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84 N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
1696. tez des profits immenfes qu'ils faifoient,
leur négoce auroit duré plus long tems;
Jeur dureté & leurs mauvaifes maniérés
firent enfin ouvrir les yeux aux habitans,
& les privèrent des ga ins infinis qu'ils fai-
Toientfiir lesfucres qu'ils blanchiflbient.
II pouvoir y avoir dans ces deux Bourgs
deux cens Ibixante maifons, laplûpart
de bois, & fort propres.
Tout cé quartier étoit fermé du côté
de la mer d'un parapet de pierres feches,
de fafcines & de terre foutenues
par des piquets. Cette efpece de fortification
commençoit à la ravine Bilk
u , & continuoit ainfi jufqu'à la batterie
des Carmes. Cette batterie étoit
de maçonnerie à merlons, il y avoir
neuf pieces de canons de fer de differens
calibres qui battoient dans la rade.
Depuis cette batterie jufqu-au terrain
élevé où le fort eft fitué, il y avoitun
gros mur avec quelques flancs & des
embrafures. Ce mur couvroitla place
d'armes 6c les maifons qui l'environnoient.
Il y avoit encore une batterie
à Barbette de trois pieces fur la hauteur
du Fort au bord de la falaife, & une autre
de deux pieces au de-làde la riviere
des Gailions. Voilà quelles étoient les
fortifications du Bourg ôc du Fort quand
Moniteur Auger prit poiîèlTion de fon
Gouvernement î encore étoient-elles
fort en defordre, car depuis le départ
des Anglois on n'avoit fait autre chofc
que rétablir la breche du cavalier fans-'
toucher au reile, quoiqu'il en eut trèsgrand
befoin.
C H A P I T R E X vr.
Defcripion des quartiers du Marigot, de Saint Robert, de la Magdaïeim,
des Habitans-, ¿r la defcente des Anglois en 1691.
§¡aarlier
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J^jarigot
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;E Lundi f Mars, j'allai à l'habitation
du Marigot oii on
projettoit de faire le moulin
à eau, elle eft à une bonne
lieuë du bordde la mer.
Depuis qu'on a paiTé un endroit aflez
haut ôc difficile à monter, qui eft derrière
nôtre maifon environ à huit ou
neuf cens pas du bord de la mer, on
trouve un terrein qui monte toujours
infenfiblement vers les grandes montagnes
qui font, au centre de l'ifle, &
on rencontre de tems en tems des efpaces
confiderables de plat païs, dans
quelques-uns defquek les eaux de
pluye fe ramaifent ôc fe confervent -,
& particulièrement en deux endroits où
elles forment deux, petits étangs : c'eft
ce qui a fait appeller ce quartier Marigor,
qui eft un nom que l'on donne
communément dans les lilés à tous leî
lieux où les eaux de pluye fe raiTemblent
ôc fe confervent. Il eft certain
que ces deus étangs font d'une grande
utilité pour abbreuver les beitiaux
ôc les autres neceffitez de ce quartierl
à , où le manque d'eau feroit beaucou
foufFrir, quoiqu'on ait une fort gro:li fe
riviere à coté, mais elle coule au bas
de falaifes fi hautes ôc fi roides, que
la defcente fait peur, ôc- qu'elle devient
inutile à ceux qui demeurent dans
ces habitations élevées. Il eft- vrai qu'il
y a urre petite fource d'eau dans nôtre
terrein, mais c'eft fi peudechofe, fur
tout dans les tems de fechereiTes, qu'à
peine peut-elle fournir de l'eau pourboire
aux deux habitations quL en font les
plus proches. •
Je mefurai avec un demi-cerclc la
bau-
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F R A N C O I S E S DE L'A M E R I CLUE. 8 r
u . hauteur perpendiculaire depuis l'endrôit
oùj'étois jufqu'à la furface de la riviere
dont je devois conduire l'eau,
pour remplir le canal qu'on propofoit.
Je trouvai quatre-vingt-deux toifes
trois pieds. Cette grande profondeur
Hc m'étonna point, parce que comme
j:'ai déjà remarqué toutes les rivieres
des Ifles ne font que des torrens qui
tombent des montagnes avec une trésgrande
pente, ôc fou vent en cafcades
d'une hauteur confiderable > de forte
que je ne doutai point qu'en cottoyant
horifontalement la falailè depuis l'endroit
où devoir être le moulin, je ne
me trouvaiTe enfin de niveau avec le
fond de la rivière. J'avois trois ou
quatre Negres avec moi pour me conduire
dans les détroits de ces montagnes,
ôc pour m'ouvrir le chemin où
les haliers étoient trop épais. Je tirai
quelques coups de niveau lâns beaucoup
de précifion,. jufqu'à la diftance
d'environ huit cens toifes. La nuit
m'empêcha de continuer >• le peu que
j'avois fait, me convainquit de la poffibilité
de la chofe , ôc même qu'elle
étoit bien moins difficile qu'on ne fe
l'étoit figuré. Il eft vrai qu'il y avoit
du travail, mais ce n'étoit- que des arbres
à- couper ôc des terres à remuer,
dont la vuidange étoit d'autant plus
facile que le travail étoit fur une coftiere.
D'ailleurs nous ne devions travailler
que fur nôtre terrein , où par
coiifequent il n'y avoit aucune difcuflion
à craindre pour les dédommagemens,
ce qui fouvent eft un embarras
pour celui qui conduit le travail. Tous
nosPeres, excepté le Supérieur, témoignèrent
bien de la joye du rapport que
je leur fis.
Le Mercredi 7 Mars, jour des Cendres
, nous fîmes en partie l'Office de
SaintThomas d'Aquin, quitoraboitce
jour là. Monfieurle Gouverneur qui y K^pó.
avoit été invité, s'y trouva avec le Lieutenant
de R o i , quelques Officiers de
robbe ôc d'épée, Se entre autres un Prêtre
appellé PAbbé du Lion, fils de feu
Monfieur du Lion Gouverneur de la
Guadeloupe. Tous ces Melfieurs ayecles'
Communautez Religieufes, c'efl-à-dire,^
les Jefuites-, les' Carmes, les Capucins
ÔC les Ref igieux de la Char i té , dînerent
chez nous.
Comme je ne vis point d'apparence
de travailler fi-tôt à mon ouvrage, je
refolus d'aller voir mon Compagnonde
Rel igion ôc de voyage le Pere GafTot,
qui deiîérvoituneParoifle à cinq lieiies
duBaillif du côté de l'Oiieft , appellée
l'iflet à Goyaves. J'y allai à cheval dont
j-'eus tout lieu de me repentir, car la
plus grande partie de ce chemin eft dans
des-mornes tellement hachez ,• qu'il faut
fans cefle monter ôc defcendre au travers
des rochers ô£ des racines d'arbres
qui couvrent tous Ges- chemins , qui
font d'autant plus mauvais, qu'on s'éloigne
de la Bafle-terre j. parce qu'étant
îeu- fréquentez, ils font plus négligez,
a plûpart des habitans fe fervant prefque
toûjours de leurs canots pour aller
& venir de chez eux à la BaiTe-terre, où
font ordinairement toutes leurs affaires.
Après qu' Olì a paflé la riviere du Bail- sourg
l i f , qu'on appelloit autrefois la- petite du Bailriviere,
on trouve un morne efcarpé-'^^J^^
au pied duquel il y a quantité de rui- ^uTe'la
nés des bâtimens qui ont été brûlez. Magde-
5ar les Anglois, ôc- enfuite détruits par
e débordement de la riviere , entre
efquels il y avoit une très-belle raffinerie.
Le chemin pour monter ce
morne eft dans la pente , ôc quoiqu'affez
roide, il ne laiife pas d'être commode.
On trouve fur la hauteur les
reftes du château ou fort de la Magde-
leine. II avoit appartenu à Meifieur i
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