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 iTiyi.  leçon  d'une  bonne  toile  de  menage.  11  
 lorroit  fon  épée  à  la  ma  n  ,  je  croi  
 3i£n  que  le  fourreau  avoit  été  anciennement  
 tout  entier  ,  mais  le  tems,  les  
 fatigues  de  la  guerre,  la  pluye  &  les  
 rats  en  avoient  confommé  une  bonne  
 partie,  ce  qui  faifoit  que  cette  épée  
 roiiillée  paroiflbit  plus  de  moitié.  11  y  
 avoit  une  bande  de  toile  coufuë  au  
 côté  gauche  de  la  ceinture  du  caleçon  
 qui  fervoit  à  foûtenir  cette  venerable  
 épée  dans  les  ceremoi ^es.  M.ilgré  cet  
 fljufremcnt  négligé JMonfieur  Lietard  
 ne  manquoit  pas  d'efprit,  de  bon  fens  
 &  de  courage.  Il  fit  fon  compliment  
 au  Maître  de  la  maifon en peu  de  mot5j  
 il  s'adrefla  enfuite  au  Pere  Gaffot,  6c  
 lui  dit,  qu'ayant  apris  qu'un  Religieux  
 de  ion  Ordre  étoit  dans  le  quartier,  il  
 étoit  venu  le  prier  de  faire  enforte  
 qu'il  vînt  dire  la  MelTe  à  leur  Chapelle,  
 ï l  me  iiilua  en  même  tems,  &,me  fit  un  
 compliment  auquel  je  ne  m'attcndois  
 pas,  vû  l'équipage  de  celui  qui  le  fiii- 
 Ibit.  J'y  répondis  de  mon  mieux  ,  &  
 j'acceptai  le  parti ;  &  après  qu'il  fe  fut  
 rafraîchi,  &  que je  fus  aflur,é  de  trouver  
 à  k  .Chapelle  de  Ferri  tout  ce  .qui  
 étoit  neceffaire pour  dire  la  MeiTe,  je  
 m'pmbarquai  avec  lui  pour fon  quartier,  
 pendant  que  mon  Compagnon  fe  rembarqua  
 auffi  pour  xétourner  à  fa  Paroi  
 île.  
 Nous  avions  trois  bonnes  lieuës  à  
 faire  pour  nous  rendre  à  Ferri  -,  cependant  
 comme  le  canot;  étoit  bien  équi- 
 ,  pé,  &  que  le  vent  nous  favorifa,  nous  
 y  arrivâmes  aiTez  promptement.  Nous  
 paillmes  devant  le  quartier  appeilé  
 ^¡ar-  Caillou,  autrement  la  Pointe  Noire,  
 Îîlr  de  oij  depuis  on  a  bâti  l'Eglife  ParoifcniUo 
 »  g.jje  ¿g  quartier-là.  Nous  nous  
 eu  rie Ut  A  »  •  ^  
 points  y  arrêtâmes  un  moment  pour  avertir  
 r.ojre.  que  la  MeiTe  feroit  le  lendemain  à  
 Ferri.  Ce  quartier  eil  aiTez  coupé  de  
 A  G E  S  AUX  r  S  L  E  S  
 mornes  8c  de  petites  ances  j  &  quoique  
 le  terrein  ioit  pierreux,  il  ne  aifle  
 pas  d'être  bon.  Il  eft  bien  mieux  habité  
 &  cultivé  que  les  environs de; Goyaves. 
   
 Nous  arrivâmes  à  Ferri  avant  cinq  
 heures  :  c'eil  une  belle  ance  qui  eft  
 couverte  d'une  pointe  de  terre  allez  
 haute  du  côté  du  Nord-Oûeft.  La  riyiere  
 qui  pafle prefque  au  milieu  a  cinq fini.  
 à  fix  toifes  de  large  &  environ  trois^"¡'''•i'  
 pieds  d'eau._  Je  voulus  d'abord  voir  
 Chapelle  qui  étoit  à  la  gauche.de  l'ancce^«.  
 fur un  terrein  un  peu  élevé.  Elle  étoit  
 Amplement  de  fourches  en  terre,  paliffadée  
 de  rofeaux  &  couverte  de  palmiftes, 
   du  refte  fort  nette  &  fort  propre  
 dans  fa  pauvreté.  Je  trouvai  le  
 Catéchifrae  de  Grenade  avec  les  Vies  
 des  Saints  dans  une  petite  armoire  à  
 côté  de  l'Autel,  &  j'appris  que  les Dimanches  
 &  les Fêtes,  ceux  qui  ne  pouvoient  
 pas aller entendre la MeiTe àGoyaves, 
   s'y  aflembloienc  le matin  &  lefoir,  
 &  qu'après  avoir  dit  les  prières,  on  lifoit  
 un  chapitre  du  Catéchifme de  Grenade, 
   qui  étoit  fuivi  de  la récitation  du  
 Chapelet,  après  quoi  on  hfoit  la  vie  
 d'un  Saint,  &  le  leéleur  annonçoit  les  
 Fêtes,  les  vigiles &  jeûnes  d'Egliiê  qui  
 fe trouvoient  dans  là  femaine.  C'étoit  
 Monfieur  Lietard  qui  faifoit cet  office,  
 fur tout  le  foir,  &  qui  avertiiToit  charitablement  
 ceux  qu'ilfçavoit  être tombé  
 dans  quelque  défaut  confiderable,  
 afin  qu'ils  fe coi'rigeaflent.  Après  que  
 nous  eûm^es  fait  nos  prieres,  nous  nous  
 rendîmes  à  la  maifon  de  Monfieur  Lietard, 
   elle  étoit  éloignée  d'environ  cinq  
 cens  pas  du  bord  de  la  mer.  La  riviere  
 paffbit  à  côté  :  quoiqu'elle  fût  bâtie  
 auffi  fimplement  que  la  Chapelle,  elle  
 me  plût  beaucoup  par  fa  fituation  ,  foti  
 bon  air  6c fa  propreté.  Madame  Lie^  
 tard, vint  au  devant  de  moi  avec  beaucoup  
 un  peu  groile.-  Elle  avoit  de  l'efprit,  
 5c même  une  politeiTc  que  je  n'aurois  
 pas crû  devoir  rencontrer  dans  des  gens  
 de  fa couleur.  Si  nous  n'avions  pas  été  
 en  tems  de  jeûne,  on  ra'auroit  fait  
 faire  bonne  chere  ,  car  il  y  avoit  du  
 '« ieiiihms. 
   
 F  R  A  N  G  O  1  S  E  S  D  E  L'A  M  E  R  I  Q . U  E.  97  
 coup d'honnêteté.  C'étoit une NegrelTe  que  les Mets  du  grand  cul-de-fac qui n e  i6ij6.  
 d'environ  quarante  ans,  qui  étoit  en-  font  pas  fort éloignez,  fervent de retraicore  
 belle &  bienfaite,. quoiqu'elle  fut  te  à  une infinité  de  tortues 6c de  lament 
 i n s ,  on  conviendra  que  ce  quartier  
 eft  un  des  meilleurs  de  TIfle,  6c  que  
 le  feul deffaut  qu'il  a eft  d'être  peu  habité. 
   .  ,  
 .  Le  Dimanche  onzième  Mars  tout  le  
 quartier  de  Ferri,  de  la  pointe  noire  ,  
 E  poiiTonde  mer  6c  d'eau  douce  enabon-  Se du  grand  cul-de-fac,  fe  rendirent  à  
 I  dance,  les  voifins  étant  allez  à  la  pê-  laChapelle.  J'y  étois  avant  le  jour ,  &  
 che,  lorfqu'ils  avoient  été  avertis  que  je  confeiTai jufqu'à  onze  heures.  Je  dis  
 leur Officier étoit  allé chercher  un Reli-  a MeiTe,  je  prêchai,  je  fis  le Catechifgieux  
 à Goyaves.  Mais je ne pûs manger  me,  6c je  fus autant  content  de  ce  boa  
 que  quelques  fruits  avec  de  la  caiTavc  peuple  qu'il  témoigna  l'être  de moi.  Je  
 fraîche  6c du  ouycou  excellent.  En  at-  dînai  avec  le Capitaine 8c les principaux  
 tendant  la  nuit  je  fus  me  promener  chez  Monfieur Lietard,  6c  après  qu'ils  
 dans l'habitation,  il n'y avoit  autre  cho-  m'eurent  fait  donner  paroleque  jevienfe  
 que  du  manioc,  des  pois,  des  pa-  drois  pafler  les  Fêtes  de  Pâques  avec  
 tatcs,  des  ignames,  du  mil,  du  cotton  
 euxi  je  me  rembarqi^i,  mon  hôte  eut  
 &  du  tabac.  Je  vis  dans  la  favanne  
 l'honnêteté  ce  me  venir  conduire  jufques  
 quelques  bêtes  à  corne  fort  graiTes  ,  
 chez  lePereGaiTot  oii  nous  l'arrêtâmes  
 &  un  très-grand  nombre  de  volailles  
 à  fouper  6c à  coucher.  
 de toute  efpece.  Ce  font  ces  fortes  de  
 Entre  plufieurs  chofes  qui  me  firent  
 chofes  qui  occupent  tous  les  habitans  plaifirdans  ce  voyage,  celle  qui  m'ep  
 de ce  côté-là  qui  n'ont  pas  de  fucrerie,  fit  davantage,  fut  d'avoir  vû  l'arbre  
 c'eft  leur  commerce  qui  les  rend  fort  d'oti  découle  l'huile  ou  le  baume  de  
 pécunieux,  quoiqu'il  paroiiTe  peu  de  Copaii.  Il  y  en  avoit  un  pied  à  côté  
 chofe. Nos Flibuftiers viennent s'y pour-  de  la  maifon  de  Monfieur  Lietard  :  
 voir de farine,  de  manioc,  de  pois,  de  c'eft  le  feul  dont  j'ai  pû  avoir  conpatates  
 6c d'ignames qu'ils payent argent  noiiîance  dans  la  Martinique,  la  GuacpmptantSc  
 bien.  Il  vient  des  barques  deloupe,  la  grande  Ter re,  S.  Chriftodp  
 la Martinique  qui  achettent leurs bef-  phle,  les Saints,  6clapartie  de  laDomitiaux  
 ,  leurs  volailles  8c  leur  cotton  j  nique  où  j'ai  été,  6c  où  je  l'ai  cherché  
 trois  chofes  qui  font  toûjours  recher-  inutilement.  C'eft  un  aibre  de  trèschées  
 ôc bien  vendues.  belle  apparence.  Il  pouvoit  avoir  vingt  ^^ire  
 La  chaiTe eft  très-bonne  dans tous ces  à  vingt-deux  pieds  de  hauteur j  fa feuil-  de  eof^r.  
 endroits.  On  y  trouve  encore beaucoup  le  approchoit  ailèz de celle  de  l'x)ranger,  
 de  fangliers,  ou  pour  parler  le  langage  excepté  qu'elle  étoit  plus  longue  8c  
 desifles,  de  cochons  marons.  Les per-  plus  pointue,  douce  au  toucher,  fouroquets, 
   les  periques,  les  ramiers,  les  pie,  d'une  odeur  aromatique  8c  d'un  
 tourterelles,  les grives  8c  les  ortolans y  verd  clair  &  gai,  l'arbre  en  eft  fort  
 font  en  abondance i  6c pour  ce  qui  eft  garni.  Son  écorce  eft  grife,  8c  autant  
 des  oifeaux de  mer  8c  de  riviere,  on en  que  je  le  pus  voir  par  une  branche  que  
 a  t ^ t  qu'on  veut}  à  quoi  fi  on  ajoûte  je  coupai 3  elle  eft aflez  épaiiîe,  lice 8c  
 Tm.  IL  ^  O  .  .  ^  '  
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