canot, 8c qu'ainfi on comprime
la farinequi y efl renfermée. Cette
piece de bois ainfî chargée faifant
l'effet d'un levier.
La farine demeure douïe ou quinze
heures à fe décharger de fon fuc, 6c même
beaucoup moins fi l'inflrument dont je
viens de parler qu'on appelle une prefle,
eil bien fait, & qu'on le puiiTe bien charger.
On a foin de remuer une fois la fatine
pendant ce temps-là, afin qu'elle fe
prefle également p ar tout, après •quoi
elle paroît comme une mafTede pât^e prei^
que iêche.
La feconde maniere, e^ de mettre le Seanis
manioc gragé dans des facs de groflè 8c
forte toille que l'on met fous la'prefîe
fans fe fervir de canot, les feparant les
uns des autres par des planches. Cette
maniere eil plus cxpèditive, mais elle
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