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?0 N^OUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
1694. reparer le fcandaîe que nonsleur avionsf
donné en nous afleyant fur leur morr.
De cette maniere nous redevînmes amis
comme auparavant.
Dans l'entretien que nous eûmes avec
la Rofe^pendant que nous mangions,
nous aprimes que tous ces Caraïbes s'étoient
aiTemblez chez lui pour celebrer
les obfeques d'un Caraïbe qui étoit fous
la natte où nous nous étions affis d'abord,
6c qu'on n'attendoit plus que
quelques-uns de fes parens de l'Iíle
S. Vincent pour l'enterrer tout-à-fait.
^ T L ^^ ^^ necelTaire que tous fes parens
c^raï- voyent qu'il eft mort de mort naturelle
les 10»-pour le croire; de maniere que s'il
t Z ' d ^'"«"voit un feul qui ne l'eût pas
^^^ enfemble ne fere
»i. roient pas fuffiians pour le lui perfuader3,
au contraire il croiroit qu'ils auroient
tous contribué à fa mort, & il
fâ croiroit obligé par honneur d'en
tuer quelqu'un pour la venger. Cette
coûtume & ce point d'honneur nous
parurent fort incommodes & fort impertinens.
Je crois que nôtre hôte auroit
bien voulu que'ce Caraïbe ne lui
eût pas fait l'honneur de choifir fon
Carbet pour mourir, paixe que cette
groiîè compagnie diminuoit beaucoup
fon manioc, dont il n'avoit peut-être
que la provifion bien jufte pour fa famille.
Après que nous eûmes dîné, je demandai
fi comme ami du deffunt nous
ne pourrions pas le voir. La Rofe me
dit qu'ouy, & que cela feroit plaifir à
toute la compagnie, fur tout û nous
buvions & faifions boire à fa famé -,
il fit aulTi-tôt lever la natte & les planches
qui couvroient la fofl'e. Elle étoit
faite comme un puits , d'environ quatre
pieds de diametrre, & defixà fept pieds
de profondeur. Le corps y etoit à peu
j)rés dans la même pofture que j'ai décrit
ceux qui étoieiit autour du feo. Ses
coudes portoient fur fes genoux, & les
paulmes de fes mains foûtenoient fes í i
joiiesj il étoit proprement peint de rou-r¿¿''
ge avec des mouftaches & des rayes/««"
noires, d'une autre teinture que les or-""'«:
dinaires qui ne font que de genipa. Ses
cheveux étoient liez derrière fa tête,
fon arc, fes fleches, fon bouton & fon
couteau étoient à côté de lui. Il n'avoit
du fable que jufques aux genoux,
autant felon les apparences, qu'il en
falloit pour le foûtenir dans la poftme
où il étoit, caril ne touchoit point aux
bords de la foiTe. Je demandai fi on le
TOuvoit toucher. Se on m'en laiflalalijerté
toute entiere. Je lui touchai les
mains, le vifage 6c le dos, tout cela étoit
très-fee, 6c ne rendoitaucunemauvaife
odeur, quoiqu'on m'afilirât qu'on n'avoit
pris aucune autre précaution que de le
rocoiierauiE-tôt qu'il fut expiré, après
quoi on l'avoit mis dans la folTe comme
nous le voyions. Les premiers de
fes parens qui étoient venus avoient ôté
le Ííible pour vifiter le corps i 6c comme
il ne rendoit aucune mauvaife odeur,
on n'en avoit point remis pour n'avoir
pas la peine de l'ôter à chaque nouveau
parent qui arriveroit. On nous dit que
quand tous l'auroient vû, on empliroit
lafoiîeencierement 6iàdemem-e. Nous
ne manquâmes pas de boire & de faire
boire la compagnie à la fanté du défunt
, après quoi on remit les planches
qui fermoient la foiTe, 6c la natte par
deffiis. Il y avoit près de cinq mois qu'il
étoit mort. J'auroisbienvoulu qu'ilfût
arrivé quelque parent pendant que nous
étions là, nous euffions été témoins de
leurs ceremonies, mais il n'en vint aucun.
Cependant les poiiTons qui étoient
au feu étant cuits, 6c ces .Meilleurs
ayant appétit j les femmes apportèrent
deux
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE.
1(9*-
deux ou trois matatous chargez de caf- mangent rien qui foit cuit dans Peau, i^VAfaves
fraîches 6c encore chaudes, avec
tout eft roti ou boucané. Leur maniéré
de rôtir eft d'enfiler la viande par
morceaux, ou les oifeaux quand ils
font petits dans une brochette de bois,
6c de la planter en terre devant le feu,
6c quand on juge que la viande eft cuite -A/''»«-
d'un côté, on lui fait faire un demi
in riiCUliL. lavuii.
tour afin que 1 l'autre côté fe c uife ; mais t,kniles.
àùoique j'euile aiTez bien dîné, je quand c'eftunoifeau un peu gros comne
laiifai pas de m'approcher du ma- me un perroquet, un ramier ou une
tatou afin de goûter leur poiflbn 6c poule, ils ne prennent pas la peine
leurfaulce. Ce qu'il y a de commode a- de les plumer ni de les vuider. Ils les
vec ces gens-là, c'eft que leur table eft jettent tout chauflez 6c tout vêtus dans
ouverture à tout le monde, on n'a pas le feu, 6c quand la plume eft rôtie,
befoin d'être invité ni d'être connu ils jettent deiTus des cendres & des
pour s'y mettrej ils ne prient jamais charbons, 6c les laiifent en cet état le
perfonne , mais auffi ils n'empêchent - tems qu'ils jugent neceilaire pour leur
qui que ce foit de manger avec eux. cuiiîbn, après quoi ils les retirent; ils
Monfieur de la Rofe 6c fes quatre
garçons firent le figne de la croix 6c
dirent le Benedicite, les autres s'en
difpenferent parce qu'ils n'étoient pas
Chrétiens, quoiqu'ils euifcnt peut-être
été déjà baptifés, 6c qu'ils fuflent encore
iwr deux grands coiiis, dont l'un étoit plein
de taumali de crabes, 6c l'autre de
^'K""' pimentade. Cela étoit accompagné d'un
i ï " ' gi-and panier de crabes boiiillies, des
' coffres qui étoient au feu, 6c de quelques
poiiTons à grandes écailles cuits
de la même façon.prêts de l'être autant de fois qu'on
leur donneroit un verre d'eau de-vie.
J'expliquerai ce que c'eft-que le taumali
quand je parlerai des crabes.
Pour leur pimentade c'eft dw fuc de
manioc bouilli avec du jus de citron,
enlevent facilement la croûte que les
plumes 6c la peau ont faite fur la chiiir ,
ils ôtent les boyaux 6c le jabot, 6c
mangent ainfi l'oifeau. J'en ai mangé
plufieurs fois de cette maniéré j j'en
ai accommodé moi-même comme je
viens de dire, 6c j'^i toûjours trouvé
que la chair toute remplie de fon fuc
étoit d'une tendreté 6c d'une délicateiîe
admirable. Ceux qui ne me croyent
pas en peuvent faire l'experience
iiitLiiiuu uutniil i-iiJ jv^o vf- à« peu de frais, 6—c —fe^ convaincre d—e —la;
dans lequel ils écrafent une fi grande vérité ou de la fiiuifeté de ce que je r ^ -
qu1 an^t i.t é d. e piment, q. u'il eft impoiTîi'-^ ' porte. ble atout autre qu'à eux d'en ufer. J'ai
déjà dit que c'étoit leur faulce favorite
hsca-Sc univerfelle. Il faut faire une autre
remarque, qui eft qu'ils ne fe fervent
Te goûtai des poiiTons à grandes écailles,
qu'on dépoiiilla comme fi on
les avoit tirez d'un étui. La chair étoit
mkes remarque, qui eft qu'ils ne fe fervent ttrrèèss--bboonnnnee,, bbiieenn ccuuiittee 66ccffii ggrraaffllee qquu''oonn'
jamais de fel; cen'eft pas qu'ils en man- eût dit qu'on l'avoit remplie de beure.
Jtt, qiient ; ik y a des falines naturelles dans 11 eft vrai que ce poiflbn eft d'ordinaire
toutes les Ifles où ils pourroient s'en aflez grasj mais il faut convenir que
fournir, mais il n'eft pas de leur goût quand il eft cuit, fans que l'eau, le beunon
plus que la viande ou le poiflbn re ou l'huile ayent changé la bonté de
bouilli. J'ai fçeu d'eux-mêmes qu'ex- fon fuc, en s'y mêlant, il ne peut être
cepté les" crabes qui font la meilleu- que beaucoup meilleur,
repartie de leur nourriture ^ ils ne Le CaiFre eft uapoiflon ainfiappellé
Cofn,
4-
iîfe.,.