140 NOUVEAUX VO Y
i6ç6. par les Crabes qui y tombent & qui y
Jpuriflenr. De Ibi te qu'on eft réduit à
'eau de citerne; mais comme tout le
monde n'a pas la commodité ou le moyen
d'en faire, la plûpart n'ont que de
l'eau qui tombe des toits qu'ils conferr
vent dans des bariques, dans des jarres
ou de grands canaris. C'eft à cedeffaut
Effets lin de bonne eau, qu'on doit attribuer la
man-iue couleur livide de beaucoup d'habitans,
qui louvent font attaquez de maux d'eftomacquidégcnerent
en hydropifie, ou
de fievres violentes , qui bien qu'elles
ne foient pas ordinairement mortelles,
font longues & difficiles à guérir.
R.ùfhns Ce défaut d'eau vient de deux cauàecette
fes; la premiere, que la plus grande
partie de la grande terre eft bafle &
plate j & la feconde que le fond de
cette tèrre n'eft compofé que de roches
poreufes & legeres, ou de pierre à
chaux , ce qui fait que les eaux de
pluye s'imbibent auffi-tôt dans la terre
& difparoiflent fans s'aiTcmbler &
couler vers les lieux bas, comme font
toutes les eaux qui filtrent au travers
des pores de la terre, fe réunifient &
compofent les ruiifeaux 6c les rivieres,
ou bien lorfqu'il fs rencontre quelque
fond oii le terrein eft d'argile & de terre
gralîe, l'eau qui s'y amafle s'y gâte
& s'y conompc en peu de tems, parce
qu'elle n'a pas de pente pour s'écouler,
ce qui eft en même tems la caufe de la
corruption de-l'air, & de bien des maladies.
-
Nous partîmes de la pointe d'Antigues
après que nous eûmes dîné. Nous
jalFâmes tout le long de la riviere faée
qui partage la Guadeloupe en deux
parties, dont celle qui eft à l 'Ef t porte
le nom de grande T e r r e , parce qu'eiFectivement
elle eft plus grande que l'autre
qui conferve le nom de Guadeloupe
comme aïant été découverte & habitée
Riviere
Salée..
A G E S AUX ISLES
la premiere. On compte que la Guadeloupe
a trente-cinq lieiiesdetour, Scies
deux Ifles enfemble environ quatre
vingt-dix.
L a riviere falée n'eft qu'un canal
d'eau de la mer qui pafle entre ces
deux Mes. Elle a environ cinquante
toifes de large à fon embouchure du
côté du grand cul-de-fac. Sa largeur
diminue enfuite, il y a des endroits où
elle n'a pas plus de quinze toifes. Sa
Profondeur n'eft pas plus égale que fa
argeur. Nous trouvâmes des endroits
où elle pouvoit porter un vaiiTeau de
cinq cens tonneaux, & d'autres où une
barque de cinquante auroit de la peine
à pafler de bafle marée > mais comme fa
largeur eft fort retrecie par les mangles
ou palétuviers, qui font fur les bords,,
& qui en couvrent une bonne partie, il
fe peut fairequ'on trouveroit plusd'eau
& un chenal plus profond que celui du
milieu, iî ces terres étoient défrichées,
& les bords de la riviere délivrez des.,
mangles qui les occupent. Mais il n'eft
pas expedient de fonger à cet ouvrage
avant que le grand cul-de-fac foit peuplé,
& qu'il y ait un fort àl'IlletaFanjou
pour deffendre tous ces quartiers
des courfes & des pillages des Anglois
qui n'y viennent encore que trop fouvent,
& qui y viendroient bien davantage
s'ils pouvoient paifcr dans cette riviere
avec des bâtimens plus conilderables.
C'eft un charme de navigerfur cette
riviere. L'eau y eft claire, tranquile 6c
unie comme une glace. Elle eft bordée
de palétuviers fort hauts qui font
un ombrage & une fraîcheur raviflante.
Elle a plus de deux lieiies de long
depuis fon embouchûre dans; le grand
cul-de-fac jufqu'à celle du petit. Tout
ce vafte terrein depuis cette riviere jufqu'à
la grande riviere, à Goyaves, ap-
F j R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. 141
partient à Monfieur Houe! Capitaine Monfieur de Varennes nous quitta Se lOtß.
aux Gardes, frere aîné de Monfieur de s'en alla chez lui, & nous allâmes dé-
Varennes avec qui nous étions. On barquer au Fort Louis de la grande teravoit
toûjours appellé cette terre faint re, oîi Monfieur le Gouverneur fut reçû
wyn^f. Germain jufqu'en 1707. que le Roi l'a au bruit du canon 5c de la moufqueteÄ
érigé en Marquifiit en ßiveur de Mon- rie, par Monfieur dé Maifoncelle, Ca-
Houel fous le nom d'Houelbourg, pitaine d'une Compagnie détachée de la
quoiqu'il n'y ait ni Bourg ni Village. Marine, qui compofoit la Garnifon de
Ce terrein eft arrofé de deux petits ce Fort.
ruiiTeaux qui fe jettent dans la riviere C'eft un méchant parallelograme de
falée. L'embouchure d'un de ces ruif- cinquante toifes de long fur dix à douze
féaux eft prefque au milieu de la ri- toifes de large , compofé d'un double
viere filce. Il fait une petite chûte qui rang de paliifades, éloignez l'un de l'aufai:
qu'on l'entend d'aiTez loin. On a tre de fix pieds pour foutenir les terpratiqué
un paflage au travers des res & les fafcines dont cette efpece de
mangles pour^ aller prendre de l'eau, parapet eft compofé. Il y a quelques Fori
On voit à côté deux gros arbres où angles faîllans fur lefquels on a élevé ^"'f
il y a bien des noms marquez fur des plattes-formes de bois pour mettre gWî
leurs écorces. Nous ne voulûmes pas le canon, parce que comme il n'y a Terre.
contrevenir à la coûtume. Nous dé- point de fofle, & que ce parapet n'a
barquâmes fur les arcades des mangles, que fept a huit pieds de hauteur, fi on
chacun puifa de l'eau 8c en but, & y avoit coupé des embrazures pour le
ceux qui fçavoient écrire gravèrent canon , ç'auroit été autant de portes
leurs marques fur les arbres. Cette ouvertes pour entrer dans le Fort. Outre
ces deffiuts il eft commandé d'une
petite butte qui en eft à la portée du
piftolet , du haut de laquelle on découvre
les hommes qui font dans le
Fort depuis la tête jufqu'aux pieds. Il
commodité de trouver de l'eau douce
hijfmdans un lieu comme celui-là, lui a fait
donner le nom de Belle HÔteiîe. C'eft
une coûtume immémoriale de faire quelque
libéralité à ceux qui vous condui- Í ~ 1 .. . ..W..V. JIIIVJU UUA p i cua. il
lent, la premiere fois qu on pafle en cet n'y a de maçonnerie que les jambao-es
endroit, comme on fait pour éviter le de la porte, un petit magazin à poudre
baptême aux Tropiques & à la Ligne, qui eft à côté, une cuifine, un ou deux
Monfieur le Gouverneur fatisfit à ce de- fours, & une citerne. La maifon du
voir avec beaucoup de generofité- Au- Capitaine qui fait les fondions deComtant
quejious le pûmes voir, le terrein mandant, eft de fourches en terre
de faint Germain eft beau , mais il eft
tout en bois de bout, excepté une favanne
de quatre à cinq cens pas du coté
du petit cul-de-fac qui s'étend depuis
la riviere du coin jufqu'à la pointe de
Grigne au vent.
Après que nous eûmes paifé la riviere
ialée, nous entrâmes dans le golphequi
eft entre les deux Ifies de la Guadeloupe,
qu'on appelle le petit cul-de-fiic.
planchée tout autour Se couverte d'eifentes>
elle contenoit quatre petites'
chambres de plein pied. Les baraques
des Soldats & tous les autres bâtimens
étoient paliiTadez de rofeaux & couverts
de paille. Conime ce Fort eft trop élevé
pour deftcndre les vaifleaux qui
mouillent au pied de la hauteur où il
eft bâti, on a fait en bas une batterie .
fermée de maçonnerie en forme de re-
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